Perry Mason
7.1
Perry Mason

Série HBO (2020)

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Celui qui deviendra Perry Mason (saison 1)

Début des années 30, le kidnapping d'un nourrisson tourne mal à Los Angeles. Alors que ses parents s'étaient évertués à remplir la demande de rançon des ravisseurs, le corps du petit Charlie Dodson leur est pourtant rendu sans vie. À la demande d'un riche homme d'affaires, le célèbre avocat E. B. Jonathan se charge d'assurer les intérêts des parents. Pour l'aider dans sa compréhension des faits ayant conduit à cette tragédie, il fait appel à Perry Mason, un détective rongé par ses traumatismes de soldat sur le front de la Première Guerre Mondiale et le chagrin de son divorce...


Impossible de résister à la magnifique atmosphère de film noir qui enveloppe dès les premiers instants cette origin story d'un des plus célèbres avocats de la culture populaire américaine ! Le retour de "Perry Mason" passe avant tout par une envoûtante ambiance du genre où un savant travail de reconstitution, un visuel élaboré pour coller plus près de notre imaginaire vis-à-vis de cette époque et une remarquable bande-son jazzy nous emportent définitivement dans le désespoir des bas-fonds d'un Los Angeles corrompu jusqu'à la moelle. De ce point de vue, la série créée par Rolin Jones et Ron Fitzgerald fera un sans-faute permanent, qu'on la regarde d'une salve ou en laissant du temps entre chaque épisode, son imagerie si habilement définie nous imprègnera à chaque fois instantanément de la noirceur qui gouverne le monde de ce jeune Perry Mason.


En parallèle de cette immersion formelle, l'univers de la série nous est bien sûr dévoilé à travers les débuts de l'enquête sur la mort du petit Charlie Dodson qui va nous permettre d'en explorer toutes les composantes. Comme elle l'a fait à l'image, "Perry Mason" va également répondre à nos attentes sur ce point mais, cette fois, peut-être de manière plus prévisible...
Dans sa première moitié, la série va en effet faire à peu près tout ce que l'on pouvait attendre d'une production HBO actuelle focalisée sur cette période de l'Histoire des États-Unis. Le Los Angeles de la Prohibition était gangrené par la corruption alors quasiment l'ensemble des cases où ce cancer peut se répandre sont par conséquent cochées au fil de l'affaire : le cinéma, la justice, la police, les évangélistes, l'image de la bonne famille américaine, ... Toutes ses sphères présentées à un moment ou à un autre comme viciées de l'intérieur se voient ainsi traversées par le détective pour tenter de les bousculer ou d'en dévoiler la part obscure. En clair, "Perry Mason" se contente souvent de faire défiler les strates de cette société afin d'en dessiner les contours peu glorieux mais n'engendre finalement que peu de surprises en les accumulant autour de son affaire.
De plus, au cas vous ne les saisiriez pas, la série met à un point d'honneur à souligner plus ou moins subtilement les problématiques en corrélation avec notre époque. Le racisme (au sein de la police notamment), la sexualité bridée sous couvert de puritanisme ou la place de la femme dans un monde dominée par les hommes acquièrent ici une résonance évidente avec nos maux contemporains mais, là encore, la mise en lumière de ces thématiques n'emprunte pas les détours scénaristiques les plus originaux (quelques-unes réussiront cependant à se démarquer : l'homosexualité de certains personnages, certes appuyée quand elle est révélée, mais ensuite bien plus finement abordée ou l'idée amusante d'avoir emprisonner le héros dans une relation toxique avec celle qui veut lui racheter ce qu'il pense être sa dernière part de lui-même).


Ce traitement respectant quelque part un peu trop pointilleusement le cahier des charges que l'on pouvait envisager d'une telle série condamne parfois "Perry Mason" à un certain classicisme mais elle n'en demeure pas moins extrêmement efficace dans son registre, notamment grâce à l'impressionnante richesse de ses personnages principaux qu'elle ne cesse d'explorer au fil des épisodes.
On reviendra plus tard sur le cas de Perry Mason (interprété par un formidable Matthew Rhys) mais attardons-nous pour l'heure sur ceux qui vont l'aider à construire sa légende. La complicité avec son ami détective (Shea Whigham), la détermination d'une assistante juridique (Juliet Rylance), le soutien d'un policier (Chris Chalk), la ferveur évangéliste d'une relation mère-fille complexe (Lily Taylor et Tatiana Maslany) ou encore le désespoir d'un bouc-émissaire de la vindicte populaire (Gale Rankin) vont en effet forger le caractère du Perry Mason en devenir et, pour nous, spectateurs, constituer un vivier de portraits absolument passionnants à découvrir par leur écriture et la force de leurs interprètes. Mais, si l'on ne devait en retenir qu'un dans cette première partie de saison, ce serait sans nul doute celui de l'avocat E. B. Jonathan. Porté par l'immense talent de John Lithgow (il semble éclipser à peu près tout le monde dans l'épisode 4), le personnage pris dans la tourmente de ses défaillances fera clairement office de clé de voûte pour la suite de la série et du destin de Perry Mason lui-même en l'obligeant à s'aventurer au plus près de ce qui deviendra son terrain de prédilection.


Dès lors, le virage judiciaire bien plus prononcé opéré par la série lui fera exploiter la pleine mesure de son potentiel en mettant l'ensemble de ses protagonistes au pied du mur dans un combat de prétoire acharné. C'est d'ailleurs là que "Perry Mason" visera le plus juste pour atteindre son firmament : confronter chacun de ses personnages aux conséquences de leurs passivité vis-à-vis de leurs milieux respectifs pour ensuite les en libérer et unir leurs élans de rédemption personnel sous l'égide de la quête de vérité de Perry Mason. Dans le fond, peu importe que vous ayez connaissance du futur grand destin de ce dernier, le souffle de la passion que l'on décèle chez lui, et si brillamment retranscrit, suffit à nous faire comprendre l'esquisse de l'imposante stature qu'il sera amené à prendre.
En lui permettant de briser de lui-même les chaînes qui le reliaient à son passé dans cette première épreuve ô combien difficile de sa carrière, le sens aigu de la justice de Perry Mason agit comme un centre de gravité irrésistible, amplifiant le refus de soumission au système de tous ceux qui le côtoient. À la question de savoir si la recherche de vérité d'un seul homme peut en entraîner d'autres dans son sillage pour devenir les grains de sable dans une mécanique conçue pour les étouffer, "Perry Mason" répondra par l'affirmative de la plus belle des manières, en faisant rimer la reconquête des aspirations de ses personnages avec leur plus profonde humanité. La plaidoirie finale particulièrement poignante pourrait à elle seule symboliser la nouvelle flamme qui habite désormais Perry Mason pour endiguer une obscurité qui n'a évidemment pas dit son dernier mot...


Dans un sens, la qualité de cette première saison suit plutôt fidèlement le parcours de son héros. Peut-être d'abord trop appliquée à renouer avec les archétypes du film noir, de cette époque et des passages obligés d'une proposition de la part de HBO en la matière, elle s'en retrouve parfois prisonnière dans sa première partie. Mais, quand Perry Mason s'envole vraiment sur sa destinée, elle décolle avec lui vers le plus haut niveau de ses ambitions pour ne plus le quitter. Et, quand retentissent les célèbres notes du générique de la série originelle lors du dernier épisode, c'est incontestable, on a déjà envie de retrouver Perry Mason et ses acolytes sur une nouvelle affaire tout aussi prenante...

RedArrow
8
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le 28 août 2020

Critique lue 1.2K fois

2 j'aime

RedArrow

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