« Oh mon Amour, mon âme sœur, (…) laisse-moi te dessiner dans un désert, le désert de mon cœur. »

L’invitation est lancée, dès les premiers mots chantés dans une douceur désertique : un rythme ténu dessous de longues notes tenues comme harmonie, et la voix sensuelle d’Emilie Simon, légère et aérienne pour caresser l’ensemble. J’ai découvert la jeune enchanteresse à la sortie de cet album, et j’ai été de suite séduit. L’attirail de machines étranges qui entourent l’artiste ne plombe en rien les atmosphères, bien au contraire, tout y est « léger comme une brise ». L’electro est fluide et discrète, c’est un cocon de douceur sous des mélodies de voix féériques. Il Pleut, après le désert, des gouttelettes électroniques s’écrasent en rythme cristallin, le monde merveilleux de la jeune chanteuse se développe. Soudain, Emilie Simon nous ensorcelle d’un énorme reprise des Stooges, I Wanna Be Your Dog, crue et sensuelle, dans une chaleur particulières aux sons envoûtants d’un rock calme. Enveloppée des effets électroniques, et parfois déchirée d’un riff tremblant, il y a de la désagrégation dans la porcelaine, des fissures cheminent là sur la faïence pure. Superbe !

Le poème qui vient ensuite est d’une pudeur rare, empreinte de vérité. To The Dancers In The Rain est une chanson douce et tendre, dont le refrain m’obsède toujours autant, plus de dix ans après d’innombrables écoutes : une mélancolie fragile, de laquelle on tente de reprendre notre envol, aussi blessés soyons nous. Avec une ferme volonté, même sur un sol chaotique, se redresser, relever la tête et repartir, sont possibles. « Elle s’endort un verre blanc d’absinthe à la main », vers d’adieux, l’envolée mélodique est insidieusement efficace, le montage sonore effréné développe tout l’espoir porté par les mots d’Emilie. Bientôt Graines d’Etoiles nous envoie un peu plus au ciel. Consolidée par une voix masculine grave et profonde, la clarté d’Emilie luit un peu plus, la musique respire d’amples volutes et de rythmes battants. Souffrante sous un riff écrasé et lancinant, la chanson tourne là avant de s’éteindre d’un coup. Flowers, comptine désenchantée pour garçons au cœur tendre, s’orne d’une douceur pop-rock, aux goûts de Cake et de Calexico dans l’atmosphère hispanisante, avec la rugosité impérieuse d’une urgence solaire. Vu d’ici, contemplation maritime en complainte de marin, chante l’inaccessibilité des désirs les plus inattendus, le désarroi qui nous saisit aux désirs les plus spontanées. La trompette lascive nous transporte en velours jusqu’à ces notes perlées qui nous atterrissent dans le confort.

« Je tisserai des chants au soir et au levant », la promesse est belle. La clôture soutenue de violoncelles est organique, malgré un dénuement orchestral qui dit l’humble honnêteté de l’artiste. L’invitation à pénétrer l’univers enchanté est franche et timide à la fois. La force musicale et l’assurance dans la voix affirment la fragilité des choses. Emilie Simon est un album concis et sans outrance, d’un savoir-faire magnifique et pointilleux, « un point pour chaque étoile ». Emilie Simon nous prend avec une tendre amitié dans la toile qu’elle tisse de soie.

Merveilleuse insecte artisane du renouveau d’une french touch tournée vers la poésie !

Matthieu Marsan-Bacheré
Matthieu_Marsan-Bach
9

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Créée

le 14 mars 2015

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