Il est des albums qui ne s’imposent pas par l’évidence, mais par la persistance. Bend Beyond, sorti en 2012 par Woods, fait partie de ceux-là. En lui attribuant un 8/10, je reconnais une œuvre aboutie, immersive et sincère — sans la considérer comme un sommet inégalé du genre. Si le disque n’a pas l’ambition de bouleverser la folk psychédélique, il en explore néanmoins les contours avec une élégance discrète mais assurée.
Avec cet album, Woods fait évoluer sa palette sonore sans trahir son identité. Le groupe délaisse en partie les textures brutes et lo-fi de ses débuts au profit d’une production plus limpide, plus équilibrée. Dès le morceau-titre Bend Beyond, une tension douce se déploie : les guitares se mêlent en un tissu vaporeux, tandis que la voix haut perchée de Jeremy Earl agit comme un fil conducteur éthéré.
Ce raffinement n’ôte rien au charme DIY du groupe — au contraire, il met en lumière une écriture plus précise, un sens de la composition plus affûté.
L’un des atouts majeurs de l’album réside dans sa cohérence rythmique et émotionnelle. Le tracklisting est pensé comme un voyage fluide, alternant avec justesse les morceaux solaires et les moments d’introspection.
À l’évidence pop de Cali in a Cup — véritable pépite mélodique à la légèreté enivrante — succèdent des titres comme Find Them Empty ou Something Surreal, plus contemplatifs, presque méditatifs. Cette alternance crée une respiration continue dans l’écoute, et donne à l’album une vraie narration émotionnelle.
Mon appréciation — forte mais mesurée — vient aussi de la légère uniformité qui s’installe parfois sur la deuxième moitié de l’album. Certains morceaux s’effacent un peu trop facilement après écoute, manquant de la singularité mélodique qui rend d’autres titres si mémorables.
Mais ces zones d’ombre, loin d’amoindrir la qualité de l’ensemble, participent à son authenticité. Bend Beyond ne cherche jamais à impressionner, mais à accompagner, à habiter doucement le quotidien. Et c’est peut-être là qu’il frappe juste : dans sa constance sensible, dans cette forme de beauté floue qui préfère la suggestion à la démonstration.
Bend Beyond est un disque qui demande un certain lâcher-prise. Il ne s’impose pas dès la première écoute, mais dévoile ses nuances à mesure qu’on s’y abandonne. C’est un album de textures, d’atmosphères, presque plus que de mélodies. Et pourtant, il parvient à laisser une empreinte durable, comme un souvenir diffus mais persistant.
En somme, s’il ne révolutionne pas son genre, Bend Beyond le prolonge avec finesse. Il incarne cette folk psychédélique à la fois onirique et ancrée, et confirme le talent singulier de Woods pour créer des mondes à la fois flous et familiers.