Si la formulation n'était pas si horripilante, on dirait de l'album de Noahand the Whale qu'il est « sympa ». On ne le fera donc pas. D'autant plus que si ses chansons folk-pop enjouées (entre le Herman Düne de Giant et Peter Björn and John, un doux accent anglais en prime) sont effectivement particulièrement plaisantes à l'oreille - du genre qu'on se met instantanément à siffloter bêtement -, elles sont loin d'être aussi joyeuses qu'elles le paraissent. La technique n'est pas nouvelle, mais Charlie Fink, le chanteur et compositeur de ce rafraîchissant quatuor britannique, sait y faire pour donner à sa détresse un petit air de fête.Prenez Shape of my heart, porté par son irrésistible gimmick de trombone et de trompette : on sourit comme lorsqu'on écoute du Jonathan Richman, alors que Fink y supplie son coeur meurtri, blessé, de le laisser tranquille, de ne surtout plus le laisser tomber amoureux. Idem pour 5 Years Time. Alors que la chanson a tout pour devenir le Young Folks de l'hiver - un vrai tube -, il n'y est question que d'un pauvre type qui sait bien, malgré son rêve qu'il en soit autrement, que son amour ne durera pas. On a envie de lui dire de profiter du moment sans penser à l'avenir. Comme nous, face à ce « chouette » disque, pas forcément appelé pour autant à passer à la postérité. H.C.
Avec un petit temps de retard sur le reste du monde civilisé, Noah And The Whale vient enfin répandre la bonne parole chez nous et partager son folk excentrique avec les fondus d’un romantisme orchestré façon pochette-surprise, qu’on croyait réservé à l’Amérique du grand Nord (Arcade Fire, The Hidden Cameras). Mais Charlie Fink et sa bande d’hurluberlus sont bien anglais.
Dans les limites du raisonnable toutefois : les regards portent outre-Atlantique et le groupe doit son nom à The Squid And The Whale (2005), l’excellent film (traduit en français par Les Berkman Se Séparent) de Noah Baumbach, par ailleurs scénariste de Wes Anderson, inspiration de clips très pince-sans-rire du quatuor. Il y a du sous-pull jaune dans l’air. Peaceful, The World Lays Me Down est probablement l’une des meilleures nouvelles à nous parvenir d’Angleterre depuis des années, collection vraiment bath de chansons libérées des sempiternelles influences rabâchées par les jeunes générations. Fraîcheur, générosité et imagination guident les pas des Londoniens à travers une petite forêt de mélodies irrésistibles. Avec une rythmique rudimentaire, des chœurs naïfs et des arpèges de guitare enroulés en motifs africains, 2 Atoms In A Molecule donne le ton. Le meilleur est à suivre, avec l’apparition du violon et d’un accordéon sur l’extraordinaire Jocasta, puis de cuivres radieux sur Shape Of My Heart, puissant hymne dépressif. Le chant rauque et tremblant de Charlie est appuyé par la douce voix de Laura Marling, parfait contrepoint tout en innocence juvénile. Give A Little Love porte encore un peu plus haut les couleurs de cette pop artisanale ébouriffée, avec chœurs élégiaques, piano et cordes romantiques, trompette et trombone pour une cavalcade épique. On siffle et tâte du triangle sur le déjà classique 5 Years Time, porté par un ukulélé et une flûte, où Fink s’approche dangereusement du bonheur. Pas de panique, c’est une rêverie (“In my mind, I’m having a pretty good time with you”). Et quand Noah And The Whale baisse la garde et lève le pied, c’est une tristesse plus rêche qui affleure sur des chansons lentes au lyrisme engourdi (Do What You Do, Hold My Hand As I’m Lowered). Avec un art consommé de la mise en forme, une perméabilité à la poésie, une mélancolie prégnante atténuée par une fantaisie et un humour doux-amers, Noah And The Whale peut légitimement revendiquer le cousinage avec les films de l’immense Wes Anderson. (Magic)
On se demande encore comment le Royaume-Uni, généralement empêtré dans la culture NME, a pu, tout l'été, porter aux nues l'euphorique "5 Years Time" des londoniens Noah and the Whale, avec sa rythmique bancale à la flûte, son ukulélé désaccordé, ses choristes voisines de palier et ses claps de comptoir. On se demande surtout si la prétendue crise du disque ne se résumerait finalement pas parfois à une fâcheuse question de circonstances : sortir cet album profondément estival au cœur de l'arrière-saison, trois mois après sa parution outre-Manche, semble en effet une aberration, un plan marketing pour le moins raté. Car oui, plan marketing il y a : "Peaceful, The World Lays Me Down" sent bien le coup monté des Majors tentant de s'approprier le marché indé en débauchant un groupe d'arrière-salle de pub et en le mettant au défi de conquérir les stades. On ne peut alors que se réjouir de la fraicheur intacte qu'ont su préserver Charlie Fink, leader de la bande, et la charmante Laura Marling (dont le premier album "Alas, I Cannot Swim", produit, par Fink, était en lice pour le Mercury Prize). Entre banjo et grosse caisse, xylophone et violon country, cette fanfare bancale auréolée d'une candeur de jeunes premiers réveille tantôt les souvenirs de "Promenade" aux côtés de Neil Hannon ("Jocasta"), tantôt les moments de répit de Eels ("Second Lover"). S'il plane sur ce disque une impression de joyeux dilettantisme, amplifiée par le chant à la fois chevrotant et charismatique de Fink, elle ne parvient pourtant pas à masquer totalement la stratégie et les rouages d'un disque particulièrement calculé, où rien ne semble être laissé au hasard. Derrière cette maîtrise technique parfois excessive se devinent en effet les limites du groupe, notamment sur "Do What You Do" et "Give a Little Love", où plane le risque d'un éventuel futur "effet Coldplay". Mais à quoi bon se soucier du devenir du groupe, quand "Peaceful, the World Lays Me Down" a tout d'une ode à l'éphémère et au moment présent ? "In five years time we could be walking 'round a zoo", chante Charlie Fink en sifflotant, et de poursuivre : "And there'll be sun, sun, sun !" Peut-on rêver de plus beau plan de carrière ?(Popnews)

bisca
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le 11 avr. 2022

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