Narco-Saints
6.9
Narco-Saints

Drama Netflix (2022)

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Les productions NETFLIX laissent-elles paraître les premiers signes des vraies limites de l’univers NETFLIX et – surtout – du cahier de charges imposé pour « universaliser » toutes ses productions ?

Même si NETFLIX s’en défend dans ces communiqués, évidemment le titre renvoie directement à l’une des séries phares du géant du streaming, NARCOS et ses innombrables séquelles, spin-offs et filons similaires dans la fiction et le documentaire développé depuis. Comme KINGDOM a entrouvert les portes aux déclinaisons de productions de zombis (ALICE IN BORDERLAND, ALL OF US ARE DEAD, …), NARCO SAINTS ouvre à celui du polar lié aux histoires de drogues – et on est immédiatement en terrain conquis.

Au plus fort de la consécration du multimédia coréen suite aux Oscars engrangés par PARASITE, NETFLIX annonce vouloir investir 700 millions dans la production locale de contenus en Corée du Sud. Leur stratégie est à la fois tenter de jouer des coudes dans le monde de la VOD sur place, tant la concurrence y est rude et NETFLIX à la traine par rapport à d’autres fournisseurs asiatiques bien plus puissants, mais aussi créer du contenu regardable partout dans le monde. KINGDOM d’abord, LOVE ALARM – avec beaucoup moins de succès ensuite, HELLBOUND, ALL OF US ARE DEAD…jusqu’à l’incroyable succès (surprise) de l’énième déclinaison des survival game à l’asiatique, SQUID GAME.

NARCO-SAINTS fait appel au réalisateur chevronné Yoon Jong-bin (THE UNFORGIVEN, NAMELESS GANGSTER, KUNDO), qui aime les situations de tension et de trahison entre hommes et qui fait à nouveau appel au scénariste Kwon Sung-hui après leur précédente collaboration sur SPY GONE NORTH, au festival de Cannes en 2018.

Tous deux s’emparent d’un fait divers assez surprenant, celui d’un cartel de drogue établi par un coréen dans le petit pays de Suriname pour imaginer une histoire assez folle d’un civil impliqué dans une gueguerre entre un baron et chef de secte obscure (fait, qui apparaît, puis disparaît au gré des besoins de tensions sans jamais être pleinement développé) contre un mafieux chinois (interprété par un taïwanais…bon, tout dans le symbolisme, peut-être).

Le cahier de charges est parfaitement respecté avec une (trop) longue exposition de la vie du civil pour prouver avant tout son sens de la débrouillardise et ses capacités de judoka, qui – là encore – seront de bon service dans des moments de tension.

C’est parfait dans l’exécution, la mise en scène est léchée (avec des vrais moments de cinéma en séparant bons et méchants par un habile découpage, laissant les méchants dans l’ombre ou les isolant derrière des éléments, comme des rideaux de plastique, pour les faire apparaître « troubles), l’interprétation parfaite (NETFLIX mise tout sur la présence de Park Hae-soo, célèbre- ENTRE AUTRES – pour s aprésence au casting de SQUID GAME, alors que le VRAI bonus est celui de la confrontation des deux mastodontes du film d’action coréen Ha Jung-woo (THE CHASER, THE BERLIN FILE, ASHFALL) contre Hwang Jung-min (VETERAN, BATTLESHIP ISLAND, DELIVER US FROM EVIL, HUNT…) et du revenant Chang Chen (2046, THE GRANDMASTER, THE ASSASSSIN), les rebondissements téléphonés suffisamment nombreux pour tenir le spectateur scotché jusque dans le haletant final.

Premier bémol, peut-être : la prise de liberté totale dans la fictionnalisation des situations et des personnages. NARCOS fonctionne justement dans l’habile mélange de la vérité (déjà incroyable par bien des aspects) et des éléments plus fantaisistes. Ici, difficile de croire dans le soudain revirement de la petite vie de notre civil, mais encore moins dans sa capacité d’endosser en deux temps, trois séquences, la cape du super-baron, tout d’abord en jouant les caïds en prison, puis en roulant un gangster déjà bien établi par quelques tours de passe-passe et coups de fil passés en toute impunité à la NIS. Comme on ne croit pas une seconde non plus aux apparitions caricaturales du chef de la NIS en faux baron de la drogue. On est très très loin de la reconstitution d’une incroyable aventure humaine pour nager dans le pur format de divertissement – mais on accepte de bonne guerre, tant la qualité est assurée.

Mais à force de respecter le cahier de charges NETFLIX imposé, on se retrouve rapidement avec un format totalement interchangeable. Certes, le décor et le mélange des cultures donne un brin d’exotisme – mais finalement, les aspects purement « coréens » paraissent aussi toc, que la séquence d’ouverture du récent GREY MAN dans une supposée ville de Bangkok rassemblant davantage à une version Disneyland de l’Asie ; ce que je veux dire, c’est que situations, dialogues et histoire auraient pu se passer n’importe où dans le monde et être interprété par n’importe quelle communauté / nationalité / origine. Ce qui n’est pas un mal en soi – c’est une histoire universelle aux personnages totalement interchangeables – mais c’est aussi la grande puissance de NETFLIX à diluer totalement les spécificités locales, culturelles – bref, toutes ces petites « spécificités » locales, qui nous rendent si uniques et nous complètent pour servir un bon gros burger McDo passe-partout dans le monde.

Si le k-drama a un tel succès, c’est aussi par sa capacité de produire du contenu original, avec des histories inédites et une vraie culture – NETFLIX dilue tous ces aspects pour plaire à un maximum de spectateurs possibles, en servant toujours les mêmes ingrédients ré-accomodés à leur sauce (américaine).

NARCO-SAINTS est un bon produit de pur divertissement et une nouvelle preuve de l’incroyable savoir-faire des coréens en matière de séries ; mais cela reste un pur film de commande occidentalisé, financé à très frais de dollars pour atteindre un certain degré d’excellence visuelle et esthétique, au détriment d’une culture et de l’intellect.

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le 13 sept. 2022

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