Apprécié la sobriété de la chose. Pas de glauqueries gratuites, pas d'escalade over the top dans la violence pour finir par s'enliser dans des histoires de gangs ou un Rampart bis ; si ce n'est une ou deux anicroches de ci de là. Hey ! Ce que je préférais dans The Shield c'était les patrouilles de Julian et Danny, les enquête de Dutch et ces petites pointes récurrentes d'humour noir ; tout le quotidien mosaïqué d'un commissariat de quartier — quand bien même serait-il le pire de L.A — plus que le Money Train et toute la cascade qui en aura découlé.
Pourtant, tout est bien présent dans Southland : la violence, le chaos, l'injustice, des drames horribles aux petits délits les plus anodins, sans trompettes de cuivre ni cieux déchirés où flotteraient des oriflammes baignés de sang, nous sommes dans les interstices.
C'est tout con, mais on les voit régulièrement manger. Au-delà du cliché du flic-glouton bouffeur de donuts, comme Dr Green ou le jeune Carter qui grapillaient quelques minutes de sommeil réparateur dans un placard durant leurs trop longues gardes, ça suffit à donner un rythme, une chair, une véritable impression d'être au cœur même de ces patrouilles, sans se reposer sur la seule caméra épaule.
Les Tuniques Bleues
Aimé aussi cette pudeur vis-à-vis de ses personnages sans intrigues secondaires, squelettes dans les placards de tous, qui s'empilent jusqu'à l'improbabilité et l'incohérence pour être ensuite glissées sous le tapis quand elles deviennent par trop encombrantes (sauf Tammi) ... Ils n'en deviennent que plus attachants. Sauf Ben qui deviendra de plus en plus tête à claques. L'avoir repêché de The O.C fut une riche idée !
Néanmoins, cette retenue, cet aspect un peu rêche, parfois presque nu de la trame, sans fausse brutalité, empêche souvent Southland de briller et d'éclater comme elle aurait pu. Des personnages secondaires ou des intrigues à potentiel ne seront jamais développés, tout ça ne bouge jamais vraiment beaucoup, certains fils sont coupés net ou, pire, vite liquidés en nœuds. L'on aurait pu continuer 10 saisons sur ce mode encore et, à l'inverse, son sauvetage par la TNT ne paraissait pas si nécessaire que cela.
Mais ce n'est pas un mal en soi, je n'aurais pas voulu d'une telle floraison ; laissons la part belle à la frustration ! c'est-à-dire à l'imagination, à l'ellipse, au non-dit, à la potentialité. Un grand merci , aussi, de ne pas avoir fait d'épisode flashback disséquant un quelconque passé à la brigade; ces épisodes annihilent toujours toute latitude.
Au sud d'Eden
Et à dire vrai, en cette époque de séries qui essaient trop souvent dur dur d'être très sérieuses et fort profondes, de talonner le cinéma avec pléthore d'effets, de tics, de filtres déjà kitschouilles, tenter d'être tant bien que mal d'être la Seconde Venue du Christ, les séries du genre des années 90, sur lesquelles on aime bien cracher, un peu par réflexe , "c'était moins mieux avant !", avec leur fausse simplicité, loin de tout cynisme, leur humilité oserais-je dire, cherchant simplement à raconter des histoires et à épaissir des personnes aussi normaux que nous, des séries souvent bien plus fines que leurs souvenirs et que les produits récents, me manquent cruellement.
The Good Wife est une autre série hybride similaire qui sous sa forme a priori toute vieillotte mélange les genres, s'amuse et ose beaucoup.
Tout ça m'a surtout donné l'envie de revoir New York 911 et Urgences (première époque) ; véritables spectrogrammes de leur petit arpent de ville et amples galeries de portraits et d'instantanés pris sur le vif tout du long de l'échelle sociale. Ce n'est donc pas un hasard si Christopher Chulack et John Wells furent producteurs de Southland.