Le Génie égaré

Un voyage qui s’annonçait captivant mais se perd dans ses propres détours.

Autant vous prévenir d’entrée, vous allez voyager entre deux mondes. Celui du début, le monde des fraises, et celui dans lequel vous serez projeté : le monde du fromage.

Dans le monde des fraises, Lin Zhao Xi est une jeune femme qui apprend que son père, Lin Zhao Sheng, âgé seulement de 45 ans, est atteint depuis quelques années de la maladie d’Alzheimer. Bien que douée en maths, elle s’est toujours sentie inférieure à ce père mathématicien de génie mais réduit à un poste de comptable dans un lycée, et surtout à côté de l’excellent et très brillant Pei Zhi, son camarade qu’elle admirait et que son père semblait choyer davantage. Un jour, elle reçoit une photo la représentant, elle et Pei Zhi, vainqueurs d’un concours de mathématiques lors d’un camp d’été, alors même qu’elle n’avait jamais réussi à y entrer. Son père figure aussi sur le cliché. Cet échec, mêlé à sa culpabilité, la projette en 2006, dans son corps de 11 ans.

Ce voyage n’est pas un simple retour dans le passé mais une plongée dans un univers parallèle : le monde du fromage. Ici, son père n’a pas de fille, n’est pas mathématicien, et mène une vie solitaire. Aux côtés de Ji Jian, un jeune acteur qu’elle venait de rencontrer accidentellement et qu’elle a emmené malgré elle dans ce voyage temporel, Zhao Xi doit retrouver la clé pour revenir dans son monde. Elle retrouve surtout Pei Zhi.

La série débute alors sur de solides bases. L’enjeu est clair, gagner le concours pour retrouver le monde des fraises, et les figures d’autorité se dessinent : le mentor qui élève, le directeur qui écrase. En renvoyant Zhao Xi à son plus grand échec, le récit met en scène une seconde chance : réparer la faute initiale, se réconcilier avec son destin et avec son père.

Parmi les réussites, il faut citer l’esprit d’équipe. Zhao Xi choisit d’intégrer les élèves les plus faibles dans son groupe, transformant la compétition en espace de solidarité. Mais ce qui touche le plus, c’est sa relation avec cet homme et lui faire reconnaitre sa paternité. Leur lien naît dans un clair-obscur troublant, comme une métaphore de l’Alzheimer : l’effacement des identités mais la persistance du lien. La phrase du père, « Quand tu comprendras le problème sur lequel je travaille, alors tu me surpasseras », condense cette tension : encouragement à dépasser, mais aussi rappelle que l’ombre du père reste indépassable.

Jusqu’à l’épisode 10, The Heart of Genius tient une ligne claire et touchante. Le rapport au temps, la justesse du traitement de la maladie, la mise en scène de la mémoire : tout fonctionne. Mais à partir de là, la série se disperse. Zhao Xi et Pei Zhi repartent dans le monde du fromage, cette fois en 2012. La narration devient confuse : triangle amoureux inutile, romance secondaire maladroite, éloignements peu convaincants. On a l’impression que le fil narratif a changé de mains.

Plus encore, l’enjeu scientifique, pourtant annoncé comme moteur, se dilue. Les premiers épisodes intégraient des jeux logiques intéressants, mais la série finit par réduire la découverte mathématique à une illumination soudaine, sans rigueur ni crédibilité. La science devient un simple décor, quand elle aurait dû rester le cœur du récit.

Au final, la promesse initiale, mémoire, science et destin mêlés, s’évapore. Le scénario oublie même certaines questions qu’il avait posées, comme le devenir des doubles personnages entre les mondes. Ce qui devait être une fresque sur le génie, la transmission et l’effet papillon des choix de vie se transforme en intrigue confuse, où les promesses de départ se dissolvent.

The Heart of Genius avait tout pour offrir une réflexion bouleversante sur la mémoire et la filiation, mais s’éparpille au lieu de rester concentrée. Reste un début fort, quelques moments lumineux, mais une conclusion trop confuse pour convaincre pleinement.