Arte, Arte… Je sais pas, ça c’était pourtant bien passé l’an dernier, non ? J’avais l’impression en tout cas : Trois fois Manon c’était tout sauf parfait mais il y avait plein de bonnes choses, P’tit Quinquin c’était un bel objet télévisuel original – si ce n’est unique – aussi indescriptible qu’il apportait un peu de fraicheur dans le PAF. On en avait presque oublié Odysseus, c’est dire ! Oui, Odysseus et son Ulysse en serviette de bain, Odysseus et son budget décors se limitant à la plage de Saint-Cyprien, Odysseus et son casting en roue libre complète : Odysseus, quoi. Mais ici, on change de décors. Dites adieux aux toges en synthétique, Virage Nord nous propulse, surprise, dans le Ch’nord.
Quelque chose aurait dû me mettre la puce à l’oreille quand même. Parce que même si la sortie de Virage Nord était amorcée par un succès critique assez surprenant, il suffisait de regarder le CV des scénaristes pour commencer à s’inquiéter. Des chefs d’œuvres comme Caïn ou Adresse Inconnue, une bonne grosse dose de France TV-attitude, un casting aussi indigeste qu’absurde – le doubleur de Dr.House, l’une des têtes à claques du dernier Larry Clark, un rescapé des Beaux Mecs – Oui, il y avait des bonnes raisons de s’inquiéter.
Mais j’étais naïf. Mon esprit était désormais persuadé que Arte = programmes de qualité. Et en cela, je remercie Virage Nord, car dans le genre douche froide, difficile de finir plus trempé. Virage Nord, s’il fallait la décrire, il faudrait d’abord prendre un épisode moyen de Julie Lescaut. N’importe lequel. Julie Lescaut et sa narration passionnante, ses personnages shakespeariens, sa maréchaussée exemplaire, son sens aigue de la subtilité. A cela tu ajoutes le sens du dialogue d’un épisode de Plus belle la vie, la direction d’acteurs d’une bonne passe de Au nom de la vérité, et tu fais réaliser le tout par un faiseur bien fade comme il faut, amateurs de zooms et d’autres procédés de mise en scène que nous adorons tous secrètement.
Course-poursuite dans les bois de Sainte-Anne-sur-Loire, séance masturbation en duo, fellations en bord de piscine, corruptions en Division d’honneur, racket de bac à sable, ados bicurieux, diaporamas du match d’hier en opening, générique Windows Movie Maker, un chouïa de trahisons et un peu de sang à la fin. Tout ça vous l’aurez en regardant Virage Nord, concentré de tout ce que le PAF peut faire de plus sérieusement ridicule, bourré de stéréotypes éculés, de figures clichées, de passages émotions à côté de la plaque, le tout étant non-seulement profondément idiot, mais surtout déjà vu et revu. La série serait consciente de sa condition, encore, je comprendrais, mais Virage Nord est non seulement d’un sérieux accablant, mais se targue d’une sacrée réputation.
Aucun intérêt.