The Jinx
8
The Jinx

Série HBO (2015)

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"I did not tell the whole truth. Nobody tells the whole truth."

Robert Durst est un milliardaire. Le fils aîné d’un magnat de l’immobilier new-yorkais. Un membre d’une des familles les plus puissantes de Manhattan. Petit et frêle, silencieux et solitaire, il est le suspect n°1 dans plusieurs affaires, dans plusieurs villes des Etats-Unis. Le mystère persiste. Meurtrier de sang-froid au pragmatisme implacable ou homme incroyablement malchanceux qui se retrouve au mauvais endroit, au mauvais moment un peu trop souvent ? Cette série documentaire d’Andrew Jarecki, instiguée par Durst lui-même, va tenter d’apporter des réponses.


Pour mener sa quête à bien, il n’invente rien de nouveaux et fait dans le classique en croisant témoignages, documents d’archives et reconstituions. Les témoignages face caméra de toutes les parties prenantes impliqués dans ces affaires : policiers, avocats, procureurs, jurés, familles, amis et voisins sont passionnants. La diversité des intervenants permet de découvrir plusieurs facettes de la personnalité du milliardaire, plusieurs interprétations de ses actions et plusieurs versions des affaires dans lesquelles il est impliqué. Ils sont aussi l’occasion de découvrir des personnages excentriques comme la femme de Durst, toujours une cigarette à la main, et le sosie officiel de Travolta, période cheveux blanc gominés, embonpoint et grosse moustache. Les vidéos, les photos et les enregistrements audio d’archives nous permettent de revivre l’évolution des affaires, de la découverte glaçante des scènes de crimes, aux échanges téléphoniques invraisemblables avec sa femme, en passant par un procès à la défense génialement aberrante. L’occasion d’une critique facile mais efficace du système judiciaire américain où des innocents sans moyens peuvent être condamnés et des coupables aisés innocentés en se payant les meilleurs avocats possibles. Enfin, les reconstitutions mettent en image la grande majorité des témoignages, sont joliment mises en scène et viennent rythmer le tout. Malheureusement, elles nous empêchent -nous spectateurs- d'imaginer quoi que soit en imposant la vision que le réalisateur se fait de tous ce que les témoignages apportent. Surtout, chaque reconstitution des faits représente un tueur qui reprend toutes les caractéristiques physiques de Durst, ce qui influence grandement l'opinion que l'on se fait sur le sujet.


Jarecki dresse surtout le portrait d’un homme ambigu, à l’histoire incroyable. C’est cet homme hors du commun qui confère son caractère exceptionnel à cette mini-série. Les échanges entre le milliardaire et le réalisateur sont sidérant. Durst est fascinant. Un vieil homme fragile et claudiquant, au teint fantomatique, bourré de tics. Il cligne des yeux toutes les 20 secondes, balance ces bras dans tous sens et se caresse nerveusement les cheveux à chaque question. Un vieil homme au franc-parler désarmant et la voie gutturale. Et puis au milieu de tout cela, de grands yeux reptiliens, noirs, comme un abîme sans fond, impossible à déchiffrer, qui vous glace le sang au moindre regard. Chaque phrase qu’il prononce peut vouloir dire tout et son contraire, chaque mot est soigneusement choisi. Il semble s'amuser quand il sort des réponses improbables qui frisent parfois le génie (« How do you accidentally shave your eyebrows? », magistrale d'humour et de bon sens) ou être complètement perdu quand il cherche ses mots et se répète inlassablement. Un vieil homme à la fois fragile et intouchable, naïf et intelligent, attachant et terrifiant. Un vieil homme à la logique froide et implacable, illogique pour tout individu sain d’esprit.


Jareki est un showman et semble prendre un malin plaisir à évoluer au milieu de cette galerie de personnages étranges avec son bouc de détective des années 80, mais gagne vite notre confiance. Les indices se croisent et se recroisent, les scénarios possibles se succèdent, le portrait se fait de plus en plus précis mais l’on reste dans le doute. On regrette toutefois ne pas en découvrir plus sur la famille Durst, au comportement étrange, sur l'enfance de Robert, que l’on survole rapidement, puis sur son adolescence, totalement oubliée.


The jinx est diablement divertissant mais aussi inévitablement malsain. On est ému par le chagrin de certains, passionné par la folie des autres. On glousse aussi devant certaines situations invraisemblables. Il est par exemple impossible de ne pas sourire quand un détective annonce, solennel comme le pape le jour de pâques : « Nobody deserves to be killed. Their head cut off. Their arms cut off. Their legs cut off. And packaged up. Like garbage.”


Robert Durst est à l’origine des interviews et on sent bien qu’il les a travaillées, a préparé chacune de ses réponses. Cela en fait-il un coupable vaniteux, un innocent revendicatif ou tout simplement un réaliste, conscient du rôle des médias ?

Clode
8
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le 21 mars 2015

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