Avec les dernières créations originales sorti de nos studios français, on est en droit de se demander si les dessins animés jeunesses sont amenés à devenir le cimetière créatif et financier de la télévision jeunesse. S'il y a bien des exceptions en provenance de la chaine Okoo/France 4 avec Les Gardes Chimères ou il était une fois ces drôles d'objets, le constat est plus pessimiste lorsqu'on regarde les propositions en provenance des chaines privés. Entre les déceptions à l'échec quasiment programmé à la fin de l'été comme Shaker Monster, ou des accidents industriels aux messages inquiétants comme Alex Player, les créations originales s'enchainent et ne se ressemblent que dans leurs échecs artistiques et narratifs, et ce n'est pas les exécrables nouvelles saisons de Miraculous ou de Totally Spies qui sauveront quoi que ce soit. J'avais beaucoup de réticences quant à l'arrivée de 1000 bornes challenge lors des premières annonces car, voyant peu de possibilités créatives en l'adaptation du jeu 1000 bornes, je voyais d'un mauvais œil la présence d'un personnage en fauteuil roulant, à une époque où les sujets sociétaux deviennent de plus en plus des alibis pour œuvres en manque de consistance. Pourtant, je me suis risqué au visionnage de cette série et la surprise a été particulièrement bonne.
Sans révolutionner le genre, la série arrive à instaurer très efficacement des gimmicks et des personnages qui vont construire, avec parfois très peu de choses. On veut nous instaurer une compétition entre des équipes amenés à s'affronter plusieurs fois sur la durée, et la série a de très bonnes idées afin de dynamiser chaque épisodes. Entre les séquences d'interviews qui permettent de mieux exposer le ressenti des personnages face à une situation (permettant parfois de montrer la sincérité de certain quand ils mentent aux autres équipes lors de la course), les phases de pauses au campement, ou même les réactions des présentateurs, la série arrive petit à petit à instaurer qu'on pourra taxer de déjà vu (on y reviendra plus tard), mais qui fonctionne et apporte de l'originalité par rapport à d'autres séries du genre. Le tout repose sur des personnages bien écrits, très agréables à suivre et qui, à l'image de Luna, peuvent faire preuve de singularités bienvenues qui aident à passer outre les carences de certains (notamment Loops qui, mis à part sa condition d'enfant en fauteuil roulant, n'a pas grand chose pour se dissocier des autres personnages du même registre qui, eux, n'usent pas de l'handicap pour se caractériser). Ajouter à cela une réalisation très propre (quoi que parfois très saccadés lorsqu'il s'agit de l'animation des visages lors de dialogues) ainsi que de belles idées dans la définition de l'île où se déroule la compétition, et on obtient une série parfaitement fonctionnelle qui arrive à être agréable à regarder.
Pourtant, malgré la très grande propreté de l'ensemble, des points viennent émailler le résultat final. D'une part, l'absence d'enjeux devient un frein quant à la suivi de la série au long terme. Qui dit compétition dit victoire, qui dit point dit résultats, et mis à part le fait de franchir la ligne d'arrivé (et encore certains épisodes trouvent une pirouette pour permettre à certains de gagner en n'étant pas les premiers), on devient très vite perdu sur le but même de ces courses. On nous présente un présentateur, une coordinatrice de courses... mais pour quoi faire ? Dans quel but ces équipes s'acharnent-ils à faire le tour de l'île encore et encore ? On n'a pas de contraintes extérieurs, ni même d'enjeux poussant les personnages à faire ce qu'ils font. La série arrive à répondre à cette problématique de manière maligne en reprenant les codes de la télé-réalité (notamment avec les interviews et les relations de personnages qui se prolongent même la course terminée), et en cela, on obtient un résultat très original où l'on ne suit plus tant une performance sportive, mais des relations de personnages amenés à se prolonger d'épisodes en épisodes (chose plaisante à suivre car les personnages sont bons). Pourtant, j'ai du mal à me retirer de l'esprit qu'un but ultime et qu'un enjeu global aurait donné plus de sens à l'ensemble, kit à assumer la parenté avec la télé-réalité jusqu'au bout et afficher les scores à chaque fin d'épisode. Derrière ce problème se cache la problématique de proposer un contenu pouvant être facilement programmable pour les chargés de programmation de TF1, et cela est triste que, à l'image de Miraculous auparavant, on ait à voir une œuvre limité dans ses possibilités à cause de décisions d'exploitation (espérons que le succès de Miraculous malgré sa transformation en série feuilletonnante puisse convaincre d'une évolution... tant qu'on n'ait pas à subir les idées désastreuses qui ont pu être proposée pour la transition de Miraculous). De l'autre côté, ce problème soulève les possibilités que la série n'exploite pas, notamment vis-à-vis de son propre sujet. On oublie très rapidement qu'on est sensé adapter un jeu de société, avec des règles codifiés rentrés dans la culture populaire, car à aucun moment la série ne semble vouloir pleinement se risquer au travail d'adaptation. Les feux rouges, les pneus crevés, les animaux permettant d'avancer plus ou moins rapidement... tout est résumé en une course de voiture qui est plutôt sympathique (quoi que pas très pratique à suivre sans trajet facilement identifiables) mais qui s'éloigne de l'esprit du 1000 bornes. Malgré tout, la série reste surprenamment agréable et le générique est plutôt mignon.
1000 Bornes challenge est la très belle surprise de cette été en terme d'animation jeunesse. Faute de pouvoir retrouver l'ensemble des composants du jeu qui donne son nom à la série, on appréciera une série bon enfant bien réalisée et divertissante qui donne envi d'y retourner, chose beaucoup trop rare en ce moment pour être souligné.
15/20
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