Le territoire de la Bande Originale de Film depuis l'avènement d'un certain Zimmer, autodidacte laborieux, dont la qualité première (et bien unique) étant, l'animal travaillant tout au clavier, de pouvoir produire à la tonne, est aujourd'hui clairement dévasté. Le fin teuton a imposé un style (de nappes sonores pompeuses et de percussions pas moins) qui définit aujourd'hui à lui seul le genre. Il est copié paresseusement, et pas que par lui-même. On ne s'embête plus. On est dans '"efficacité" tranquille. D'autant qu'un certain Tarantino a démontré brillamment à la même époque l'usage qu'on pouvait faire de la musique de catalogue. Ce qui permet de bien belles combinaisons.
La musique de film telle qu'elle fut, orchestrale et orchestrée par des gens ayant un sérieux bagage académique (à l'origine, ni plus ni moins que les élèves de grands maitres du classique), après un dernier soubresaut orchestré par le père Williams, s'est tue (reste quelques énergumènes, comme nos Desplat et Hetzel nationaux, élégants et parfois inspirés).
Au milieu de ce néant ou presque (Jon Brion dans un registre parfois plus modeste, tout de même de faire épisodiquement honneur au genre), a pointé un jour, presque vingt ans, un certain Jonny Greenwood, que personne n'attendait au delà de Radiohead, entamant une fructueuse collaboration avec le London Comptemporary Orchestra.
Où s'arrête le travail et le mérite de chacun: on ne sait pas. Mais il s'agit donc là d'investir, à défaut de la musique orchestrale commune, le champ âpre de la musique contemporaine et ses minimalismes. Herrmann avait pointé un interview que l'oreille du spectateur de cinéma était la plus disponible qui soit, pour peu qu'il y ait synergie à l'écran: c'est le moment parfait pour lui faire des propositions, pour élargir son champ auditif.
Pour notre bonheur, Jonny ne s'en prive pas.
Encore une fois, le résultat est ici à l'écran un bonheur total. Combiné avec une sélection de musiques exogènes, petits trésors exhumés, brochettes de scuds enchainés, le spectateurs a rarement l'occasion de ne pas être pénétré de toutes parts, enveloppé par ce flow acoustique total et cohérent. Aux plages radicales et parfois bruitistes se mêlent quelques plages mélodiques, dont un thème prégnant à la guitare classique. Des mouvements de cordes parfois fort aimables. Quelques plages électroniques hypnotiques. Festin.
Seul regret, pour les galettes respectives d'Inherent Vices et The Master, l'éditeur de la BO avait eut la belle idée d'intégrer ces morceaux exogènes qui habillent le film, ainsi que quelques dialogues parfois en amorce. Excipients heureux aux morceaux parfois rêches de Jonny qui conférait au tout un pouvoir pénétrant démultiplié.
Point ici; dommage.