Prince of Tears
7.2
Prince of Tears

Album de Baxter Dury (2017)

Lorsqu'on avait quitté Baxter Dury en 2014, c'était sous un soleil radieux. Un Baxter sortant de l'eau, grisonnant et hâlé, affichant une quarantaine raisonnée et triomphante, le tout sous l'oeil sévère d'un cygne et sa symbolique amoureuse.
C'était It's a Pleasure, album de la maturité, disque de l'accomplissement musical après l'inattendu - et superbe - Happy Soup, sa Pop minimaliste et sa Disco bringuebalante un peu craspec, qui avait lancé l'Anglais dans notre belle contrée de France.
It's a Pleasure venait couronner un parcours semé d'embûches pour le fils de feu Ian Dury. Deux premiers albums passés quasiment inaperçus, une éviction pure et simple de sa maison de disques pour cause de ventes en pente douce et quelques soucis personnels, avaient presque eu raison du début de carrière du gamin de Wingrave.


Mais quelque chose semble s'être cassé depuis 2014. Dury n'est plus le même homme. Fini la solarité discrète et classieuse de It's a Pleasure, c'est l'ombre qui va venir prendre place au dessus de la coiffe grisonnante du Britannique. C'est la pluie qui va venir rincer les traces de sel encore collées sur la peau du Baxter Dury de l'album précédent. La putain de douche froide !
Baxter vient de se faire lourder. C'est un putain de chagrin d'amour qui lui tombe sur les pompes, ce genre de claque qui te fait saigner du museau et t'assoit le cul par terre sans que tu comprennes ce qu'il s'est vraiment passé. Une violence émotionnelle qui peut détruire la pire des brutes et brûler sur son bûcher l'âme du plus raisonné des hommes.
Mais là où certains se brisent en plusieurs morceaux, s'enterrent pour le reste de leur vie sous des souvenirs stériles, des réminiscences nocives de fragments de bonheur passé, d'autres prennent leur malheur à bout de bras, se relève tant bien que mal et tente de l'exorciser comme ils le peuvent.
C'est la musique, l’exutoire de Baxter. C'est la création de son nouvel album son divan de psychiatre, c'est là qu'il va tout cracher, toute cette douleur, cette haine nouvelle de son ex, des femmes en général et de lui en particulier.
Après le plaisir de la rencontre, c'est une vallée de larmes qui inonde l'âme blessée de Baxter.
Après It's a Pleasure, Prince of Tears.


C'est donc la souffrance d'une séparation, la solitude comme nouvel horizon qui va hanter le bien nommé: Prince of Tears.
L'album comme un monde à part. Un monde nouveau. Sans elle.
Un voyage cauchemardesque dans la psyché malade d'un homme abandonné. La haine de soi, la haine des autres, une satire pleine de bile et de "Fuck You".
C'est un ringard quarantenaire, dragueur de boîte de nuit, faux voyou et vrai cynique, que Baxter crache à la gueule des futures madames Dury dans Miami et sa Disco tétanisante. Un nouveau Baxter, un nouveau personnage odieux et excessif comme pour s'isoler encore plus du monde et des femmes, finir complètement sa nouvelle et ténébreuse mue.
La nouvelle aventure "Duryenne" se pare dorénavant de fantasmes masochistes ou de souvenirs traumatiques ( Oi et son règlement de compte avec le garçon qui lui avait pété le pif adolescent ou la déchirante August et - dixit Baxter - son retour cruel sur " le mois le plus douloureux que j'aie jamais vécu, l'an passé".).
C'est la douleur, c'est la tristesse le moteur de Prince of Tears. Dury égrène son groove tordu, sa Pop viciée dans des chansonnettes courtes dont l'ajout d'un orchestre à cordes vient donner une amplitude inattendue à ces Pop Songs sèches et tristes comme la pluie.
les voix de Madelaine Hart et Rose Elinor Dougal viennent "démasculiniser" (dixit Baxter encore) l'album; les voix féminines viennent offrir un contrepoids salvateur au machisme outré, "grand-guignolesque", du Prince des Larmes.
Le Talk-over Gainsbourien et sensuel de Dury en perpétuelle résonance avec l'érotisme feutré des voix de Hart et Dougal, crée un point d'équilibre raffiné et fragile comme du cristal que vient ciseler d'une prod travaillée mais discrète l'élégant Ash Workman (Metronomy, Christine & The Queens ou Frànçois and The Atlas Mountains).


Baxter Dury livre un cinquième opus d'une impudeur presque dérangeante.
Un coeur brisé ramassé à la balayette et balancé sur un disque comme on balance des épluchures dans une poubelle.
Un bijou de Pop triste où à l'image du Baxter de la pochette, tentant de franchir cette immense dune de sable, allégorie brûlante de ce chagrin d'amour terrible, et n'y parvenant pas; on met nos pas dans les siens, on souffre avec lui, espérant une seule chose: Ne jamais parvenir au sommet de cette putain de dune.

Ze_Big_Nowhere
8
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le 1 nov. 2017

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Ze Big Nowhere

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