Mother
8.5
Mother

Drama tvN (2018)

Mother est un drama coréen adapté de celui du même nom au Japon. On retrouve au scénario Jeong Seo Gyeong. La scénariste travaille régulièrement avec Park Chan-wook. On a sur son CV des films aussi importants que Lady Vengeance et surtout Mademoiselle. On peut rapidement se convaincre d'avoir ici un drama entre de bonnes mains.


Mother alterne durant 16 épisodes entre le genre dramatique et le thriller psychologique par la maltraitance d'une enfant par ses parents. Puis la rencontre entre cette jeune fille et une institutrice. Cette femme diplômée en ornithologie va prendre sous son aile cet enfant pour le protéger. Pas destinée à être mère, elle apprend et grandit dans son rôle à chaque instant en parallèle de l'enfant pour se construire ensemble un encadrement parental fiable et une stabilité sécuritaire.


Les émotions de la série sont énormément axées sur le rôle, les difficultés et la beauté de devenir et être une mère. C'est extrêmement bien écrit et traité avec des personnages féminins aux statuts multiples et variés : la mère exposée aux violences conjugales, la mère d'un enfant indésiré, la mère célibataire, la mère biologique, la mère adoptive, la mère pauvre ou riche, les grands-mères, etc.


Si le sujet est tout d'abord tragique dans ses événements, Mother devient malgré tout une magnifique ode aux mamans. On y est d'autant plus sensible que la relation enfant-parent n'avait finalement jamais été traitée, ou en tout cas pas aussi profondément et finement. Malgré des séries très intéressantes comme The Slap ou Sky Castle, c'est sans commune mesure avec Mother puisque ces séries étaient plus précisément orientées sur l'éducation, notamment scolaire.


Mother dans le contexte sociologique en Corée du Sud


On se sent malheureusement tout de suite fortement proche des thèmes de Mother dont la maltraitance infantile puisque ce n'est de prime abord pas du tout inhérent à la société coréenne (contrairement à l'éducation dans Sky Castle). Néanmoins, au-delà de la maltraitance infantile, les abandons sont un pan majeur de l'Histoire de Mother. Ces abandons sont traumatisants mais ont parfois leur "raison", et c'est précisément ce qui a retenu mon attention.


Je savais par mon expérience à travers les dramas, mes lectures et mes recherches jointes qu'on est dans une société patriarcale (sans rien enlever à nos problèmes occidentaux) et exigeante (on a honte de vivre misérablement, l'enfant doit être surdiplômé, etc). Brièvement, une famille avec un enfant n'est pas viable sans le père biologique. Vous le ressentez régulièrement déjà dans Mother avec l'importance du petit-ami, aussi monstrueux soit-il, sur les décisions et l'instabilité psychologique de la mère biologique. Il est pourtant défendu et affectueusement appelé "Oppa" par la mère.


L'absence d'un homme dans le milieu familial est d'autant plus problématique avec les disparités professionnelles parmi les pires de l'OCDE. On le voit ici puisque dans leur misère son "Oppa" semble le mieux subvenir financièrement au couple. Et le gouvernement n'aiderait les mères célibataires qu'à hauteur de 120€/mois. Ces arguments mis bout à bout, quitter un mari souvent pour cause de violence (problème récurrent de cette société et lié à ceux avec l'alcool) n'est pas non plus une chose aisée.


De ces constats, j'ai trouvé des chiffres impressionnants : +80% des enfants née d'une mère célibataire en Corée depuis les années 1950 se sont retrouvés dans des orphelinats ou sur des listes de disponibilités pour être adoptés. Aux USA ? Seulement 1%.


Par voie de conséquence de la loi sur la citoyenneté, la pression sociale et culturelle est énorme sur les mères en Corée. C'est l'amour des mères qui peuvent les amener à abandonner un enfant : parce qu'elles ne se sentent pas à la hauteur de ce que l'enfant aura besoin. En effet, à l'exact opposé des chiffres avancés plus haut, +90% des mères célibataires coréennes seraient pour garder l'enfant si la société et les circonstances le permettaient.


Adopter est devenu plus compliqué avec la loi de 2012 qui oblige les mères biologiques à enregistrer leur enfant en vue d'une adoption. Un mal pour un bien ? Non. Le nombre de bébés abandonnés ont été jusqu'à + de 10x importants (voir plus bas sur les "baby box"). Les adoptions ont drastiquement chuté depuis les autres pays : 90% d'adoptions d'enfants coréens en moins en 10 ans. Les seuls coréens ne peuvent pas compenser cela puisque dans cette société confucianiste qui privilégie la famille et les ancêtres, il reste bien mal vu d'avoir un enfant qui n'est pas le sien.


Sources :
The Surprising Facts Behind Korean Child Abandonment.
Taking on South Korea's adoption taboo


Cette autre source South Korea Child Law Sees More Babies Abandoned donne les frissons. Les situations décrites sont proches de celles de Mother, preuve de son réalisme par rapport au contexte sociologique sud-coréen.


Je recommande également de lire 'Baby box is last resort to parents, newborns in Korea '. Des "boites" ont été mise en place par un pasteur depuis 2009 pour permettre d'abandonner un enfant en s'assurant qu'il soit pris en charge avec bienveillance par sa communauté. Le reportage vidéo The Baby Box - South Korea's Abandoned Babies vous fera ressentir d'énormes frissons.


Conclusion


Mother est un nouveau drama haletant. Il nous plonge avec un grand réalisme dans les différentes représentations des rôles d'une Mère, aussi bien dans le contexte sud-coréen comme longuement expliqué plus haut que dans le Monde. L'amour d'une Mère est au final universel et tout le monde sera touché par la justesse des émotions.


En racontant aussi bien des Histoires sur fond de sujets de société d'utilité publique (et qui en tant qu'étranger peuvent nous être inconnues) la Corée nous offre une nouvelle œuvre complète, aussi sombre qu'innovante, divertissante qu'intellectuelle. Fasciné que l'on est par son thriller psychologique, on se cultive en parallèle l'esprit sans s'en apercevoir et on finit par repenser la vie, comme dans My Mister et Misaeng que je place néanmoins un cran au-dessus. Mais comme elles, la série vient supplanter à ma connaissance tout ce qui peut être fait dernièrement dans les autres pays.

RomainGlbt
10
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le 29 déc. 2019

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Romain Glbt

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