Initiale
7.3
Initiale

Album de Raphaële Lannadère (2011)

Je ne devrais pas aimer cet album, il ne me correspond pas du tout. Le rythme est volontiers lent, le ton flirte avec une certaine mélancolie, j'hésite à parler de neurasthénie. J'ai plutôt besoin que ça bouge, de couleurs, de vie, de gaité, que ça pète, que ça sourit. Et pourtant...

La première fois que j'ai entendu Raphaële Lannadère, alias "L", c'était je ne sais plus sur quelle radio (France Inter ou Culture?), j'avais été emporté par le texte de "Petite", chanté par cette voix si étrange, si particulière, si belle. Le tout combiné donnait un truc incroyable, un flot d'émotions où la surprise se mêlait à l'admiration, le plaisir à l'envie de découvrir d'autres chansons de ce cru.

1/ Mes lèvres:
Magnifique intro. On commence avec des petits tintinnabulements, je ne connais pas le terme adéquat, des petits dings dings qui sortent d'un xylophone je suppose, c'est très doux, et puis viennent s'incorporer à la mélodie de base des violons et une batterie très jazzy. C'est très beau, mais ce n'est rien en comparaison de cet époustouflant mariage entre le texte et la musique : la musicalité propre du texte est ahurissante. Le texte fait sens mais d'aucuns diraient qu'il est un peu ampoulé. Ma foi, s'il adopte en effet une tonalité assez baroque, pour le moins chargée, je m'en contre-fous. Il fonctionne pleinement sur moi. Là encore, je suis forcément surpris étant donné mon aversion coutumière pour ce style. Ici, je suis transporté, subjugué par la fluidité tellement facile du texte, qui coule, comme par nature. Le rythme est assez doux, mais soutenu, donnant accès à un certain balancement des hanches. J'aime beaucoup d'entrée de jeu.

2/ Jalouse :
Rythme plus dynamique, ça bouge davantage. La chanson est enjouée, gracieusement entrainante. C'est fou comme cette voix mélancolique semblant perdue dans une musique joyeuse ne cesse de finalement me charmer. J'adore cette chanson. Elle a quelque chose de très rafraichissant. Elle me fait penser aux années 60. Allez savoir pourquoi?

3/ Mon frère:
Oula! Rythme hyper lent. Tout doux. Le contraste avec le peps de la chanson précédente est très net. Le ton est très mélancolique. La musique est très simple, en retrait, mais n'abandonne pas pour autant la chanteuse. Elle est là, dans le fond, présence subtile. Le texte est à l'honneur. En fait de mélancolie, la chanson est surtout nostalgique, d'une beauté simple, rare.

4/ Petite :
Ah, ma préférée! Entêtante, texte jouissif à entendre, mélodie rythmée et chargée encore une fois d'une tristesse infinie. Sublime. Nom de Dieu, que c'est beau! J'aime particulièrement aussi que le travail musical soit complexe, tant et si bien que je serai infoutu de l'expliquer. On est là au delà de mes capacités d'expression en matière de musique.

5/ Château rouge :
Intro accordéon ou harmonium, mais on retrouve vite les violons, le piano et ce qui ressemble à une contre-basse, à moins que ce soit juste une basse, en tout cas on est porté par des rythmes plutôt lents. J'aime bien, mais je suis moins ému. Je crois que c'est la mélodie qui n'arrive pas à me prendre la main. La chanson est très courte.

6/ Pareil:
Ah oui, très jolie! Avec qui semble être un bruit de pluie, une percussion de goutte à goutte. Futé. Et beau. Et encore une fois entrainant. Ils sont forts musicalement, derrière cette voix. Je n'arrive toujours pas à dire pourquoi. Mon inculture musicale finit souvent par me rattraper et m'empêcher de bien analyser les ressentis. Oh, le rythme s'accélère peu à peu. La gratte se ramène et le pied tape le sol. C'est bon, beau et bon à la fois. Oh, des sons synthétiques! Très riche. Et de façon incroyable, la chanson demeure ancrée dans un ensemble, un style, un tonalité singulière. C'est magique.

7/ Mescaline:
Style plus traditionnel, musique de piano, de violons. Et pourtant, il y a toujours un rythme entrainant. Oh, une rupture, un crescendo soudain! Retour au calme. Flux et reflux donc. Toujours une musique riche, toujours un texte complexe, à la poésie caressante. C'est superbe.

8/ Initiale:
Chanson qui donne son titre à l'album. Voyons voir. Le texte de début me déplait : chargé et insensé. La connexion avec la musicalité ne suffit plus. Ça ne coule plus. Ah, ça ne dure pas. La montée d'émotion qui suit la montée de la voix rappelle que la chanteuse sait chanter. Je ne suis pas sûr de trouver le texte bon toutefois. Le rythme est monté en intensité, progressivement. J'aime bien cette chanson, mais sans plus. Je la trouve facile, dans le mauvais sens du terme. Même la musique finalement ne m'impressionne pas. Elle est sans mystère cette fois-ci. Sans surprise non plus. Ça ne tient plus. Y a-t-il un effet de lassitude de ma part? La plupart des chansons ont-elle tendance à se ressembler?

9/ Je fume:
Plus de simplicité en apparence. Comme la chanson "Mon frère", la musique est très douce, comme en retrait. La voix traine, comme au ralenti. Le texte est pesé, comme susurré. Doux et attendrissant, l'ensemble respire la nostalgie. L'imparfait remplace souvent le présent. "Elle", ou "L", se "souvient" souvent dans cet album. Le présent parfois semble prendre le pas sur le passé. Sûrement que la nostalgie de l'album se lit aussi dans cet usage du présent pour évoquer le passé, comme si, justement, il perdurait ou vivait encore dans le présent de celle qui s'exprime.

10/ Romance et série noire:
Réveil avec un rythme plus percutant. La musique est plutôt différente cette fois du reste de l'album. Toujours aussi riche, mais le style me parait étrangement différent. Cela dit, j'aime bien.

11/ Les corbeaux:
Dernière chanson, que j'aime beaucoup. Le texte est très bien ficelé, très beau. La mélodie douce balançant d'un pied sur l'autre, prend la forme d'une berceuse, délicate et pleine de tendresse. Le piano est seul, me semble-t-il. La simplicité de la chanson, du rythme, la finesse de cette voix douce forment un ensemble parfait pour clore ce très bel album, frissonnant, enveloppant la tristesse du temps qui passe d'un regard poétique et chaleureux.

Si je pouvais écouter cet album devant un panorama de grands arbres agités par le vent et grisés par les nuages de pluie, je pense que je vivrais là un des plus beaux instants de mon existence. Et dieu que je ne suis pas du genre à aimer patauger dans une quelconque mare neurasthénique.
Alligator
8
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le 27 avr. 2013

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Alligator

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