Antidotes
7.3
Antidotes

Album de Foals (2008)

Kool and the Gang était une formation de jazz avant de connaître le succès en se convertissant au disco-funk.Journey oeuvrait dans le jazz-rock avant de se métamorphoser en champion du hard FM... Quel rapport avec The Foals, quatuor anglais qui viendrait, selon la pub, de publier « le premier album le plus attendu de l'année » ? Une démarche similaire qui a consisté pour ces jeunes gens d'Oxford à abandonner un post-rock cérébral pour se laisser griser par le succès assuré d'un solide ­punk-funk aux effluves « nu-rave ». Un soupçon d'opportunisme et un sacré savoir-faire seraient donc les deux mamelles de l'entraînant rock africanisant des Foals. Ce qui n'empêche pas pour autant ces quatre fanfarons d'avoir également et surtout envie de s'amuser. Assurément, c'est le cas sur scène, où les Foals « déchirent grave », comme on dit. Une redoutable intensité qu'on a du mal à retrouver sur leur album. Ou plutôt, si elle est bien présente sur Cassius ou The French Open, avec ses chants tribaux scandés et ses guitares frénétiques, elle s'amenuise de titre en titre, tant le groupe paraît se répéter, bégayer. De plus, le groove mitraillé des Foals, qui clament haut et fort leur originalité absolue, évoque la collision des démentiels et speedés Fire Engines d'antan avec le funk blanc et syncopé d'A Certain Ratio. Des formations dont les rythmes et sonorités visionnaires sont, certes, désormais d'actualité. Mais aussi, du coup, plus vraiment avant-gardistes.
HC


Leur nom veut dire "poulains" mais leur musique dit plutôt "pur-sangs indomptables". On ignore quel accès de folie a poussé ces cinq Anglais à baptiser leur groupe "bébé cheval" tant leurs morceaux galopent, bride lâchée, avec autant de puissance qu’un étalon. Cette impression déstabilisante et fascinante ne fait que commencer. La première chanson s’intitule The French Open, soit Le Tournoi de Roland-Garros, et l’idée semble déjà un peu farfelue, comme si un groupe français décidait d’écrire Le Tournoi de Wimbledon. Une intro métallurgique laisse place à une rythmique en zig zag, des cuivres, une basse menaçante, et des petites touches de guitare vives et fulgurantes, la marque de fabrique de Foals. Chaque musicien semble jouer dans une pièce différente. Des cris plaintifs en écho bégaient un langage impénétrable. On apprend par la suite qu’il s’agit d’un franglais détournant une pub pour Lacoste avec le tennisman Andy Roddick. Effectivement, en tendant l’oreille on entend une phrase répétée et fragmentée : "Un peu d’air sur la terre". Foals dévoile ainsi son ambition et son audace, incarnées par leur leader, Yannis Philippakis. Du haut de ses 22 ans, ce chanteur d’origine grecque fut l’une des personnalités les plus passionnantes de 2008 pour sa gouaille enflammée, ses idées bouillonnantes, sa dévotion implacable pour la musique. Aussi turbulent que sensible, il diffuse ses visions abracadabrantes tout au long d’Antidotes. Ce n’est pas un hasard si le groupe s’est formé à Oxford, ville qui a vu grandir les expérimentations insatiables de Radiohead. Pourtant, on rapprocherait davantage Foals d’un autre Oxonien, Lewis Carroll, mathématicien passionné de la logique et brillant auteur du nonsense. Car l’architecture tortueuse d’Antidotes, composé de couches multiples à la fois hypnotiques et euphorisantes, fait souvent penser que l’on se trouve de l’autre côté du miroir, sans aucune notion de modération, ni de sagesse. On ne peut pas non plus négliger l’influence de David Sitek à la production, qui s’est également distingué cette année en orchestrant l’album de Scarlett Johansson. Musicien sans concession au sein de TV On The Radio, il est probablement aussi intransigeant que Yannis Philippakis dans ce qu’il veut et ne veut pas obtenir. Enregistré à New York, Antidotes révèle un son à la fois cristallin et ténébreux. Impossible de prévoir ce que les secondes qui suivent vont contenir. La tension est palpable, notamment sur les singles frénétiques Cassius et Balloons qui préfèrent de loin l’implosion à l’explosion, le seul moyen d’exprimer ce choc violent entre spleen émotif et joie ardente. Avec ce contraste étrange, Foals sort la tête haute de la masse des groupes de rock anglais et réussit par la même occasion son pari initial, apporter un peu d’air sur la terre. (Inrocks)
Ne pas s’énerver. Recouvrer ses esprits. Et tout recommencer. Il doit y avoir une explication rationnelle. Plusieurs, peut-être. Il n’empêche. On reprend. Origine ? Oxford. Ville étudiante et a priori immuable, baignée dans une atmosphère voilée de fin de siècle. De XIXe siècle, plus exactement. Une cité dont le nom clignote rarement sur la mappe monde imaginaire de la pop moderne. Une alerte tous les dix, quinze ans. Et encore. La dernière fois, le groupe s’appelait Radiohead. Mais c’était une autre histoire. Tant la formation menée par Thom Yorke avait failli sombrer corps et âme à l’aune d’un premier album d’une terrifiante banalité. La suite, certes, aura étayé la thèse qui veut qu’il ne faut pas aller trop vite en besogne. Sauf, bien évidemment, lorsqu’il est question de coup de foudre. Ce genre de sensations qu’on ressent parfois, pas souvent – surtout en musique, par les temps qui courent –, et que l’on prend comme un uppercut en plein ventre. Retrouver son souffle. Et foncer tête baissée. Ils sont cinq. La vingtaine à peine entamée. Désespérant. Le benjamin – le chanteur et leader Yannis Philippakis – affiche vingt printemps. L’aîné, le bassiste Walter Gervers, trois de plus. Entre eux, il y a le longiligne guitariste Jimmy Smith, le batteur Jack Bevan et le clavier Edwin Congreave. Bien sûr, on pourrait toujours se dire que ces garçons ont grandi plus vite que leurs congénères parce que Yannis et Jack, encore adolescents, évoluaient déjà ensemble au sein de The Edmund Fitzgerald, trio d’obédience post-hardcore, placé sous tutelle Sonic Youth et Fugazi. On pourrait… Mais cette idée semble tellement dérisoire quand on se plonge dans Antidotes, qu’on préfère en rigoler. Car, des premiers albums de ce calibre, on n’en croise pas tous les jours. À brûle-pourpoint, on pourrait citer Murmur de REM, Psychocandy de Jesus And Mary Chain, Frigid Stars de Codeine ou Hex de Bark Psychosis… Oui, il y en a peu, des disques sachant allier à ce point l’urgence du moment présent – ici, on joue comme si sa vie en dépendait, comme si on prenait soudainement conscience que demain pourrait ne pas exister – et un sens de l’histoire. Parce qu’il ne faut pas se leurrer non plus. Foals n’est pas un groupe vierge. Les référents se bousculent même parfois au portillon. Mais ils ont été à ce point assimilés et digérés qu’il finit par régner une étrange sensation de nouveauté. Doublée d’une désarmante prédisposition à piéger l’auditeur. Lui donner de faux indices pour mieux le perdre dans ce vaste jeu de piste musical. On croit être à New York, nous voilà à Salford. On pense arriver à Chicago, mais on a échoué à Berlin. Bristol, 1980 ? Non : Washington 1992. Décalages horaires et rythmes concassés, accords affolés et cuivres mordorés. The French Open commence comme une sorte de reggae emprunté, avant de rebondir comme l’une de ces balles en plastique multicolore, propulsées par des guitares saccadées aux cordes élastiques. Pourquoi pas : furtivement, on pense aux Talking Heads d’après leur rencontre avec Brian Eno, avant de se dire que ce genre de numéro d’équilibriste n’aurait dû se produire que Once In A Lifetime. Mais Yannis et ses hommes n’ont aucune notion de vertige et sont déjà prêts à en découdre avec Cassius, le temps d’une cavalcade haletante qui finit par transcender l’auditeur jusqu’à ce qu’il ne sache plus où donner de la tête. Ni des jambes. Alors, il est temps de reprendre son souffle, après avoir laissé le champs de Battles derrière soi. Percussions métalliques et claviers immatériels. Red Sock Pugie intrigue, puis inquiète. Avant d’attraper, l’espace de quelques secondes (quelques minutes ?), le témoin pour une course un peu folle. Gouttes de sueur au front, sourire béat accroché aux lèvres. Dès lors, Olympic Airwaves décolle en douceur et convoque l’obscurité de la cold wave et la luminosité d’une mélodie terrifiante d’efficacité, un peu comme s’il avait fallu réduire, une bonne fois pour toutes, les efforts de The Rapture au néant. Le sort en est jeté. Mais il reste encore à lâcher les Balloons, portés par un saxophone à l’impeccable sobriété, avant que Heavy Water ne se dévoile en ressacs rythmiques, s’échouant finalement sur les côtes d’un funk chauffé à blanc. Les boucles répétitives de Two Steps Twice, les notes angéliques échappées de la Durutti Column de Big Big Love (Fig. 2), habillant avec élégance la voix toujours intime d’un Philippakis séducteur, cèdent la place à Tron, point d’orgue final et mantra baigné dans le romantisme noir d’une electro fascinante, annonciateur d’un avenir conquérant. Bien sûr, il est probable que la tête pensante cathodique de Tv On The Radio, Dave Sitek, assis dans son fauteuil de producteur, soit venue mettre un peu d’ordre dans la débauche d’idées de ces effrontés, tout comme ses copains d’Antibalas sont loin d’être étrangers aux effluves afrobeat à faire pâlir de jalousie d’autres jouvenceaux, qui préféreront peut-être prolonger leur (Vampire) Weekend. Mais il reste l’essentiel, cette écriture vénéneuse et impérieuse, cet aplomb et ces certitudes dont seuls sont animés ceux qui croient réellement en leur avenir. Car on a beau essayer, il est déjà impossible de dompter les Foals. Des jeunes gens qui n’ont sans doute pas choisi le titre de leur premier album par hasard, tant il sonne comme un manifeste. Et tant il s’avère d’une rare pertinence. Car telle est la musique de ces gamins : un Antidote() contre la morosité et la médiocrité ambiantes, un Antidote() contre tous ces gr(o)upettos fluos qui se croient arrivés parce qu’ils ont su faire danser les gens un été. Un Antidote() qui pourrait même accomplir un miracle : soigner cette fièvre de cheval qui terrasse l’industrie du disque depuis plusieurs années. (Magic)
Et une sensation de l’année, une. Sur la foi d’une poignée de singles impressionnants, les Britanniques Foals se sont placés à l’épicentre d’une belle vague dont les remous se sont propagés bien au-delà d’Oxford (ville natale de ces jeunots). Pour être précis, les secousses ont fait trembler jusqu’à New York, où les oreilles averties de David Sitek, la tête chercheuse de TV On The Radio, ont frémi d’enthousiasme. C’est donc sous la houlette de Sitek que le groupe est entré en studio pour enregistrer ces onze "Antidotes".

Déjà très sûrs d’eux, les Foals se sont même payé le luxe de congédier Sitek pour le mixage final de l’album, les premières propositions de ce dernier n’ayant pas eu l’heur de leur convenir. Ajoutez à cela que ces fortes têtes ont préféré ne pas faire figurer ici leurs renversants singles Hummer et Mathletics… Rien à dire : pour un premier essai, ça vous pose un groupe. Au point qu’"Antidotes" se place directement parmi les disques les plus attendus de ce début d’année.La formule, indéniablement, est d’une efficacité redoutable : cavalcades et syncopes rythmiques, entrelacs rigoureux de guitares (avec usage immodéré des harmoniques et des cordes étouffées), voix martiales, quelques cuivres sauvages pour accentuer la sensualité brute des lignes de basse... Le titre de leur troisième single, Mathletics, était bien la meilleure définition de cette mixture à la fois intellectuelle et physique, quasi-tribale. En vérité, on s’étonne que ce mélange ambitieux ait fait naître autant d’espoirs, bien au-delà du public réduit que ce type de math-rock mâtiné de post-punk passionne. La grande performance de Foals est de rendre accessible cette musique complexe et finalement très théorique. Quelques amples refrains (Red Socks Pugie, Olympic Airways), et des mélodies renversante sont là pour prouver qu’il y a bien des chansons derrière ces équations. On pourra toujours renâcler : "Antidotes" n’est pas parfait. Il faut, en particulier, reconnaître que s’il ne contient pas de titre faible, on y trouve en revanche beaucoup de redites. Mais reconnaissons l’évidence : ces Anglais ont, quoi qu’on en dise, une classe folle, et on peinera à trouver beaucoup d’albums plus stimulants en ce début d’année. (indiepoprock)

bisca
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le 27 mars 2022

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