Sense8
7.3
Sense8

Série Netflix (2015)

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Le format de la série, s'il permet de nombreuses explorations intéressantes, reste soumis à quelques impératifs critiques. Bah oui. Une série doit prendre le spectateur par les couilles (ou tout autre appendice aisément agrippable en cas d'absence de gonades mâles) et les tenir fermement tout du long. Le spectateur, une fois l'épisode terminé, doit trouver la motivation de bloquer la même date et la même heure la semaine suivante. En masse. Face à la concurrence. Ouais. C'est trash en fait. Faut avoir de grandes mains et de la force dans les doigts. Et surtout, peu de scrupules. Autrement dit, tous les coups sont permis : cliffhangers putassiers, rythme effréné, culte personnel des personnages, scènes de prostitution (pas au sens de scènes où l'on voit un personnage se prostituer, mais plutôt de scènes qui constituent en soi des appels du pied des producteurs au spectateur, à grands coups de tous les types de pornographie imaginable : d'action, de sexe, d'émotions...), etc. Ca a toujours été dans l'ADN d'une série, il ne faut pas se leurrer : la meilleure série du monde, si elle fait des chiffres d'audience désastreux, ben elle meurt. Même HBO et son leitmotiv "It's not TV" n'échappe pas à la règle, on pourrait même dire sans trop s'avancer qu'ils sont parmi les plus zélés dans la course à l'audimat. Pourtant, Netflix a fini par trouver la solution à ce problème. En livrant des saisons finies. Ca a l'air de rien, mais ça fait une énorme différence, puisque ça fait tomber les impératifs d'audimat et tous ses effets pervers... du moins, à l'échelle d'un épisode. Et donc Sense8 fait partie de cette vague, affichant des noms tels que Straczwinsky (je me trompe tout le temps dans l'orthographe) et les Wachowski et toutes les promesses qui vont avec. Bon, je vais arrêter de tourner autour du pot, j'ai beaucoup apprécié.


Sense8 raconte l'histoire de 8 personnes qui du jour au lendemain se retrouvent connectées. C'est-à-dire qu'elles se mettent à ressentir les émotions et sensations des autres, perçoivent les pensées les uns des autres et parviennent même à se transporter en esprit de l'un à l'autre. Ils n'ont presque rien en commun les uns avec les autres, et se trouvent aux quatre coins du globe. Cette nouvelle donne va radicalement changer leurs vies déjà complexes... À peine commencent-ils à appréhender leur nouvelle situation qu'ils doivent cependant traiter avec une force inconnue qui semble les pourchasser pour leurs caractéristiques de "sensates"...


Pur produit Wachowski qui reprend tous les thèmes qu'on a déjà pu voir chez eux très souvent, Sense8 possède ce charme désuet de l'optimisme qui a caractérisé un temps notre époque, mais l'exploite d'une façon assez intéressante et inédite. La grande proximité entre les différents protagonistes efface de fait les problèmes de langue, de foi, d'extraction sociale. Il ne reste plus ensuite qu'un dialogue pur d'individus. L'idée parait simple mais n'est pas inintéressante et peut fonctionner aisément comme une métaphore des communications modernes : globales et tellement instantanées que les questionnements identitaires passent au second plan. Ca c'est cool. Pas extrêmement original diront certains, mais moi ça me parle.


Ce qui marque ensuite c'est la construction particulièrement lente de l'ensemble. On n'est pas habitués à ça dans une série, même les plus contemplatives doivent trouver un moyen d'accrocher le spectateur. Sense8 gomme donc également ce problème et fait le pari de montrer une intrigue et un rythme qui se développent lentement. Et ça fonctionne, en tout cas pour moi.


Après, que dire d'autre ? Si le jeu d'acteur est pas toujours d'une finesse absolue, il convainc généralement assez bien. La série revendique des inspirations diverses qu'il sera aisé de percevoir (notamment Heroes d'ailleurs ils ont même repris l'indien ! Ouais non, c'est celui de Lost, ne me jugez pas je suis pas physionomiste :'( ) et l'ambiance est toujours soignée, bien que parfois légèrement monotone.


Donc finalement on a plus affaire à une vraie oeuvre d'auteur que ce à quoi le monde des séries nous habitue ? Oui... et non.


La série finit quand même par tomber dans quelques travers, notamment à la fin de la saison. Oui je sais, c'est vers la fin que ça commence enfin à bouger, mais c'est pas ça que je critique. C'est le tapin. Ouais, d'un épisode à l'autre pratiquement on se met à nous servir trois tonnes de scènes d'action qui, si elles sont vraiment bien, ne semblent pas spécialement pertinentes pour le développement des personnages, hormis peut-être Wolfgang (les scènes avec lui sont d'ailleurs particulièrement puissantes). On nous sert des mystères et des cliffhangers qui auraient pu être dilués... mais qui ont été gardés pour la fin. Pourquoi ? Parce que ce que Netflix évite à l'échelle d'un épisode, Netflix le reproduit à l'échelle d'une saison. Faut que la série accroche quand même. Faut que le téléspectateur ait envie de voir la saison suivante. Finalement même Sense8 n'échappe pas à la loi du marché.


Mais c'est pourtant une très jolie série qui m'a largement convaincu. Et qui mérite, eu égard à son titre, un joli 8 (ouais c'était facile et nase mais je suis pas payé pour vous divertir alors comptez pas sur moi pour faire dans la subtilité).

Antevre
8
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le 30 sept. 2015

Critique lue 473 fois

3 j'aime

Antevre

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