In Rainbows
7.8
In Rainbows

Album de Radiohead (2007)

Immobiles et terrorisés comme des lapins pris dans les phares d’une voiture, Thom Yorke et les siens laissaient filtrer depuis plus de deux ans des informations peu encourageantes sur l’enregistrement de leur septième album. Sans label et probablement grisés de l’être, Radiohead semblait prisonnier d’une pression que le groupe s’imposait à lui-même, pris dans l’étau du toujours plus, toujours différent, toujours nouveau et radical. Trop de perfectionnisme et de remue-méninges pour ce qui n’est après tout qu’un disque. On ne sait pas ce qui s’est passé, comment ces verrous ont sauté, mais In Rainbows ne porte aucune trace de tout cela. Rien ici ne sent la sueur ou le souci de trop bien faire qui entoure parfois les chansons du groupe d’une couche de glace réfrigérante. L’album fait littéralement corps avec son titre : des chansons en arcs-en-ciel, éclairées par un soleil d’après orage. In Rainbows, disque lumineux, œuvre magnifique d’un groupe qui a eu l’humilité de comprendre que la simplicité pouvait aussi être neuve et radicale. Après le bouillonnement de Hail To The Thief (2003), ces dix chansons déroulent leurs beautés avec une cohérence et une fluidité stupéfiantes. Douze ans de recherches sonores s’épanouissent dans l’épure de House Of Cards ou Nude qui emplissent l’espace avec une grande économie de moyens et un incroyable sens du détail, de la note ou du son qui tombent juste. En musiciens accomplis, les cinq d’Oxford retranchent plutôt que d’ajouter. Portées par une rythmique serrée, 15 Steps, Bodysnatchers et Jigsaw Falling Into Place conjuguent précision, hargne et générosité mélodique. C’est bien cela qui séduit le plus ici, cette volonté de chérir à tout prix des mélodies qui comptent parmi les plus puissantes jamais composées par le groupe. Pas question de les parasiter, pas de raison d’en avoir honte. Pour Faust Arp, Thom Yorke pose sa voix sur les arpèges éclatants d’une simple guitare acoustique et des arrangements de cordes somptueux qui évoquent The Beatles ou Nick Drake. Weird Fishes/Arpeggi est une merveille au déroulé lancinant, à la fois répétitive et construite en un crescendo à tomber à la renverse. Largement dominé par le jeu de guitare de Johnny Greenwood, un grand homme qui fait flotter les notes en apesanteur et les assemble en petites guirlandes lumineuses, In Rainbows est peut-être tout simplement le plus beau disque de Radiohead. Les histoires et légendes populaires ont toujours assuré qu’au pied de l’arc-en-ciel se trouvait un pot rempli de pièces d’or. Les histoires avaient tout faux, il s’agissait en réalité de chansons. (Magic)


Libéré. Totalement, complètement libéré. Plus libre encore que sur son précédent album, le brillant mais (un peu) décousu Hail to the thief - en 2003. Emancipé, donc, et ravi de l'être : tel est le Radiohead qui s'avance jusqu'à nous, jusqu'à vous, par voies numériques. Séparé de son ancienne maison de disques, le groupe anglais vend ses dix nouvelles chansons en direct, via Internet (1). Exemption contractuelle doublée d'une réjouissante impétuosité artistique ! Disons-le sans tarder : ce In rainbows aux atours libertaires est une oeuvre rock destinée à rester dans l'histoire. Un vrai grand disque, avec mélodies pénétrantes (laquelle citer ? Il y en a tant... celle de l'aquatique Nude, de l'épileptique Bodysnatchers ?) et échafaudages instrumentaux particulièrement bien pensés et maîtrisés - on notera au passage que la construction classique couplet-refrain n'est même plus une option pour Yorke et ses amis maîtres bâtisseurs...Dix chansons donc, et pas un seul temps mort. A la place, de la fièvre, de la fougue, des tourneries terriblement entêtantes, un piano Rhodes omniprésent et féroce, et des guitares plus précises et acides que jamais (mention spéciale à Jonny Green­wood et Ed O'Brien, géniaux six-cordistes des temps nouveaux). Il y a de la joie dans cette façon de mettre au jour une musique qui ne l'est pas forcément (joyeuse). De la joie et un souffle collectif sidérant, de la première à la dernière note.Et pourtant, In rainbows, sans doute plus que les six albums précédents, semble être un disque de, par et avec Thom Yorke. Son grand oeuvre, son éden. Mais tout le groupe pousse et vibre avec lui, donnant à ces chansons tourmentées une cohérence d'ensemble et une fluidité rares pour un clan hier plutôt porté sur les collages risqués - et parfois miné par les frictions souterraines. Septième disque, et peut-être bien le meilleur, le plus homogène de tous : honnêtement, on n'en espérait pas tant.(Télérama)
Radiohead aura mis longtemps avant de trouver un successeur à Hail to the Thief qui contenait beaucoup d’éléments politiques, en réaction à Bush et la politique américaine. L’attente est sans doute comparable avec le temps écoulé entre OK Computer (1997) et Kid A (2000). A l’époque aussi, le groupe avait pris son temps et beaucoup travaillé en studio, pour tenter de renouveler son inspiration, de trouver des sons nouveaux, de composer différemment. C’est un peu l’impression qui ressort de In Rainbows. Même si quelques morceaux sont écrits depuis longtemps : les fans les plus assidus en connaissaient déjà certains, mais dans des versions live qui n’ont pas grand-chose à voir avec la luxuriance et la volupté du son de In Rainbows. Car, après deux morceaux aux airs faussement énervés, qui ouvrent l’album à la manière de coups de tonnerre successifs, le reste du disque est d’un remarquable velouté, témoignant de beaux moments d’un calme somptueux, emplis de réverbérations enveloppantes et menées par quelques-uns des textes les plus beaux de Thom Yorke. Qui fait de mieux en mieux voisiner les écrits les plus cryptiques (déchaînements à prévoir sur les forums dédiés à Radiohead) et les descriptions les plus frontales et directes, évoquant un quotidien décrit avec soin. Un quotidien qui apparaît à travers les yeux de Thom Yorke comme excessivement fragile.In Rainbows semble ainsi porté par une vision désabusée de la société contemporaine, mais aussi par un fort désir de changer le monde, de ne pas se laisser atrophier. Les plus grincheux, qui n’ont jamais rien compris à ce groupe, diront que Radiohead prouve une fois encore qu’il n’est qu’un groupe pour adolescents et étudiants (attardés). Les autres comprendront qu’au contraire, c’est bien ce groupe qui pousse tout le monde vers le haut – à commencer par son propre public. L’idée de donner des morceaux sans pochette est aussi un vrai bouillon de culture puisque des fans se sont illico mis en tête de créer leur propre pochette et en inondent les blogs. Plus qu’un atelier de travaux pratiques, Radiohead a réussi un coup que l’on pensait impossible,  vu la manière dont les gens téléchargent, accumulant des morceaux jamais écoutés faute de temps : rendre au public son rôle d’acteur au cœur de la musique et faire de la sortie d’un album un moment à nouveau excitant, énervant, dynamisant.(Inrocks)
En situation classique, les groupes finissent un disque puis patientent des mois sans que rien ne se passe. C’est très frustrant. Là, il a suffi d’appuyer sur la touche enter de l’ordinateur et l’album est sorti. Et voilà. A chacun de décider si ça lui plaît ou non. Et puis pour nous, ça évite les réunions de business, l’attente, les clips... Après mon album solo, il m’a fallu du temps pour me réhabituer à bosser avec ces quatre autres personnes... J’ai appris deux choses très simples en bossant sur “The Eraser”, choses qu’on a appliquées sur celui-ci. Premièrement : se concentrer sur un nombre restreint de titres et les terminer. Deuxièmement : laisser la voix au centre du projet. Toutes les nouvelles chansons qu’on avait se trouvent là. Les dix titres de l’album et les titres du disque bonus qui n’allaient pas dans l’album (six vraies chansons et deux interludes synthétiques — NdlR). “In Rainbows” repose beaucoup sur la technique du copier-coller. On a beaucoup joué en direct, enregistré ainsi des tas de parties, ce qui a permis de conserver l’excitation. L’acoustique de la pièce a beaucoup compté. Nigel (Godrich, producteur du groupe depuis dix ans) a placé des micros un peu partout dans la pièce. Il était là pour nous aider à choisir les bouts satisfaisants, n’hésitant pas à nous signifier ce qui était réellement merdique. Je suis très piano depuis quelque temps. Ça s’entend, je crois. Je suis toujours assez blasé avec les clichés guitaristiques, mais j’ai tout de même cherché de nouveaux trucs avec l’instrument. J’ai trouvé de nouvelles façons de m’accorder sur le site de Thurston Moore de Sonic Youth par exemple. Pour une fois, on a essayé d’obtenir des sons propres, naturels, plutôt que de systématiquement tout bidouiller avec des effets. Un morceau comme “Weird Fishes” sonne très dépouillé, austère. Ce fut un enfer d’arriver à ce résultat. “Last Flowers” a été enregistrée à l’époque des séances de mon album solo. Nigel n’en pouvait plus de tous ces sons électroniques. Celle-ci, c’est un piano et deux guitares, point. Nous aurions pu ajouter une fin grandiloquente comme on sait si bien les faire, mais on à décidé de ne plus tomber dans ce panneau...On n’a pas réussi à tout imbriquer. Trouver dix titres qui collaient ensemble a été un vrai cauchemar. Un disque doit faire quarante, quarante-cinq minutes, pas davantage. C’est comme ça que j’aime la musique. On adore certains des titres du CD bonus : “Down Is The New Up” est géniale, très heavy, une des chansons les plus excitantes qu’on n’ait jamais enregistrées, sauf qu’elle ne collait pas avec le reste. L’avant-dernière chanson, “Jigsaw Falling Into Place” est assez agressive et a bien failli ne pas se retrouver non plus sur le projet final. On n’aurait pas ainsi lâché ces dix titres sur Internet s’ils ne nous avaient pas semblé valables. Radiohead n’existerait d’ailleurs sans doute plus si nous n’étions pas contents de l’album. Notre manager n’arrête pas de nous dire qu’en termes de poker, nous avons une très bonne main avec ce disque. Genre un roi et un as. C’est son métier de nous dire ça... Personnellement je ne sais plus. Je ne peux plus écouter ce disque. ( Rock n folk)
Après quelques années de silence, Radiohead vient de sérieusement secouer l'industrie du disque. Quel coup de pied dans la fourmilière ! Si l'on a déjà beaucoup glosé sur la manière dont le groupe distribue "In Rainbows" en laissant les internautes libres de fixer eux-mêmes le prix de la transaction, il est sans doute trop tôt pour mesurer pleinement les conséquences de cette petite révolution. Mais en tout cas, c'est un disque étrange que l'on écoute : pour le moment, on ne peut pas le tenir entre ses mains. C'est un disque un peu incomplet, aussi : dans quelques temps, les heureux acheteurs de "l'édition spéciale" découvriront huit titres inédits, ce qui changera sans doute un peu la donne.On entend dire, ici ou là, qu'"In Rainbows" est le meilleur album de Radiohead de tous les temps. Autant l'avouer d'entrée, pour le fan quasi obsessionnel que je suis, ce n'est pas tout à fait le cas. Certes, il s'agit d'un des meilleurs albums de l'année, et haut la main. Indiscutablement, c'est aussi une belle collection de chansons. Cependant, à mon sens, l'ensemble manque de véritable surprise. Et surtout, on ne retrouve pas de cette cohérence, ces correspondances, cette alchimie particulière entre les morceaux qui faisaient tout le charme des albums précédents. Chipotage ? C'est la faute de Radiohead, aussi, qui depuis "The Bends" nous a habitués à chaque fois à tellement de nouveauté et de remise en question !Pour ce nouvel opus, le groupe a choisi de mettre en sourdine son goût pour l'expérimentation. C'est la voix de Thom Yorke, remarquablement assurée, qui se retrouve en première ligne. Si la production est toujours aussi soignée et plus que jamais proche de la perfection, elle se fait ici plus discrète.Les dix titres d'"In Rainbows" sont d'une facture plus "traditionnelle". Ils sont dans l'ensemble plus calmes, comme étrangement apaisés, mais (cela va sans dire) toujours aussi profondément mélancoliques. D'ailleurs, de ce fait, certains en deviennent d'autant plus angoissants.Du coup, à la première écoute, les deux titres d'ouverture, les irréprochables et bouillonnants "15 Steps" (un vrai délice d'électro-jazz tordu) et "Bodysnatchers" (un rock sauvage construit autour d'un riff improbable et bouillonnant), jureraient presque avec le reste du disque ! Après ces deux morceaux solaires, en effet, le rythme ralentit, le ciel s'assombrit et la pluie se met à tomber. Avec "Nude", ballade magnifique (mais peut-être un rien languissante), on commence à voir véritablement apparaître l'arc-en-ciel. Après un "Weird Fishes – Arpeggi" enchanteur, incroyablement maîtrisé, et un "All I Need" ennuyeux, on retrouve le Radiohead des chansons douces et des guitares acoustiques sur le tortueux "Faust Arp". "Reckoner", agaçant avec sa réverb sur les cymbales à fond les ballons, est quant à lui une belle déception, heureusement compensée par un "House of Cards" bouleversant et magnétique. "Jigsaw Falling Into Place", l'une des constructions les plus ambitieuses de l'album, dynamise quelque peu la fin du disque. Mais au bout du compte, après un "Videotape" final famélique et bien gris, on se dit que, pour la première fois depuis longtemps, le groupe n'a pas franchement ajouté de nouvelle couleur à sa palette (déjà bien large, il est vrai).Disque-somme de chansons un peu glacées plutôt que bond en avant, "In Rainbows" est "seulement" un très bon disque. D'habitude, les albums de Radiohead sont excellents.(Popnews)
Il y a certainement plusieurs façons d'appréhender l'évolution de Radiohead, suivant l'album avec lequel on les a découverts. Mais pour tous ceux qui les connaissent depuis les touts débuts, difficile de ne pas noter l'évolution "cérébrale" prise depuis "Kid A", alors que les premiers albums du groupe étaient charnels et portés par une émotion directe et sans fard qui débordait de toutes parts et faisait leur force. Certes, les trois derniers albums étaient porteurs de très bons moments, de morceaux où l'on retrouvait cette émotion à fleur de peau, mais on restait globalement un peu sur notre faim, avec le sentiment que le groupe s'était construit une armure qu'il ne brisait plus que par instants. "In Rainbows" prend donc une allure de planche de salut, de "maintenant ou jamais", une décennie tout juste après "OK Computer".Et pour tout dire, le début de l'album nous remplit d'espoir, tant 15 Steps et surtout Bodysnatchers retrouvent une fibre organique sans délaisser les sonorités sophistiquées mises en place sur les derniers albums : ça fait du bien d'entendre les guitares enfler sous les coups de boutoir de la voix de Thom Yorke. Hélas, sans qu'on comprenne trop pourquoi de prime abord, le soufflet retombe tout de suite. Sur Nude, ballade placée trop tôt, quelque chose dérange : sur un registre dans lequel Radiohead nous prenait invariablement aux tripes auparavant, le groupe trousse ici un morceau qui sonne préfabriqué, qui cherche à étaler sa beauté de manière ostentatoire. La suite du disque ne rattrape pas complètement cette mauvaise impression. Les morceaux ne sont pas désagréables, mais semblent baigner dans une sorte de torpeur, rester à la surface des choses sans que le groupe cherche à se mettre à mal, à se torturer. Seul Reckoner sort un peu du lot : la voix de Thom Yorke prend ici des inflexions soul surprenantes, une vraie ambiance onirique et urbaine se dégage. Sur Jigsaw Falling Into Place, le groupe retrouve un peu d'urgence salutaire, mais de manière beaucoup trop brève, et on est déjà presque au bout de l'album..."In Rainbows" est un album qu'on peut facilement écouter d'une traite sans relever de fautes de goût rédhibitoires, Radiohead gardant un sens de la composition et de l'interprétation qui lui assurent d'éviter le très mauvais. Mais "Kid A", "Amnesiac" et "Hail To The Thief" donnaient l'impression que le groupe cherchait, même s'il ne faisait pas mouche à chaque fois ; alors qu'il émane de "In Rainbows" un sentiment de laisser faire, de refus de se sortir les tripes. Et ça, c'est l'auditeur qui en est la première victime, le procédé de commercialisation de cet album lui ayant déjà assuré sa légende.(indiepoprock)
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le 21 févr. 2022

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