Le mythe : l'ingrédient fondateur du Western. Et le film Pat Garrett & Billy le Kid ne se ménage pas dans ce domaine : tout est emblématique, de la photographique lyrique à la musique nostalgique, en passant par cette légende du duo symbolique de l'Ouest.

Le schéma est, à y bien penser, très simple : d'un côté, Garrett incarnation de l'ordre, qui veut établir une justice par la loi, et de l'autre Billy, figure d'une jeunesse arrogante, qui favorise la loi du flingue et le sens de la chevalerie.

Ces deux protagonistes ont, toutefois, un point de fusion : l'amour inconditionnel pour leur terre, l'Ouest. Raison pour laquelle ils sont prêts à s'entrechoquer pour assurer un avenir propice à ce sol ; mais, selon les idéaux de chacun.

C'est ainsi que la machine tragique se met en route, et ce n'est pas leur amitié passée qui les ralentiront. Ils sont destinés à converger vers ce point funeste, comme on nous l'indique dès le début du film. Ainsi, Garrett étant devenu shérif après son enrôlement chez Wallace, et Billy fugitif après son évasion ostentatoire : ils vont pouvoir affronter leurs principes, à travers une traque bien romanesque, qui n'est pas s'en rappeler celle dans la Prisonnière du Désert.

Chaque protagoniste a sa façon de procéder. Billy continue d'embellir le mythe, avec le sauvetage de la veuve et l'orphelin à coups de revolver éclairs contre les bandits qui volent et qui violent. Il croque avec volupté les plaisirs qu'offre cette vie de l'Ouest : la liberté. Bill a la capacité de jouir de son environnement : que ça soit pour chasser le dindon, manger un bol de lentille entouré de compagnons, contempler le paysage, ou faire l'amour avec des femmes toujours disposées, Billy vous répondra "avec plaisir". C'est un indocile qui refuse de changer.

Tandis que, Garrett, plus mesuré et raisonnable, a changé de camps pour entrevoir un avenir nouveau. Il souhaite établir la loi, réglementer le territoire, et fixer les normes. Dans un but très simple qu'est celui de la paix : il a conscience que l'ordre des choses se modifient, et que la légende du cow-boy s'étreinte, jusqu'à inlassablement disparaître. Pat préfère évolué avec le nouveau, (qui est représenté par l'homme d'Etat qu'est Wallace), plutôt que s'obstiner dans cet idéal ancien : celui qui tire le plus vite, c'est celui qui règne. Cependant, la nouveauté a aussi son lot de démon, avec, ici, le débarquement du capitalisme vers l'Ouest. Cette thématique est exploré, notamment, dans The Grapes of Wrath de Ford.

Sam Peckinpah ne manque pas, en outre, d'incorporer des éléments secondaires très cyniques, comme un groupe d'enfant badinant avec une corde de pendu, qui souligne l'inéluctabilité de la violence, même chez les êtres les plus innocents. Ce plan peut être mis en parallèle avec une des meilleurs musique Des Doors : Riders of the Storm.

Plastiquement, Pat Garrett & Billy le Kid est d'un splendide picturalité : cette fameuse scène de la mort d'un des compagnons de Pat au détour d'une rivière, le prouve bien. En effet, Le plan large est toujours utilisé avec parcimonie et pertinence, sans jamais être un élément de remplissage. Et cette imagerie n'est pas ici simplement pour le plaisir du beau : elle vient traduire la subjectivité des personnages, c'est-à-dire leur amour absolu pour ce que leur offre l'Ouest.

Cela est magnifié par la bande son conçu par Bob Dylan : d'un lyrisme stupéfiant, qui s'accouple parfaitement à la photographie. (Par ailleurs, Knockin' on Heaven's Door, composé pour le film, est aujourd'hui bien plus connue que le film lui-même).

Là, où le film est génial, c'est que ce lyrisme sur la forme se retrouve, indifféremment, du côté de Billy ou, et plus intéressant, du côté de Garrett. Cela ajoute une ambiguïté qui amplifie considérablement la dimension tragique et pathétique à la fin du film.

Incidemment, parlons en de ce final. Pat, après être devenu quelque peu sadique à l'entrée dans un saloon, se rend à Fort Summer : centre névralgique du mythe. Là-bas, Billy est dans son milieu naturel, accompagné par ses nombreux acolytes, c'est encore le revolver qui fait la loi ici. Et Pat ne déroge ni à la règle, ni au destin, il élimine avec douleur son ancien camarade, par une balle entre les poumons. Néanmoins, il laisse une dernière fois se déchaîner ses passions (il les laisse reprendre le dessus quelque fois, comme dans le passage des prostitués), voulant que ce Billy (maintenant incarnant ce passé légendaire) soit traité avec bonté et admiration, ce que les sous-fifres de Wallace ne peuvent comprendre, car pour eux l'Ouest n'est qu'un terrain à exploiter.

Finalement, Pat Garrett & Billy le Kid se clôt en nous peignant un tableau empli d'amertume : un enfant jetant de petites pierre sur un Garrett repartant à cheval, et tout cela de dos, comme pour nous montrer l'implacable fin d'une époque, aussi belle soit elle.

Mr_Mojo_Risin
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le 20 avr. 2023

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