Severance
8.1
Severance

Série Apple TV+ (2022)

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Si Severance cummule de nombreuses tares de la série moderne, entre episodes filler interminables, un côté soap opéra qui peut être agaçant, des clifhangers systematiques destinés à rendre l'audience aussi captive de la série que les inters le sont de leur travail, etc, il n'en reste pas moins que son propos sur l'aliénation engendrée par le milieu du travail en général et dans les grandes entreprises en particulier me semble taper fort juste.


Le côté absurde des tâches demandées aux employés (et y compris le fait que ces gens passent leur temps à ne rien faire, renvoyant au grand rien à somme nulle -pour ne pas dire à somme négative- que peut revêtir une vaste majorité des activités humaines liées au "travail") et des récompenses risibles qui leur sont octroyées lorsqu'ils atteignent leurs objectifs, la dissociation plus que réelle confinant parfois à la schizophrénie entre la personna qu'on revêt au travail et celle de notre vie de tous les jours, la subordination inhumaine imposée par les contrats qui lient les employés à leurs employeurs, le veritable culte rendu aux grandes figures de l'entrepreneuriat et aux chefs d'entreprise, ainsi que le caractère carcéral des grandes structures me semblent toutes tout à fait lucides et pertinentes.


Severance fait donc partie de ces series qui tiennent surtout à travers leur propos allegorique plus qu'a travers leur intrigue. Dans un tout autre style, une série comme Squid Game fonctionne également sur le même principe.


Pour développer cette allegorie, Severance fait appel à une science-fiction dystopique qui fait son job: tendre un mirroir déformant à la société pour la forcer à voir ce qu'elle préfère nier et amener les individus qui la composent à se poser quelques questions (même si ça ne changera rien, on est d'accord).


Y-a-t-il quoi que ce soit de moins démocratique qu'une entreprise? Les dirigeants des entreprises ont-ils quoi que ce soit à envier aux cultes de la personnalité développé par tous les grands despotes? A quel point notre travail nous definit-il? Et est-ce que ça n'est pas particulièrement ridicule d'attacher une telle importance à quelque chose qui nous est imposé?

Autant de questions auxquelles la série répond par une démonstration par l'absurde pour nous forcer à contempler le désert aseptisé, régit par des commandements vides de sens profonds, qui occupe une part importante de nos vies.


En rapprochant le culte rendu à Kier de la religion, Severance nous rappelle que les principes qui régissent le travail ou l'entreprise, ne sont rien moins qu’irrationnel, mais peut-être aussi nous montre-t-elle le culte inhumain que nous rendons à un nouveau veau d'or géant triomphant.


J'ai travaillé pendant 20 ans dans un bureau, par conséquent, j'ai l'impression d'avoir un peu vécu la même expérience (toute proportion gardée) que les protagonistes de la série. Et vous savez ce qui témoigne le plus de mon aliénation la plus totale à ce système ? C'est que je fais tout en ce moment pour y retourner.


Severance est donc une série qui au delà de ses défauts cités en début de billet parvient à travers une allégorie résolument critique à dresser un tableau peu reluisant, mais assez lucide, du travail en entreprise et de ses conséquences sur nos vies fracturées.

Samu-L
7
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le 31 juil. 2025

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Samu-L

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