Je ne vais une fois de plus pas me faire que des amis. Hans Zimmer, compositeur-roi des blockbusters contemporains, jouit d’une admiration telle qu’il semble aujourd’hui à l’abri de toute remise en question. Pourtant, la bande originale de Blade Runner 2049, écrite avec Benjamin Wallfisch, illustre de façon saisissante les limites d’une approche sonore qui confond souvent puissance et profondeur. Prendre la suite de Vangelis était un défi immense : son travail sur le film original relevait de l’alchimie pure — synthétiseurs analogiques mêlés à une sensibilité mélodique néo-romantique, création d’un univers à la fois futuriste et émotionnellement chargé. Zimmer et Wallfisch, eux, semblent avoir choisi la voie de la révérence technique et du gigantisme sonore, au détriment d’une véritable pensée musicale.


Dès les premières minutes du score, le ton est donné : nappes ultra-basses, infra-graves omniprésents, textures saturées de distorsion analogique. Tout est fait pour imposer un volume, une masse, une intensité brute. Or cette emphase sonore finit par étouffer toute subtilité. Là où Vangelis construisait des motifs lancinants et mystérieux — presque debussyens par moments — Zimmer les remplace par des clusters harmoniques étouffés, des drones persistants, et des vagues de bruits conçus plus comme une expérience physique que comme un discours musical. Ce n’est plus une musique qui raconte, c’est une architecture sonore qui assourdit.


Il ne s’agit pas ici de nier le savoir-faire du duo : le design sonore est impressionnant, et la bande-son se déploie avec une cohérence esthétique indéniable. Mais cette cohérence tourne vite à l’uniformité. L’absence de thématisme affirmé, la raréfaction mélodique, le refus presque systématique de la modulation ou de la résolution harmonique conduisent à une monotonie pesante. On navigue constamment dans des ambiances opaques, lourdes, privées d’oxygène musical. Le film, pourtant riche en nuances visuelles, en silences, en espaces mentaux, aurait mérité une bande-son plus nuancée, moins démonstrative, moins uniformément oppressante.


Au lieu de prolonger la poésie synthétique de Vangelis, Zimmer semble la dissoudre dans un bruitisme lourd, presque post-apocalyptique, comme s’il s’agissait de transformer Blade Runner en une suite de Dunkirk. Le silence, l’attente, le vide, la lumière — autant d’éléments que la musique aurait pu explorer subtilement — sont ici remplacés par des déferlements sonores sans ligne, sans mémoire, sans véritable identité. Il reste bien quelques hommages ponctuels (les fameuses quatre notes descendantes de Vangelis réapparaissent ici ou là), mais ils sonnent davantage comme des balises nostalgiques que comme des éléments intégrés à une narration musicale cohérente.


Au fond, Blade Runner 2049 révèle cruellement le paradoxe de Zimmer : à force de privilégier l’impact au détriment de la structure, l’émotion brute au détriment de l’écriture, il vide peu à peu la musique de film de sa substance. Il ne compose plus, il imprime un poids sonore. Mais ce poids, aussi spectaculaire soit-il, finit par ne plus rien porter. Dans ce monde de machines et de réplicants, Zimmer aurait pu offrir une musique de l’âme ; il choisit une musique de la masse. Et c’est bien là que le film perd une part de son humanité.

Kelemvor
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le 19 juil. 2025

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