The Endless River
5.7
The Endless River

Album de Pink Floyd (2014)

Qu'attendre de chutes de studio, présentées comme telles, de sessions d'enregistrement d'un album sympathique mais pas exceptionnel sorti 20 ans auparavant ? A priori, pas grand-chose, trois fois rien. C'est dans cet état d'esprit que j'abordais l'écoute du dernier opus d'un groupe qui m'a accompagné toute ma vie et qui m'accompagnera jusqu'au bout du bout du chemin.

Il fut un temps où j'aurais calé mon cul dans un fauteuil, pochette en mains (même si celle-ci est étonnamment très moche), pour goûter fébrilement chaque note sortie des instruments de nos lascars. Mon état d'esprit et mon attente n'étant plus tout à fait les mêmes, je posais donc nonchalamment la rondelle dans la platine, avant de commencer à faire la cuisine, l'oreille distraite, et j'attaquais la chose, vaguement saucissonnée en quatre larges tranches, par la face 1. Passée l'amorce instrumentale légèrement planante attendue, je fus saisi d'un coup par l'attaque du second mouvement, "It's What We Do" ! Bon sang mais… mais… je croyais que c'étaient des chutes de studio de "Division Bell", pas de "Wish You Were Here" ! Ce morceau sonnant comme une sorte de post-scriptum à "Shine On You Crazy Diamond" plus qu'à toute autre chose, ma curiosité fut assez piquée pour aborder la suite dans de meilleures dispositions. Et je ne l'ai pas regretté !
Comme je ne m'étais renseigné sur rien, je ne savais pas que j'allais avoir droit à un album quasiment instrumental de bout en bout ! Quel bonheur de renouer ainsi avec ce qui fit la spécificité et la beauté de ce groupe dans la première moitié des années 70, ces longs passages où la musique seule l'emporte sur tout le reste. OK, ça sonne comme en 94 en s'inspirant de 74 et nous sommes en 2014, mais qu'importe…

L'ensemble est foutrement bien construit, le montage très inspiré. Je n'ai pas vu le temps passer (presqu'une heure, tout de même) et j'en ai même redemandé. J'ai relancé le disque testament. Car, oui, j'ai compris en cours d'écoute que c'était la fin du voyage. Déjà, comme au détour de certains titres de "The Division Bell", Pink Floyd revisite son passé en émaillant l'album de furtives notes et accords faisant écho à ses précédents albums. Pas tous, certes, mais quelques jalons ("A Saucerful of Secrets", "Meddle", "The Dark Side of the Moon", "Wish You Were Here", "The Wall", principalement). Nous sommes en terrain connu, mais avec de la matière neuve inespérée (enfin moi, du moins, je ne l'espérais plus). Alors, c'est sûr, ça ne révolutionne rien et ça peut même sentir le réchauffé. Mais du réchauffé comme ça, je suis content d'en avoir eu un rab !

L'album, qui est aussi un hommage au magnifique Richard Wright, à son art et à sa contribution au son floydien trop souvent sous-estimée en raison de l'histoire du groupe et de ses "leaders" successifs (Syd Barrett, Roger Waters, David Gilmour), boucle ainsi la boucle de belle manière et renoue avec la période la plus créative et la plus harmonieuse du groupe, celle où le Floyd était la fusion parfaite d'individualités à parts à peu près égales, d'"Atom Heart Mother" à "Wish You Were Here" (1970-1975), entre la flamboyante période psychédélique barrettienne et l'envahissante prise de pouvoir watersienne. Que demander de plus ?

Bref, contre toute attente, j'ai aimé cet émouvant et inespéré post-scriptum à l'œuvre floydienne. Et je sais gré aux rescapés Gilmour et Mason de n'avoir pas merdé la sortie de scène maintenant officielle de mon groupe fétiche, d'avoir su tirer dignement le rideau après avoir apposé un modeste The End en bas de page pour clore, dans l'apaisement, la tumultueuse aventure d'un périple musical riche en émotions.


P.S. : je ne peux mettre plus de 8, en regard des autres albums du groupe (mais c'est pour moi le meilleur album de Pink Floyd depuis "The Wall"), et parce qu'il y a quand même un morceau pas très bon (et que je zappe déjà presque systématiquement), "Anisina", avec son insupportable saxo estampillé 80's tout pourri. Et puis je n'aime pas la fin genre heroic-fantasy hollywoodienne du morceau "Calling".
Mais pour le reste, c'est du tout bon. Mes moments préférés : "It's What We Do" (c'est même mon morceau préféré de tout l'album !... Nostalgie, quand tu nous tiens…), "Sum", "Skins", "The Lost Art of Conversation", "On Noodle Street", "Autumn '68", "Eyes to Pearls", "Surfacing", "Louder Than Words" (si, si, j'aime bien cette chanson finale, au titre explicite, qui clôt honnêtement le voyage, l'aventure et l'histoire).

Créée

le 26 nov. 2014

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CharlieBrown

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