Mercredi
6.3
Mercredi

Série Netflix (2022)

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Alléchée par la promesse d'un Tim Burton, je découvre qu'il disparaît de la production sitôt l'ambiance posée. Il n'est donc au final que la caution « gothique » d'une série très banale et fortement prévisible. Pourtant au début Mercredi est plein de promesses tant visuelles que scénaristiques. Mais la série s'effondre d'abord lentement puis à toute vitesse à partir de la moitié, et n’hésite pas à contrefaire allégrement les succès du genre, Harry Potter en premier.


Saison 1 : des débuts laborieux

Pour commencer, la série est incapable de développer un univers cohérent dans son mélange marginaux/normaux. Les premiers sont alternativement des pestiférés à moitié maudits par la communauté et des êtres dont l'existence est parfaitement connue et acceptée par cette dernière, bien que jugés indésirable par les bouseux du coin, un niveau finalement tout à fait régulier pour n'importe quel lycée américain. Ce manque de cohérence remet en cause tout l'édifice, car il rend bancal les interactions entre la police et la direction de l'école et entre les élèves et les habitants de la ville. Par ailleurs les « particularités » des élèves étant très sporadiques est quasiment un peu utilisés — ce n'est ni Poudlard ni l’école des surdoués de Xavier — leur apparente sociabilité remet également en question la nécessité de les isoler d'une société qui admet leur existence.


Ce problème de cohérence, on va plutôt dire de ventre mou, se retrouve également dans le personnage de Mercredi, qui est oscille entre fan de macabre et ado égoïste et émo. En effet ces pixels Nantes et son détachement sont à mesure variable du scénario, ne la laissant ni sociopathe ni vraiment agréable, mais simplement égoïste et égocentrée. Mercredi est également présenté comme une enfant prodige complètement indépendante. Tandis qu'aucun adulte ne semble comprendre ce qu'il se passe, elle seule progresse et persiste dans l'enquête. Ce qui s'avère déjà passablement énervant quand les adultes partagent le même savoir qu’elle — ce n’est pas Buffy ou Charmed où en dehors du cercle des héros les « normis » ne connaissent pas le surnaturel et en font même abstraction, ce qui limite leur capacité à résoudre les intrigues. Mais c'est d'autant plus énervant qu'en raison de ce problème de caractère Mercredi se plante souvent, et est responsable directe des issues plus ou moins mortelles qui arrivent à son entourage.


L’intrigue n'arrive pas non plus à développer de véritables enjeux. C’est dans la première partie de la saison on pose un certain nombre de suspects, il n’y pas de vraie conséquence différenciante que ce soit l'un ou l'autre qui soit réellement le coupable. Les antagonistes comme les alliés sont relativement interchangeables. Cela nuit à la tension à l'effet de surprise et au final à l'intérêt. Plus l'intrigue avance plus elle est cousue de fil blanc.


Pour moi c'est vraiment l'écriture qui pèche, en se contentant d'un copier-coller paresseux d'autres productions qui exploitait la même veine mais sans jamais rechercher d'épaisseur. Mais en vérité la photographie, la réalisation et le montage n'ont rien d'exceptionnel non plus. Tout est propre mais extrêmement facile, sans inventivité, banal. La musique tombe soit légèrement du côté de la famille Adams (dont elle n'a visiblement pas tous les droits) soir elle emprunte la voix maintenant éculée de la revisite en musique classique de standards du rock. Côté interprétation je ne suis pas fan du choix de Catherine Zeta-Jones qui manque de charisme dans son interprétation de Morticia, où de l’écriture qui relègue Gwendoline Christie à de la figuration florale et Fred Armisen (oncle Fétide) à un clown gênant. Jenna Ortega est convaincante dans un rôle qui lui ne l’est pas, trop immuable et faillible. Le seul personnage que j’ai trouvé un tant soit peu intéressant est celui de la sirène Bianca, qui fait l’effort de développer profondeur et évolution.


Saison 2 : du mieux

Contrairement à ce que j'avais annoncé, j'ai laissé une chance à cette 2e saison. Et il y a du mieux. Sans pour autant devenir une grande série et en gardant une certaine prévisibilité, cette saison 2 de Mercredi corrige un certain nombre de défauts. Est-ce dû à une présence accentuée de Tim Burton derrière ou à une écoute des critiques ?


Cette saison s'est débarrassée de l’aspect “premier jour d'école” qui lorgnait un peu trop sur Harry Potter ou les passages obligés de toutes les séries sur l'adolescence et les lycées américains. L'univers gagne en cohérence et en profondeur. L'intrigue part moins dans tous les sens et se concentre sur un approfondissement de la première saison tout en intégrant des nouveaux éléments qui sont plutôt cadrés. Mais surtout, la série gagne grandement à être moins Mercredi et davantage famille Addams, en réintégrant davantage parents, frère, oncle et grand-mère dans le tableau (et surtout, j'adore Gomez), tout en donnant toujours un beau rôle à Gwendoline Christie. Ce rééquilibrage, avec des personnages (mais aussi des acteurs) plus charismatiques et sympathiques, donne une bouffée d'air frais à cette nouvelle saison.


La série conserve toujours un problème avec le personnage très égocentré de Mercredi, qui se plante encore en beauté et avec une grande arrogance. C'est un peu moins gênant que dans la première saison, dû à ce rééquilibrage des personnages, mais je ne change pas d’avis : le personnage le plus intéressant reste Bianca à mon sens.


Cette saison 2 rattrape un petit peu le coup. Elle comprend toujours de nombreuses failles. C'est quand même assez paradoxal de se dire que ce qui sauve la série, c’est justement d’être moins centrée sur Mercredi et de redevenir plus famille Addams. On sent encore tout de même une gêne entre le cœur de la famille Addams — c’est-à-dire son goût pour le macabre, son inversion totale des valeurs — et le reste des marginaux. Donc ça ne marche pas encore complètement, mais c’est déjà mieux.


En tout cas, ça s’est suffisamment arrangé, et ça reste dans un univers globalement assez sympa et fun à regarder pour que j’aie envie de suivre la future saison et voir comment ça progresse. D’autant que ça finit sur un cliffhanger qui laisse entendre qu’on va s’extraire du carcan de l’école.

AlicePerron1
5
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Créée

le 7 janv. 2023

Modifiée

il y a 5 jours

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Alice Perron

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