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J’ai lu des critiques positives mais aussi quelques-unes plus sévères, et je comprends certains reproches. Il est vrai que nos héros accumulent les blessures, parfois graves, dont ils se remettent avec une étonnante facilité. Mais c’est un ressort assez fréquent dans d’autres séries, souvent saluées sans réserve. Et ce détail n’entame en rien la qualité de cette série épique, tragique, portée par une mise en scène à la fois lyrique et contenue, et des acteurs d’une intensité émotionnelle brûlante.


Seo Hwi est le fils d’un général accusé à tort de trahison et exécuté sur ordre royal. Il vit seul, veillant sur sa petite sœur Seo-Yeon. Nam Seon-ho, lui, est le fils d’un noble, mais sa mère n’étant qu’une simple concubine issue du peuple, il grandit méprisé surtout par son propre père. Il n’aspire qu’à la reconnaissance. Ils aiment la même femme, Han Hee-jae, orpheline élevée dans un réseau d’intellectuelles. Mais elle a fait son choix. Quant à Lee Bang-won, prince rebelle et futur père du roi Sejong, écarté du pouvoir, il n’aura de cesse de lutter pour accéder au trône.


Quand Seon-ho choisit d’éloigner Hwi en le faisant enrôler de force dans l’armée, il trahit leur amitié. Ainsi, Hwi plonge dans l’enfer du Liaodong, envoyé, non pas pour servir une stratégie mais en chair à canon. « A Liadong, on ne gagne pas, on meurt pour la gloire des autres ». Accablé par les trahisons, Hwi découvre l’horreur de la guerre et perd son innocence. Ce sera le point de départ de sa longue descente. Malgré tout, Seon-ho, ne respire ni la haine ni la cruauté. Il cherche à être reconnu de tous, et surtout de son père. Lorsqu’il comprend que Seo-Yeon était la seule à l’aimer sincèrement, sa détresse est bouleversante.


Le prince Yi Bang-won avance tel une ombre élégante et implacable, mû par un feu intérieur inextinguible. Il s’impose par la force mais aussi par une intelligence stratégique tranchante. Il n’aspire pas au pouvoir par vanité, mais parce qu’on le lui a volé. Fils légitime écarté de la succession, il porte la blessure d’un héritage confisqué, qui devient une ambition froide. Pour lui, le pouvoir n’est pas un aboutissement, mais une revanche. Et plus il grimpe, plus cette quête le consume.


La série questionne un pouvoir dépouillé d’affect comme si aimer rendait faible. Ici, le pouvoir n’a rien d’un triomphe éclatant : c’est une charge corrosive, une contamination lente de l’âme, comme le poison qui ronge Hwi ou la douleur qui étouffe le cœur de Seon-ho.


Le pouvoir promet ordre et grandeur, mais n’engendre que désillusions, solitude et trahisons. Yi Bang-won en incarne toute l’ambiguïté : son ambition est éclairée, presque noble, mais sa marche vers le trône s’accompagne d’une violence glaciale où l’on sacrifie les liens humains au nom d’un destin plus vaste. Le pouvoir devient une malédiction silencieuse : plus on le sert, plus on se perd.


Seo Hwi et Nam Seon-ho ne recherchent pas le pouvoir pour eux-mêmes, mais en subissent les ravages. Hwi, tendu tout entier vers la justice et la mémoire de son père, incarne une droiture presque sacrificielle, tandis que Seon-ho rêve d’élévation pour effacer sa honte originelle. Leur amitié, brisée puis retrouvée, trace la fragile frontière entre honneur et survie, entre ce que l’on subit et ce que l’on choisit. À travers eux, la série donne un visage humain aux dommages collatéraux. Ils représentent le peuple, ceux qui paient le prix des ambitions royales, de leur sang et parfois de leur âme.


Han Hee-jae s’impose dans cet univers masculin comme une voix libre. Figure de résistance et de mémoire (elle œuvre d’ailleurs pour un réseau d’informations), elle incarne une féminité affranchie des carcans : fine observatrice du chaos politique, actrice courageuse de son propre destin. Elle voit venir l’effondrement des idéaux, sans pour autant les trahir.


La mise en scène épouse le souffle tragique du récit. Les batailles sont magnifiquement filmées, entre longs plans-séquences (épisode 3), caméras à l’épaule (épisode 7) et superbes jeux de lumière (le duel Hwi/Seon-ho épisode 10). Cette dynamique épique contraste avec des plans fixes sur les visages, lourds de mélancolie et de souffrance. La fatalité monte en puissance et, même si l’on veut croire à une fin heureuse, on comprend que l’issue sera funeste. Les dialogues aux phrases douces ou incisives contribuent à rendre cette série bien plus profonde qu'une simple guerre de trônes.


Le casting est splendide. Yang Se Jong, qui n’est pas particulièrement sportif est pourtant précis et rapide dans l’action. C’est un acteur qui s’investit considérablement dans ses rôles. D’un jeune homme souriant, il se métamorphose en guerrier épuisé. Chacun de ses regards porte un feu contenu, révélant à la fois la réserve pudique et la profondeur de son personnage. Il possède une beauté magnétique, qui se marie à merveille avec celle, altière et solaire, de Woo Do Hwan, tout aussi bouleversant. Ensemble, ils transmettent toute la palette des émotions et des nuances de leurs rôles.


Kim Seol Hyun est superbe, sans surjeu, tout en finesse, et donne vie à une femme intelligente et déterminée. Enfin, Jang Hyuk apporte au prince Lee Bang-won une ambiguïté fascinante. Son port altier, ses regards, traduisent une droiture froide, notamment face à son père, le roi Lee Seong Gye (Kim Yeong-cheol).


Au final, même si la série a ses défauts (et en ce sens un effort aurait pu être fait sur l’OST que j’ai trouvé très moyenne), elle montre surtout comment une amitié peut se briser sous le poids des batailles et des luttes pour le pouvoir. C’est l’histoire de deux hommes pris dans un engrenage qui les dépasse, où les ambitions royales finissent par tout emporter. Une tragédie forte et touchante, qui laisse longtemps une impression de perte et de mélancolie.

AliceJeanis
9
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le 14 juil. 2025

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