Low Life
6.9
Low Life

Drama Disney+ (2025)

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Ne tournez jamais le dos à votre ennemi!

Low Life troque une aventure sous-marine au suspense effréné contre une fresque sociale où l’or révèle la noirceur des hommes. Pas de scaphandrier en détresse ni de narguilé récalcitrant : ici, c’est un Misaeng portuaire qui crache, jure, cogne. Ces hommes ont le sang chaud.


Adapté du webtoon Pine, Low Life porte la signature de Yoon Tae-ho. Si vous avez aimé Misaeng, vous reconnaîtrez ses thèmes de prédilection : corruption des valeurs, survie dans un système impitoyable, manipulation des rapports de force. Ici, il les transpose dans un univers maritime et criminel, où l’argent et la survie mettent à nu la véritable nature des gens : la convoitise écrase la loyauté et l’opportunisme règne en maître.


Le titre international, calibré pour séduire un public étranger, évoque un polar sombre sur la criminalité de bas étage. Le titre coréen, littéralement « Déterré : les bouseux », bien moins vendeur, annonce au contraire une fresque lucide et ancrée dans un milieu rustique, où l’on observe sans complaisance des personnages prêts à sacrifier leurs valeurs pour l’appât du gain. Choisir Mokpo, c’est ancrer l’intrigue dans un port enclavé, marqué par la pauvreté et la débrouillardise, où l’espoir d’un coup de fortune prend vite des allures de mirage. Résultat : ceux qui attendent un thriller nerveux, comme le promet la bande-annonce, tombent sur une fresque sociale mâtinée d’action… et non l’inverse. Armez-vous de patience car l'action proprement dite commence réellement vers le 5ème épisode. Mais çà en vaut vraiment la peine. Faites confiance à l'auteur !


J’ai aimé cette série que beaucoup se sont empressés de noter sévèrement dès le premier épisode, même si je comprends les réactions mitigées. Et c’est justement pour ça qu’elle mérite qu’on lui laisse sa chance : sous ses airs trompeurs, elle cache un récit plus ample et plus venimeux qu’il n’y paraît. Mais je l’ai regardée d’un trait. Le casting m’attirait, tout comme son auteur. Et une fois embarqué, difficile de quitter le navire avant d’en connaître l’issue.


L’opening (un régal), porté par Dirty Dollars de Jenkins & Waterfield, donne le ton : une ambiance de western où l’océan devient la plaine poussiéreuse des duels d’autrefois, indifférent à la loyauté et corrosif pour les idéaux.


Nous sommes en 1977, dans une Corée du Sud encore sous la poigne autoritaire de Park Chung-hee. Le pays se modernise à grande vitesse, mais les inégalités restent béantes. Les États-Unis maintiennent leur forte présence militaire. Les images réelles qui ouvrent la série posent ce décor. Dans ce contexte, la chasse au trésor maritime prend un relief particulier, faisant écho aux trafics réels de l’époque.


L’histoire s’ouvre sur Oh Gwan-seok (Ryu Seung-ryong) et son neveu Oh Hee-dong (Yang Se-jong), envoyés en prison après un vol raté. Ils y rencontrent M. Song (Kim Jong-soo), qui leur raconte la légende d’un grand navire marchand transportant 8 millions de pièces et plus de 20 000 poteries des dynasties Song et Yuan, sombré au large du Sinan.

À leur sortie, ils acceptent de tenter l’aventure, avec la promesse de revendre le butin à l’influent Cheon Hwang-sik (Jang Gwang), dont l’épouse Yang Jung-sook (Im Soo-jung) gère les finances.


Mais avant de plonger, il faut vérifier l’histoire… et réunir une équipe.


Oh Gwan-seok, calme et autoritaire, avance ses pions avec ruse et froideur. Il sait écouter, manipuler, façonner ses partenaires à son image, même son neveu n’y échappe pas.

Oh Hee-dong, jeune et impressionnable, garde toutefois un regard lucide malgré sa naïveté. Sa proximité avec Park Seon-ja n’a rien d’innocent. Ensemble, ils partagent le désir d’échapper à la médiocrité.

Yang Jung-sook est l’épouse élégante et redoutable qui manie l’argent comme une arme et déplace le centre de gravité du récit sur un terrain feutré mais tout aussi dangereux.

Im Jeon-chul, le chauffeur silencieux qui observe et retient. Il sait que la convoitise change les hommes et garde en mémoire cette loi crue : « Le plus fort mange le plus vulnérable. »

Park Seon-ja, serveuse déterminée qui rêve d’une vie libre et affranchie de toute aliénation, loin de Mokpo. Elle sait plaire et s’en sert. Sa complicité avec Hee-dong est un pacte tacite : une solidarité née de la faim et de l’envie.


Le casting est impeccable. Chacun trouve sa place dans ce ballet de manipulations, même si la brièveté de la série et la large distribution des rôles limitent l’ampleur émotionnelle.


C’est un huis clos à ciel ouvert. Ici, on jauge, on toise, on manipule, on trahit. Les silences sont lourds, les regards plus tranchants que les mots. À mesure que le trésor se rapproche, la tension monte et l’on pressent un final où l’océan rendra son verdict.


L’intrigue, tendue avec soin, s’enroule autour de personnages finement écrits. Ici, l’opportunisme se double d’un art consommé de la duperie : à chaque manœuvre, un autre stratagème plus retors surgit, attisant une tension prête à éclater.


Dans cette lutte pour s’approprier le butin, on retrouve en filigrane le reflet d’une Corée des années 70-80, où la modernisation galopante allait souvent de pair avec un pillage discret de son patrimoine, opéré par ceux qui savaient tirer parti de leurs réseaux et de leur influence. La reconstitution des années 70 est d’une rare précision : décors, costumes, coiffures, jusqu’à la photographie.


La réalisation de Kang Yoon-sung est un régal. La caméra, toujours à bonne distance, sait quand se rapprocher des protagonistes pour les jauger, les épier, réduire leur espace comme pour les acculer ou les surveiller. Ici, les duels se jouent moins au pistolet qu’à la manipulation et à la trahison. Au fil des épisodes, la cupidité s’aiguise et ronge les alliances de circonstance : chacun guette l’autre, tous manipulent et vice-versa. Un opportunisme féroce digne d’une meute autour d’une gamelle d’or.


Néanmoins, j’attendais davantage d’enjeux liés à la plongée sous-marine. La quête du trésor englouti reste finalement un prétexte, et ce qui coule vraiment ici, c’est la morale. La fin, volontairement ouverte, laisse entrevoir la possibilité d’une suite et nourrit les spéculations sur le sort des protagonistes.


Plus qu’une chasse au trésor, Low Life est une satire sociale acérée où la mer dévoile la cupidité, la trahison et l’opportunisme des hommes.


PS : La coque restaurée du Shinan est visible au Musée national maritime de Mokpo, aux côtés d’un grand nombre de céramiques. Les poteries Song et Yuan qu’il transportait sont d’une grande valeur patrimoniale et marchande (certaines ayant atteint 187 000 dollars chez Christie’s) propulsant le petit port discret de Mokpo en vitrine culturelle et scientifique de la mémoire maritime coréenne. Un décor idéal pour cette intrigue.

AliceJeanis
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le 13 août 2025

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