Life
6.7
Life

Drama JTBC (2018)

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L'envers du décor dans un CHU coréen

Si j'ai regardé ce drama, c'est après avoir lu la très bonne critique de grantofficer. Et j'ai du me faire violence, car Lee Dong-Wook est un acteur que je ne supportais pas avant. En général, les séries ou films dont le sujet est en rapport avec le monde hospitalier ne m'intéressent pas trop, car anxiogènes. Heureusement ici, on ne montrera que très rarement des scènes purement médicales, parce ce que ce n'est pas le sujet. C'est l'envers du décor, le fonctionnement d'un CHU qui va être au cœur du débat. Il faut vraiment que le casting, les dialogues ou que l'angle d'approche soient passionnant pour que mon attention soit retenu. Le fonctionnement du système hospitalier coréen ne m'est pas inconnu, j'en avant brièvement parlé dans ma critique sur The Trauma Code et j'en reparlerai forcement ici. C'est un des plus inégalitaires du monde capitaliste, encore pire que ceux des pays anglo-saxons. Le credo pourrait être: "tu n'as pas d'argent? Patiente ou crève".


Le sujet central dans Life va être une lutte de pouvoir entre le nouvel administrateur du CHU, Gu Sung Hyo( Jo Seung Woo), nommé par un PDG de Chaebol, et l'ensemble des chefs de service, dont la fronde va être avant tout menée par Ye Jin-Woo(Lee Dong-Wook), un médecin urgentiste idéaliste, et Joo Kyung-Moon(Yoo Jae-Myung), un chef de service altruiste et dévoué corps et âme à son métier. Gu arrive à un moment où l'ancien directeur vient de décéder dans de mystérieuses circonstances, chez le directeur adjoint. On ne sera jamais vraiment s'il est mort par accident, ou si on "l'a suicidé". Il était proche de Jin-Woo et du frère de celui ci, Sun-Woo(Lee Kyoo-Hyung), médecin lui aussi, mais paraplégique suite à un accident de voiture durant son enfance. Il travaille pour un service gouvernemental de surveillance des hôpitaux publics. Car oui, il est à retenir que en Corée, même les CHU ont des fonds à la fois gouvernementaux, mais aussi privés à hauteur de 50%. Sung Hyo va être le premier directeur non médecin a diriger l 'Hôpital universitaire de Sangkook. Il a été avant tout placé là pour que cet établissement, le 4eme de Corée, fasse des profits et rentabilise les investissements opérées par le Chaebol. D'entrée, il sort les griffes.


A l’instar de Live qui montrait la réalité au quotidien d’un commissariat de quartier à Séoul, dans Life, on découvre le fonctionnement erratique d’un CHU, avec les 3 services non rentables: la gynécologie obstétrique, la pédiatrie, et surtout le service des urgences, qui est le miroir d’une société en pleine décadence sociale et sociétale, Ce drama c'est avant tout une galerie de portraits des différents protagonistes: ils sont la plupart inclassables, car très durs à cerner, et on va s'en apercevoir au fil des épisodes. Il n'y a pas d'un coté les bons, et de l'autre les méchants, ils ont tous une palette de nuance comme un arc en ciel. On est loin du manichéisme habituel qu'on nous sert par facilité, ici on est dans la nuance, dans l'approfondissement. Gu, le nouvel administrateur, semble au premier abord froid, distant, intransigeant, sarcastique, et venu là pour "casser" du toubib. Mais c'est avant tout un pragmatique, qui au départ est aux ordres de son PDG. C'est un exécutant qui est prêt à sacrifier des hommes sur l'autel du profit, car il pense pouvoir gérer un hôpital comme on gère une entreprise. Il voit les médecins comme des ouvriers et les malades comme des clients et/ou des consommateurs.


Ses antagonistes principaux seront avant tout Jin-Woo et Kyung-Moon, qui dans un premier temps vont tentés de lui résister avec leurs collègues, avant de basculer totalement dans une guerre ouverte dans la seconde moitié du drama. Jin-Woo est lui aussi un personnage complexe, tellement fusionnel avec son frère qu'il en a recréer un vision virtuelle sans handicap, qu'il est le seul à voir et qui a grandi avec lui. Ce trauma le poursuit depuis l'enfance et s'active lors de ses moments de doute ou de déprime. Idéaliste, il n'est absolument pas diplomate dans ses relations. On lui prête une relation amoureuse avec la pédiatre Lee No-Eul(Won Jin-A), qui n'est en fait qu'une bonne amie depuis longtemps. Kyung-Moon est un éminent chirurgien débauché par l'ancien directeur de sa province éloignée, suite à la fermeture de son hôpital, qui n'était pas rentable. Au coté de ces deux hommes on pourra ajouter plus tard la nouvelle directrice Oh Se-Hwa(Moon So Ri la quarantaine sublime en 2018), une femme à poigne dans un monde très majoritairement masculin. Tous ces personnages ont une part d'ambiguïté et de mystère qui n'est pas à négliger. Tous leurs collègues jouent dans le même registre.


Le plus intéressant sera aussi de voir évoluer les personnages principaux en dehors de leur lieu de travail pour percer enfin leur vraie personnalité qu'ils dissimulent aux yeux de leurs collègues. De ce coté là, c'est Gu qui va s'imposer comme le plus intéressant: on découvrira un homme aimant, auprès de ses parents, ami des chiens, et qui va tomber amoureux sans le montrer explicitement. Si le mal être de Jin-Woo est palpable, celui de son frère n'est pas à négliger, dans un pays ou les handicapés sont encore mal perçus. La scène du restaurant où les deux frères entrent est glaçante et malaisante. Même la "gentille" No-Eul n'est pas aussi lisse qu'on pouvait la voir au premier abord. Bref, la construction des personnages est remarquablement écrite, çà "pue" le vrai, on est dans la réalité. Toute la dramaturgie autour de l'Hôpital est là, soit pour nous ouvrir les yeux, soit pour nous rappeler la situation actuelle et à venir semble problématique pour tous les malades qui n'auront pas les moyens de se soigner. C'est toute la force qui fait de Life une série totalement réussie, que ce soit sur les messages transmis ou bien sur les émotions ressenties.


Life n'est pas une satire, mais plutôt une dénonciation et un état des lieux d'un système hospitalier très inégalitaire, ouvert à la concurrence et au consumérisme. Car les malades sont des clients, et s'ils n'ont pas les moyens de payer les services proposés, ils n'ont qu'à aller se faire soigner dans des hôpitaux de province mal équipés ou attendre dans des établissements 100% publics. C'est une profonde déshumanisation que l'on retrouve dans le monde asiatique en particulier. En Corée, avoir des soins de qualité relève du luxe, tout le monde n'a pas de bonne couverture santé, et une opération que l'on pourrait qualifier de quelconque en France, peut mener à l'endettement, ou pire au suicide. On voit bien que la société coréenne est très cloisonnée, individualiste, défiante envers sa population âgée, qui s'est sacrifiée pour que leurs enfants connaissent un monde meilleur C'est aussi pour cela qu'il n'est pas rare de voir des personnes de plus de 80 ans se tuer à la tache. Tout doit être sacrifié sur l’autel de la rentabilité et du profit, dans un secteur où 80% est privé. Un récent sondage en Corée montrait d'ailleurs qu'un coréen avait plus peur de tomber gravement malade plutôt qu'une menace improbable de la Corée du Nord. Et c'est principalement vers le budget militaire que les fonds étatiques sont tournés, notamment sur l'entretien des bases américaines que le contribuable coréen doit financer.


La force de Life c'est de ne jamais sombrer dans la facilité des propos, le misérabilisme ou le pessimisme ambiant. Les dialogues, les attitudes des intervenants, leurs agissements répondent parfaitement aux situations dans lesquels on les place. C'est une série où le curseur de la réflexion et de la psychologie est poussé à fond. C'est surtout très intense et immersif. Les agissements de ce qui se passe dans les coulisses est superbement filmé et mis en scène. Les acteurs réalisent dans l'ensemble une prestation remarquable, et comme je l'ai dis en introduction, même si je m'aime pas LDW, je ne suis pas malhonnête pour nier que ce type est talentueux. Je ne vais pas faire mon vieux con, mais force est de constater que en ayant maintenant visionné près de 200 k-dramas divers et variés, je pense sincèrement que c'était mieux avant la période Covid niveau qualitatif. Mon seul vraie bémol concerne les dernières minutes, où je n'ai pas bien compris l'intérêt de montrer cette espèce de "hapiness" romantique à 2 balles. Peut être entrevoir une note d'espoir et d'optimisme dans ce monde de brutes? Qui sait...


Main Theme: OST Full Album

Kim-Kaphwan
8
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le 8 juil. 2025

Modifiée

le 8 juil. 2025

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