Le brouteur était coréen

Inspiré du film coréen "On the Line" de 2021,No Mercy (ou Conviction) est un K-drama court, qui a pour thème original le milieu des "brouteurs", c'est à dire les escrocs qui pullulent sur internet et qui tentent de vous soutirer de l'argent en vous menacer ou en vous faisant pitié. Ils utilisent diverses techniques dont le phishing, le hacking et le hameçonnage, et plus récemment le deepfake visuel ou audio pour vous tromper. Même le plus averti d'entre nous peut se faire avoir. Ce sujet est intéressant à traiter pour dénoncer et mettre en exergue un phénomène qui peut toucher tout le monde, et pas seulement le vieux du coin. Car derrière tout cela se cache un véritable empire du crime organisé. Malheureusement l'histoire qui nous est proposée ne sera jamais à la hauteur des attentes, parce que c'est beaucoup trop brouillon et fade.

Ha So-Min(Lee Joo-Young) travaille comme actrice anonyme dans un petit théâtre. Son monde s'écroule quand sa mère meurt après un accident causé par Ma Seok-Gu(Ji Seung-Hyun), un truand qui gère une affaire de "brouteurs" pour arnaquer les gens en ligne. Il est aussi lié au milieu du crime organisé, dirigé par Kim Du-Sik(Sung Ki-Yoon) le boss de Ilseong. Le père de So-Min qui croit que sa femme a disparu, se fait abuser par Seok-Gu par la technique du deepfake. Honteux de s'être fait manipulé, il se suicide devant sa fille. Désormais So-Min n'a plus qu'un et unique but, la vengeance. Ancienne élève à l'école de police, elle renoue avec Park Jeong-Hun(Junhoe) un détective, et fait la connaissance de Kim Do Jin(Shin Soo-Ho), un génie de l'informatique et as du hacking. Tous les trois vont s'unir en dehors de toute légalité, monter une souricière pour faire tomber Seok-Gu et toute l'organisation. Mais a t-elle les épaules pour aller au bout et tout gérer?

Le scénario a l'air simple sur le papier, mais il est tellement mal écrit qu'il ne tiendra pas ses promesses. Avec seulement 8 épisodes on aurait pu s'attendre à un rythme endiablé, et bien c'est tout le contraire, on a l'impression d'être dans un drame psychologique. Le début est poussif, ça va beaucoup parler, mais surtout parler pour ne rien dire. L'infiltration de So-Min au sein de l'organisation est à mourir de rire, parce qu'elle se faufile dedans comme dans du beurre. Seok-Gu est le bras droit du boss, il dirige une vaste équipe de brouteurs et d'hommes de main, mais on l'impression que c'est un rookie dans le crime. Il donne sa confiance un peu trop facilement ce qui enlève de la crédibilité. Et puis on a l'impression que ça n'avance pas, il n'y a aucune consistance ni aucune cohérence par moment. A un moment on a plus l’impression d'être dans un docu fiction qui va traiter de la mafia du numérique que dans une vraie série. Alors oui c'est instructif pour le quidam du coin, mais on s'en fout un peu. C’est souvent too much, So-Min se sort de certaines situations un peu trop facilement et déploie toute une série de talents cachés. On ne la sent pas vraiment en danger.

On est souvent dans la caricature, les clichés et on abuse de raccourcis faciles. En effet, si les bases d'une histoire pertinente ont été posées, le scénario ne parvient pas à exploiter le thème qu'il nous expose. No Mercy met maladroitement en lumière les dangers des deepfake et des escroqueries en ligne, mais ne va pas au bout des choses, on se contente d'effleurer le sujet. Vers le 4eme épisode, exit le milieu de l'escroquerie en ligne, on se réoriente vers une banale histoire de notables véreux qui vont s’associer pour monter un projet immobilier qui leur permettra de blanchir leur argent sale. Et on va cocher toutes les cases: flic gradé, député, entrepreneur, investisseur. Du archi vu et revu. Le scénario est en roue libre et ça devient du grand n’importe quoi. On aura même droit au fameux "même" d'accident à la coréenne. (private joke). Niveau suspense c'est le calme plat comme d'ailleurs l'ambiance d'ailleurs. Il ne se dégage rien d'intéressant au final. Le seul rebondissement notable interviendra vers la fin du 6eme épisode pour nous sortir de notre léthargie. Il y a quelques rares phases de baston, mais elles arrivent sur le tard et sont courtes.

L'autre gros problème, c'est qu'on ne peut pas se rattacher aux personnages, non suelement parce qu'ils sont mal écrits, mais aussi parce les acteurs et actrices sont mauvais dans l'ensemble, ce sont des caricatures. Lee Joo Young et Junhoe obtiennent ici leur premier rôle de leader, mais ils n'en n'ont pas la carrure, et ils ne sont pas crédibles. Ji Seung Hyun en vieux briscard est le seul qui porte à bout de bras le drama, mais il ne peut pas tout faire. Les héros glissent sur le danger comme d'autres glissent sur la neige. Ils nous ont vendu ça pour un thriller avec de l'action, c'est une vaste blague au final. Comme on sent qu'ils ne trouvent pas de fin potable à nous exposer, il nous en ponde une qui est pliée en 10 minutes, sur un improbable retournement de situation que tu ne vois venir que dans un cirque. C’est presque comique, mais c'est surtout grotesque. Franchement c'est vraiment dommage, car il y a des séquences intéressantes par moments, mais elles sont trop éparpillées et mal construites. Le budget quoique faible, n'est pas une excuse: on rage de voir que le réalisateur ne peut rien faire avec si peu de matière.

Pour un récit de 8 épisodes de 45/50 minutes, je m'attendais à plus de rythme et une histoire qui aurait vraiment dénoncé les dangers du deepfake et de l'arnaque en ligne. Mais on va se retrouver dans une banale vengeance d'une jeune femme qui va utiliser les propres armes de ses ennemis pour les faire tomber, et trop facilement en plus. Le comble c'est que par moment on va trouver le temps long, puisque comme le scénario et les dialogues sont pauvres, on meublera avec des artifices, en faisant appel notamment à des personnages sans intérêt. Et certaines de leurs réactions sont parfois déroutantes et stupides. Pour un loupé c'est un beau loupé, et même si la série propose un sujet qu'on a pas l'habitude de voir et de traiter, ça ne mérite pas la moyenne. A voir si vraiment vous n'avez rien sous la main.

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