Django Django n’est pas de ces albums qui s’offrent d’emblée. Derrière ses rythmes effervescents, ses sonorités kaléidoscopiques et ses arrangements psychédéliques, il cache un travail plus discret, mais tout aussi fascinant : celui de l’écriture. Ce premier album éponyme, sorti en 2012, m’a séduit non seulement par son énergie créative, mais surtout par la manière dont il joue avec les mots, les bribes de sens, les images fuyantes – comme si les paroles étaient faites pour être devinées plus que comprises. Une approche que j’ai trouvée aussi déroutante que captivante.
On pourrait croire que les textes de Django Django ne cherchent pas à "dire" quelque chose au sens traditionnel. Et pourtant, ils évoquent, suggèrent, dessinent des atmosphères mentales aussi riches que les textures sonores qui les accompagnent. Dans Default, par exemple, les répétitions du mot “default” agissent presque comme un mantra : “We just lit the fire / And now you want to put it out.” Une phrase simple, mais qui contient déjà tout un monde – celui d’un changement de cap, d’une tension soudaine. On est plus dans l’allusion que dans la narration, et c’est ce qui rend l’écoute si ouverte.
Ce que j’ai apprécié dans cette écriture, c’est sa manière de s’inscrire en creux. Là où certains groupes indie optent pour des textes bavards ou sur-signifiants, Django Django préfère les images brèves, les ellipses, les répétitions à valeur rythmique. Waveforms en est un bel exemple : les paroles y sont presque secondaires, et pourtant elles résonnent longtemps – "touching down, hit the ground, waveforms…" Des mots qui évoquent plus qu’ils n’expliquent, et qui laissent une grande place à l’interprétation personnelle.
On sent que les paroles ont été pensées comme des éléments d’un tout, jamais déconnectées de la musique. Chaque phrase, chaque mot, vient renforcer l’atmosphère globale du morceau. Dans Love's Dart, les images d’amour sont distordues, comme filtrées à travers une radio intergalactique : "She’s got a love’s dart / And it’s piercing through my heart." Ici encore, le texte semble vouloir épouser la structure sonore, en créant une cohérence qui dépasse la seule compréhension littérale.
Certains pourraient reprocher à l’album un manque de profondeur textuelle. Mais à mon sens, c’est justement cette retenue qui fait sa force. Django Django n’essaie pas de livrer un message clair ou un discours : il préfère suggérer un état, un ressenti. Il y a dans cette écriture une honnêteté qui passe par l’abstraction, et c’est une posture que je trouve audacieuse – surtout pour un premier album.
Avec Django Django, le groupe a livré un projet aussi dense qu’éthéré. Sa richesse sonore est indéniable, mais c’est dans ses paroles que se cache, à mon avis, une part essentielle de son identité : une poésie de l’esquive, du rythme, de l’image fragmentée. Mon 8/10 reflète cette admiration pour un travail qui ose l’ambiguïté sans perdre en cohérence. Un album qui, loin de tout bavardage, nous parle à sa façon – en demi-teinte, en lumière tamisée, mais avec une intensité bien réelle.