Devendra Banhart, avec Mala, nous propose un voyage lo-fi aux allures de carnet de croquis sonore : imparfait, intime, et étrangement captivant. Un album qui ne cherche pas à séduire tout le monde — et c’est là à la fois sa force et sa limite.
Dès les premières notes, on comprend que Banhart continue de creuser le sillon d’une folk bricolée et psychédélique, mais ici avec une production plus feutrée, presque chuchotée. L’album a une texture : on y entend les frottements, les silences, les hésitations. On se sent souvent comme dans une chambre d’ado tapissée de collages, entre une guitare désaccordée et un vieux magnétophone. Il y a une chaleur désuète dans les morceaux comme “Never Seen Such Good Things” ou “Mi Negrita”, où le minimalisme devient un vrai terrain de jeu.
Ce qui peut déranger dans Mala, c’est aussi ce qui fait son charme : une certaine nonchalance dans l’enchaînement des morceaux, un refus de la linéarité. L’album saute d’un style à l’autre avec une liberté presque enfantine — tantôt folk, tantôt synth-pop vintage, parfois même un clin d’œil à la bossa nova. Si certains morceaux s’effacent un peu trop vite (“Your Fine Petting Duck”, malgré son humour, reste une parenthèse dispensable), d’autres laissent une empreinte durable grâce à leur fragilité assumée.
La voix de Banhart — nasale, flottante, souvent murmurée — n’est pas là pour impressionner, mais pour nous inviter à entrer dans son univers. On ne peut pas parler de Mala sans évoquer cette façon presque pudique de livrer ses textes. On sent une vraie sincérité, parfois absurde, parfois touchante, toujours singulière. C’est une musique qui demande de s’arrêter, de prendre le temps, et ça, aujourd’hui, c’est presque un acte de résistance artistique.
Avec un peu plus d’ampleur ou de prises de risques, Mala aurait pu marquer davantage. Mais en l’état, il reste une œuvre modeste, douce, à l’image de son auteur : un artisan sonore plus qu’un architecte. Et si tout n’est pas mémorable, l’ensemble tient grâce à une cohérence d’atmosphère et un vrai sens de l’intime.
En résumé : Mala est un disque qui ne crie jamais mais qui, pour peu qu’on s’y attarde, murmure des choses étrangement belles. Un 7/10 mérité pour cette collection de chansons imparfaites, mais habitées. À écouter comme on feuillette un carnet griffonné à la main, sans tout comprendre, mais avec le sourire.