Ugly Betty, c’est un peu comme si Le Diable s’habille en Prada avait décidé d’embaucher une héroïne complètement à l’opposé du glamour attendu, et de la plonger tête la première dans un monde où la mode est plus tranchante qu’un couteau à sushi. ABC nous propose ici une série où les talons aiguilles sont aussi dangereux que les coups bas, et où Betty Suarez, notre héroïne au look plus proche de la bibliothèque municipale que des podiums de Milan, essaie de survivre dans cet enfer fashion.
Betty Suarez, c’est la fille à qui vous diriez gentiment que "l’habit ne fait pas le moine". Armée de son poncho mexicain et de ses lunettes en écailles qui semblent avoir fait un voyage temporel depuis les années 80, elle décroche un job chez Mode, un magazine où le "chic" est la devise et où même les plantes de bureau ont l'air mieux coiffées qu’elle. Sa mission ? Travailler comme assistante pour Daniel Meade, l'héritier playboy un peu paumé et tout droit sorti du catalogue des fils de riche qui ne savent pas quoi faire de leur vie. Le contraste entre Betty et le reste de ce monde luxueux est si flagrant que ça en devient une sorte de comédie absurde.
Mais ce qui rend Ugly Betty vraiment intéressant, c’est que derrière tout ce clash de styles vestimentaires, il y a un message sur l’authenticité, l’ambition, et la résilience. Betty est peut-être le mouton noir dans un océan de visons blancs, mais elle a plus de détermination que tous les mannequins montés sur échasses qui gravitent autour d’elle. Elle est la "outsider" qui, malgré ses faux pas (littéraux et figurés), ne se laisse jamais abattre par les ricanements et les jugements de surface.
Le monde de Mode est un univers de requins déguisés en tailleurs couture, où chaque sourire cache une dague, et où l’on juge votre valeur en fonction de la marque de votre sac à main. Wilhelmina Slater, la véritable méchante de la série, est l’incarnation même de ce cynisme : une femme aussi glamour que diabolique, prête à tout pour prendre la place de Daniel à la tête du magazine. Elle est la reine des manigances, des coups bas, et des sourires faux comme un sac contrefait vendu à la sauvette.
Mais si Ugly Betty parvient à nous captiver, c’est en grande partie grâce à son mélange de comédie exagérée et de moments plus sincères. La série jongle habilement entre les situations ridicules (Betty se perdant dans des escarpins trop grands pour elle, ou se faisant humilier par un concours de "qui est le plus chic") et les moments où Betty se bat pour prouver que le talent et l’intelligence valent bien plus que l’apparence. Ce contraste crée un équilibre qui rend la série étrangement attachante, malgré ses excès.
Le style visuel de Ugly Betty est un personnage à part entière. Les tenues outrancières, les décors flashy, et la direction artistique exagérément colorée sont un véritable carnaval visuel, où chaque épisode semble se dérouler dans une explosion de néons et de paillettes. Même si vous n’êtes pas fan de la mode, il est difficile de ne pas être impressionné par cette cacophonie stylistique où chaque scène est un tableau de magazine de mode, mais avec des proportions comiques.
Cependant, si la série fait rire avec ses situations loufoques et ses personnages caricaturaux, elle souffre parfois de la répétition. Le schéma "Betty contre le monde superficiel de la mode" peut devenir prévisible, et certains arcs narratifs s’étirent un peu trop, donnant l’impression que la série patine un peu sur ses talons hauts. Il y a un moment où l’on se demande si Betty va enfin réussir à s’imposer, ou si elle restera éternellement l’assistante maladroite dans l’ombre de son patron. Les personnages secondaires, bien qu’amusants, finissent eux aussi par se retrouver coincés dans des schémas comiques un peu usés (Marc et Amanda, duo d’acolytes méchants mais drôles, sont hilarants, mais leur dynamique change peu au fil des épisodes).
En résumé, Ugly Betty est une série qui brille par son humour décalé, ses personnages plus grands que nature, et ses messages sur l’authenticité dans un monde superficiel. Si vous aimez les comédies où les décalages culturels sont à l’honneur et où le glamour se prend des coups de pied dans le derrière, cette série saura vous divertir. Mais préparez-vous à ce que les ponchos et les talons hauts prennent beaucoup de place dans l’intrigue... tout comme les sourires carnassiers derrière chaque coin du bureau de Mode.