Et bien oui le feu aura marché avec moi.
Une telle série mérite une grande attention. Vue et revue, inlassablement, les personnages sont fascinants et jamais saisissables. Performance de Kyle MacLachlan, un de ses rôles les plus notables, on retrouve toute l'équipe d'acteurs de David Lynch présents dans la plupart de ses films. A mi-chemin entre le film, la série et sur un univers aussi croqué que celui d'une bande-dessinée, cette œuvre laissa la porte ouverte aux séries que l'on peut voir aujourd'hui : réalisation de véritables chefs d’œuvres d'une qualité et d'un propos surpassant même bon nombre des productions de films.
Tout au long de la série nous sommes portés par une narration progressive. Nous poursuivons un seul but sans jamais l'atteindre ou le dépasser. Nous restons jusqu'à la fin de la série agrippés aux accoudoirs de notre siège en projetant sur chacun des personnages ce qu'il peut bien se garder de nous révéler. La richesse des protagonistes par leur nombre, leur caractère et leurs interactions nous plonge au cœur de l'enquête policière. Ça serait comme un Cluedo géant et amélioré où chaque décor possède sa musique, ses couleurs, ses règles du jeu et son propre "monstre". Car après un portrait psychologique "classique", nous plongeons jusque dans les méandres de ses personnalités toutes plus sombres et torturées pour ne pas dire habitées. Toutes les classes sociales étant traversées et exposées, nous filons ensuite bien au-delà de leur apparence extérieure pour se réfugier dans le sens de chaque, chacun, chaque mot. "Fire walk with me", message délivré pendant la série à plusieurs reprises amène déjà par lui-même un débat entre les téléspectateurs sur sa signification et son emprise sur Laura Palmer, victime retrouvée morte et à l'origine de l'enquête. Entre une déclaration affirmative et condamnatoire d'un désir qui la pousserait malgré elle ou une injonction, une supplication, à ce qu'il vienne s'emparer d'elle, entre une fuite de ou une course vers...?
Je crois qu'à chacun d'interpréter son géant, son nain dansant sur fond de jazz, sa salle close aux rideaux rouges et à son carrelage à carreaux blanc et noir. Dans cette série et sous le craquellement de la peau de chacun de ses personnages, nous sommes comme au bord d'un précipice, marchant, à tâtons, sur une corde, avec pour seule lumière pour nous éclairer cette chouette (ou une grive à collier pour reprendre l'oiseau du générique de la série), symbole de la connaissance mais que nous essayerions de capturer alors qu'elle tient en son bec l'extrémité du fil vers lequel nous marchons. Cette image de Teun Hocks me renvoie tout à fait à la sensation d'investigation que j'ai pu vivre en tant que spectateur de cette série.