Bon blague mis à part j'ai beaucoup aimé cet SSSS. Gridman, beaucoup plus que ce que je pensais en lançant le premier épisode. Il faut dire que cet animé n'a pas peur d'assumer ces propositions et d'aller au bout de ses idées. On est confronté de prime abord à un animé lent, aux scènes longues et au rythme quasiment contemplatif, assez gris et aux couleurs assez mornes. Le travail au niveau de la forme est vraiment dingue dans cet animé, on est face à une proposition quasiment cinématographique, où chaque plan raconte quelque chose, que ce soit sur l'univers, sur la psychologie des personnages, sur l'ambiance que souhaite être retranscrite. En bref c'est un animé qui soigne vraiment ses visuels, et rien que ça c'est déjà ça en fait un animé très intéressant à voir.
D'autant plus que l'animé n'a pas non plus peur de perdre son spectateur dans son récit et son univers. On suit l'animé du point de vue du héros amnésique, donc forcément on est tout aussi perdu que lui face à un univers qui semble ne pas avoir beaucoup de sens à prime abord. C'est une autre qualité que j'ai trouvé à cet animé, qui est l'aspect un peu "puzzle" et découverte des règles de cet univers. Chaque épisode révèle quelque chose de plus, ajoute une donnée supplémentaire à l'histoire et à la compréhension de l'univers, ce qui fait que même si le spectateur est initialement perdu, on ressent quand même une sensation de progression dans le récit. Surtout que les grosses révélations sont toujours présenté d'une manière très soignée et bien pensée, et ne sont que rarement juste "racontées" dans des dialogues sans idées.
On voit ces qualités dès le premier épisode. On est lâché dans un animé aux formes quasiment cinématographique, au rythme lent et à l'univers imperméable. On ne comprend pas grand chose à ce qui passe, l'ambiance est volontairement floue et confuse, un peu comme dans un rêve. Et puis après bien 15 minutes perdu dans ce premier épisode, on a une scène du style :
- Yuta, monte dans ce mecha géant multicolore pour te battre contre le gros kaijuu géant avec l'opening bien catchy en fond.
Et on a une scène de baston de gros robot géant avec l'opening bien catchy en fond.
Le contraste qu'il y a entre la partie "tranche de vie" très sérieuses de l'animé, et les moments de baston sont justes géniales, c'est sans doute une des idées que j'ai le plus aimé dans cet animé. Sérieusement, on passe de Evangelion à Gurren Lagann en l'espace d'une scène ! Et ces scènes d'actions, c'est le festival : on a des gros lasers, des kicks et des gros coups de poings de robots, le générique qui se lance en arrière fond, tout le classique d'un bon super robot ! Le décalage entre un animé quasi contemplatif et cinématographique, et ces scènes dignes d'un super robot qui passe le matin au moment du petit déjeuner est un pur plaisir. Les scènes de bastons sont en elles mêmes super réussies, elles sont super bien animé, la CGI s'intègre parfaitement à l'arrière plan et permet des scènes très dynamiques. La sensation de gigantisme des combats est aussi quelque chose que j'ai trouvé particulièrement réussi, notamment parce que l'animé donne plein de points de comparaisons qui permettent de se rendre compte de la taille des monstres et du robot (les immeubles, les voitures qui s'envolent quand les coups sont échangés). Tout ça rend les scènes de bastons absolument jouissives en elles mêmes, alors quand en plus on ajoute le décalage créé avec le reste de l'animé, on est au 7e ciel.
Mais même après ce premier épisode, j'avais encore du mal à cerner cet animé et à savoir où il voulait m'emmener. Le moment où l'animé m'a vraiment convaincu, c'est au moment où il dévoile que la méchante c'est en fait la waifu toute mignonne. A ce moment là j'ai compris qu'en fait cet animé c'était juste un énorme kiff des réalisateurs. Et là tout s'explique, les robots géants, les bastons, l'atmosphère pesante qui précède chaque combat, tout ça sert en fait juste à nous faire ressentir de pures émotions de jouissance quand l'animé décide de tout claquer et de partir en bastonnade de kaiju vs mecha. Enfin ça du moins c'est ce que je pensais au début, parce que je pense que ce n'est pas juste ça que l'animé voulait montrer à son spectateur.
A partir de la seconde moitié de l'animé, le scénario se dévoile de manière beaucoup plus rapide que durant la première moitié. Les grandes révélations s’enchaînent, l'univers nous est petit à petit expliqué, et surtout l'écriture des personnages commence à prendre beaucoup plus de profondeur. On comprend petit à petit que l'animé est moins centré autour du héros Yuta, que sur la méchante Akane. Alors peut-être que c'est moi qui suis particulièrement sensible à ce genre de personnages, une lycéenne qui est une déesse qui a créé le monde, et qui s'amuse de sa création en effacent et corrigeant les défauts, mais c'est un personnage qui m'a beaucoup marqué. Akane s'enferme dans sa propre création, et a peur de se confronter à l'altérité, c'est à dire à une autre personne véritable, qui a sa propre volonté, ses propres idées, ses propres buts, et qui n'est pas juste un instrument qu'elle a créé. Il y a évidement un parallèle avec l'adolescence et l'enfermement qu'on peut vivre dans des univers fictionnels, que l'on a créé et qu'on sait rassurant, au point de refuser même d’interagir avec la vie véritable tant cette dernière est complexe et parfois blessante. Akane, derrière sa façade de déesse omnipotente, est en fait un personnage profondément fragile, sans confiance en elle, qui ne cherche pas une rencontre humaine et authentique, avec toutes les difficultés que cela engendre, mais plutôt un contrôle total et rassurant d'une vie bien rangée dont elle peut maîtriser tous les aspects. Il suffit de voir comment elle traite sa création "raté", un kaiju devenu humain, qu'elle méprise et maltraite, parce qu'elle ne peut pas supporter l'existence d'un être qui ne lui est pas soumis, et qui peut donc vivre selon ses propres principes. Mais c'est un être qui peut également la comprendre, lui parler, relationner avec elle. La seule personne qui arrivera à transpercer cette bulle qu'Akane s'est construite, est le personnage de Rikka, qui parviendra à être sa véritable amie, c'est à dire pas uniquement un programme artificiel conçu pour être une amie, mais bien un autre être humain, avec ses propres volontés, qui a décidé de lui même d'être une amie. En d'autres mots, une personne véritable avec laquelle on peut relationner.
Bref, on voit alors que derrière cet aspect de gros robots qui tabassent des kaijus, se cache un scénario autrement plus profond, qui m'a beaucoup fait pensé (vu les thématiques) à Evangelion. Une adolescente mal dans sa peau, qui se renferme sur elle même dans un monde qu'elle a créé de toute pièce, refusant de se confronter à autrui. L'épisode du rêve (un des meilleurs épisodes de la série, sûrement le meilleur, et un magnifique moment d'animation) révèle bien la réussite qu'a cet animé de parvenir à une écriture aussi soignée des personnages, tout en soignant ses visuels et sa mise en scène.
Et puis malgré tout l'aspect un peu "sérieux", l'animé parvient à garder son amour pour l'action décomplexé, pour les moments de bastons un peu débile mais terriblement jouissif. Le dernier épisode est en ce sens particulièrement jubilatoire, après tout l'animé, tout le drama psychologique, tous les rebondissements, toutes les révélations des grands méchants, toute l'analyse psychologique d'une adolescente perdue, tout ça se finit par un super laser réparateur tiré par la forme finale du gros super robot. On ne pouvait pas mieux finir cet animé, ça résume tout ce que cet animé est, c'est à la fois une grosse lettre d'amour aux super robots et à l'action débile, et à la fois une profonde exploration d'une angoisse adolescente. Peut-être peut on voir dans cette scène la force par laquelle la fiction parvient à nous faire sortir des idées moroses ? Ou bien alors juste un dernier plaisir que les animateurs se sont autorisés ? Je ne trancherai pas la question, parce que les deux interprétions me vont bien.
Je ne peux que vous recommander chaleureusement de regarder ce SSSS. Gridman qui m'a positivement surpris de par la maturité se son propos, l'aspect décalé et jouissif des combats, et le plaisir de simplement voir un animé qui sait où il va, qui n'a pas peut d'assumer ses idées, et qui est abouti à la fois visuellement et thématiquement. Une très belle découverte !