Que n'a-t-on pas lu ou entendu sur l'extraordinaire pouvoir vocal de Beth Gibbons ? Pourtant, oubliez tout, à commencer par la discographie complète de Portishead. On en connaît d'ailleurs un, Geoff Barrow pour ne pas le nommer, qui risque de rester à quai. Car Gibbons, ici associée à l'ancien bassiste des séminaux Talk Talk, Paul Webb, alias Rustin'Man (pseudo choisi en référence à la première chanson achevée à quatre mains), magnifie et sublime le répertoire éploré qui l'a révélée au monde. D'ailleurs on peut se demander si son mutisme extra-artistique elle refuse toujours le service promotionnel, moins par provocation que par conviction ne lui permet pas de préserver sa voix, à la fois spectrale, intemporelle et céleste, improbablement située quelque part entre Nina Simone et Marianne Faithfull d'avant la combustion. Avec ce premier album solo en forme d'oraison funèbre, la chanteuse de Bristol amplifie encore un peu plus le halo mystérieux qui l'entoure depuis Dummy. Et Paul Webb confirme, si besoin était, son génie et sa singularité. Pour le citer à propos du choix de son pseudonyme, cet enregistrement "reflète le sentiment de déchéance que vous éprouvez quand les valeurs que vous défendez ont perdu toute pertinence parce que le monde s'intéresse à autre chose". Œuvre sublimement indicible par excellence, Out Of Season porte effectivement très bien son titre. À pleurer absolument.(Magic)


Retrouver la voix de Beth Gibbons presque à nu, embarquée par son ami Paul Webb (alias Rustin Man, ancien membre de Talk Talk) pour une traversée sinueuse le long des rivages assez désolés d’un jazz-folk acoustique, a quelque chose d’intimidant et de rare : c’est comme si la gemme noire qu’on tenait jusque-là serrée dans l’écrin précieux du son Portishead prenait à la lumière de cette atmosphère feutrée et intemporelle ("hors-saison"), de nouveaux éclats, bistres ou aveuglants, comme si elle revenait hanter nos mémoires affectives par ses colères et ses séductions secrètes, une voix pareille à elle-même, blessée, spectrale et ardente, une voix médiumnique traversée par l’esprit de ses modèles (Chet Baker sur "Show", Billie Holiday sur "Romance"), une voix ni vraiment puissante ni simplement belle, tour à tour nasale et rauque, caressante et revêche, masculine et féminine, un précipité de la voix humaine. Il est presque impossible d’en percer le mystère, de comprendre pourquoi tout paraît ici, dans un constant équilibre, à la fois joué et senti, pourquoi tous les personnages d’emprunts de la chanteuse semblent n’être qu’elle-même, que cette souffrance indélébile faite musique. Et l’on ne sait pas trop départir non plus, dans ce travail minutieux et humble, ce qui relève d’une authentique invention vocale ou instrumentale et ce qui vient d’une tradition sans mémoire, la tristesse de ces beautiful losers qui confient à quelque piano, au son boisé d’une guitare, les restes de leur âme. Outre les ombres tutélaires citées, le souffle de Nick Drake semble planer, présent à distance, sur les élégiaques "Sand River", "Spider Monkey" ou -est-ce un hasard ?- "Drake", à travers des métaphores empruntées au jeu de la nature et des saisons, des récits de solitude et de renoncement, ou l’équilibre des compositions. Mais partout aussi, dès les premiers morceaux, des formes autonomes se développent (folk song sur "Mysteries", faux standard jazz, "Tom the Model", vraie chanson classique sur "Show") et se mêlent progressivement les unes aux autres, par l’adjonction de chœurs doux et étranges, d’instruments aussi nombreux que discrets, par le caractère parfois errant, presque déconstruit, de la phrase vocale de Gibbons qui passe d’une tonalité à l’autre sans effort ("Resolve"). Alors que les recherches musicales de Portishead tendaient à ranimer l’esprit de la soul music dans des expérimentations sur le son, le beat, la profondeur des basses, les boucles électroniques, le parcours suivi par la chanteuse et son acolyte impeccable s’absente volontairement du monde du sound-writing pour s’enivrer de son propre classicisme et s’affirmer de plage en plage comme une des plus émouvantes contributions artistiques de l’année. Seul "Rustin Man", le dernier morceau, bricolage singulier et aussi éloigné qu’on puisse l’être de l’immaculée "Show", la plus belle chanson de Gibbons depuis "Glory Box", rappelle que nos deux rêveurs mélancoliques ont aussi les yeux grand ouverts sur le futur.(Popnews)
Déjà plus de 5 ans que Portishead a sorti son deuxième album… Autant dire que le groupe anglais sait se faire prier. Bizarrement, alors que l’attente touche à sa fin (on n'est plus à un an près), Beth Gibbons, la chanteuse si réservée du groupe, nous sort son premier disque solo en encas. Pour se différencier, la chanteuse a choisi de s’associer à Rustin Man, ex Talk Talk. Cette collaboration donne lieu à un fantastique disque de folk jazzy et langoureux. Loin des scratchs et des beats torturés de Geoff Barrow, Beth laisse planer sa voix et risque de hanter nos rêves pendant un bon bout de temps. Reste à Geoff d’assurer derrière... C’est qu’il ne faudrait pas que l’encas deviennent plus consistant que le plat de résistance !(liability)
bisca
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le 27 mars 2022

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