The Hawk Is Howling
7.3
The Hawk Is Howling

Album de Mogwai (2008)

Avec son bec acéré, comme prompt à nous crever les yeux tout crus, le faucon torve qui orne la pochette de The Hawk Is Howling ne trompe pas. Quelque chose de menaçant plane sur le septième album de Mogwai. Dès son prélude dérangé I’m Jim Morrison, I’m Dead, une bise polaire tapie sous un piano ne demande qu’à entrer en collision avec une guitare pour un bel orage électrique.
On est bien loin des dilatations sereines de Zidane: A 21st Century Portrait – sublime BO ambient du film de l’artiste Douglas Gordon sur l’icône footballistique qu’ont composée les post-rockeurs de Glasgow en 2006. C’est le diable au corps qu’ils déclencheront bientôt un cyclone sur Batcat. La batterie cogne si fort qu’elle déterre les morts, pendant que des riffs mauvais tronçonnent les tympans. A aucun moment pourtant, parmi ce dédale instrumental, on ne perd de vue la trame mélodique.
Voilà tout le génie du groupe depuis sa création au milieu des années 90 : transcender le bruit en harmonies et offrir une relève fascinante à des siècles de musique symphonique. Il y a bien quelques trêves… Des mélodies alanguies de Local Authority aux rêveries enluminées de Kings Meadow, les cordes, soudain, se cristallisent et les baguettes se feutrent de velours pour inviter aux songes dans les contrées désertes de Calexico. Mais ce n’est qu’une illusion éphémère. Le nouveau Mogwai finit toujours par déchaîner la foudre. Les pop-songs qui servaient jadis d’interludes solaires à ces montagnes russes orchestrales sont ici inexistantes. Aphone de bout en bout, un peu âpre, mais complètement fou, The Hawk Is Howling condense le plus sombre du meilleur des chefs-d’oeuvre séminaux Young Team (1997), Come on Die Young (1999) ou Rock Action (2001). C’est un retour aux sources plus qu’une révolution musicale ; un grand classique en devenir qui n’oublie jamais de faire grincer des dents. Le point d’orgue du disque ne s’intitule pas I Love You, I’m Going to Blow up Your School (“Je t’aime, je vais faire péter ton école”) pour des prunes. Durant huit minutes, on assiste à la lente métamorphose d’une berceuse adorable en un maelström héroïque. La créature Mogwai aura rarement été plus monstrueuse et c’est ainsi qu’on la préfère. (Inrocks)


Excellente) musique de film aidant, on a souvent rapproché Mogwai de Zinedine Zidane : même style de jeu raffiné, même fureur imprévisible, même discrétion monastique. Il est vrai que la pratique de l’art pour l’art (ici la musique instrumentale, sans surplus de textes inutiles) constitue une façon d’aborder le combo de Glasgow. Comme le célèbre numéro 10, la posture créative du groupe s’explique avant tout par des raisons objectives, à savoir une timidité presque maladive devenue le cachet inimitable de la production d’une aura. On le confirmera en retenant d’emblée les huit minutes de Scotland’s Shame, véritable clef de voûte de The Hawk Is Howling. Un morceau embrumé qui prend lentement son essor pour laisser finalement entrevoir, sans qu’il ne s’échappe vraiment, le potentiel d’une énergie latente. Plus largement, on doit faire le constat de l’instabilité de ce nouvel album, qui révèle une double fragilité : dans les compositions, à la fois atmosphériques et énervées (The Precipice, I Love You I’m Going To Blow Your School Out), et dans le son, qui met de côté les distorsions heavy des guitares rythmiques de Mr Beast (2006) pour retrouver la finesse des arpèges mêlés aux bourrasques saturées de la période précédente, celle du shoegazing. Ces caractéristiques de fond mises à part, on doit relever deux éléments qui ont enflammé les blogs dès le mois de juillet. Le premier concerne The Sun Smells Too Loud, extrait singulier de l’album laissé en pâture aux fans et qui officialiserait le virage krautrock d’un Mogwai ayant cannibalisé Neu!… Le morceau en question est en réalité plus proche d’un hommage au label Too Pure du début des années 90, qui alliait alors beats répétitifs, gimmicks mélodiques et courtes séquences synthétiques. Le second débat s’est focalisé autour de la pochette de The Hawk Is Howling, qui est un portrait figuratif et coloré d’une tête de faucon. Or, on ne sait toujours pas si cette image révèle un mauvais goût affirmé des musiciens ou bien s’il s’agit d’un happening d’art contemporain sous forme d’attentat visuel. En restant dans le registre des comparaisons aux figures footballistiques, on pourrait dire qu’Éric Cantona résume également avec pertinence la posture de Mogwai. Derrière les shows dans les stades anglais, il incarnait une démarche à la fois mystique et poétique, parfois vaine mais toujours empirique. Donc authentique.(Magic)
C’est devenu une évidence pour tout le monde, encore plus depuis l’arrêt des Canadiens de Godspeed You Black Emperor, Mogwai est devenue l’ambassadeur actuel du post-rock, et ce bien au delà de leur Écosse natale. Plus abordable pour les néophytes que celui des Canadiens, le post-rock à la sauce Mogwai a choisi la voie de l’apaisement depuis "Rock Action" en 2001 et le sublime "Happy Songs For Happy People" en 2003, au risque de se couper de la frange la plus dure de son auditoire. Le précédent "Mr Beast", annoncé comme un retour aux sources, ne fut finalement qu’un coup d ‘épée dans l’eau, donnant l’étrange impression de voir un groupe le cul coincé entre deux chaises.

Les Écossais cherchent en effet depuis plusieurs années à se débarrasser de cette étiquette post-rock, un peu trop collante à leur goût. Morceaux raccourcis et chantés, utilisation plus importante du piano, les dernières productions du groupe laissaient peu de place pour un retour en arrière. L’arrivée du nouvel opus des Écossais, intitulé "The Hawk is Howling", entretenait comme d’habitude chez certains, le fantasme de voir Mogwai revenir vers un post-rock plus « traditionnel », si tant est que cet adjectif puisse convenir à ce mouvement.Comme souvent, la poire a été coupée en deux et le résultat ne fera pas l’unanimité. Les Écossais ont délibérément choisi d’abandonner le chant sur les 10 titres qui composent cet album, une première pour eux. On remarque également que la durée des titres a sensiblement augmenté, plus de 6 minutes en moyenne. Tout cela n’empêche pourtant pas Mogwai de privilégier les mélodies planantes, à l’image de l’introductif I’m Jim Morrison I’m Dead, aux brûlots noisy. Les amateurs de guitares saturés ne sont pour autant pas oubliés avec le surpuissant Batcat, le final de I Love You I'm Going To Blow Up Your School et The Precipice, qui raviront la frange hardcore de l’auditoire.Le piano, omniprésent depuis quelques temps chez les Mogwai, est quelque peu délaissé au profit de sa version synthétique. Illustration faite avec The Sun Smells Too Loud et Scotland’s Shame, deux des meilleurs titres de l’album, sur lesquels le synthé apporte une petite touche électro bienvenue. Le reste de l’album est de facture plus classique et n’apporte pas grand chose à l’ensemble. Au final, "The Hawk is Howling" est un album consensuel qui tente de faire le lien entre les différentes époques du groupe. Un vœu pieux au regard de l’évolution d’un groupe qui reste quoi qu’il en soit comme l’un des plus intéressants de sa génération. (indiepoprock)


On dit Mogwai en perte de vitesse, que Mr.Beast était leur apogée et que, désormais, les Ecossais ne pouvaient que décliner. Doit-on croire à la fin d’une histoire d’amour qui a commencé dès Young Team ? C’est possible mais, sur disques, Mogwai est pourtant toujours à la hauteur. Ce qu’on leur reproche, finalement, c’est de faire ce qu’ils savent faire le mieux, sans chercher à se trahir ou aller manger à d’autres râteliers. La bande originale de Zidane : A 21st Century Portrait démontrait déjà à la suite de Mr.Beast que le groupe n’était pas en passe de sombrer dans la banalité. Deux ans plus tard, The Hawk Is Howling confirme cette impression avec, d’entrée un I’m Jim Morrison, I’m Dead d’anthologie. Batcat, qui lui succède, offre un autre visage du groupe. Un visage moins tournée vers les séquences atmosphériques, les montées en puissance et plus vers un rock massif et imposant qui ne passe pas par des intermédiaires pour afficher son caractère explosif. Cependant, les vieux réflexes reprennent le dessus assez rapidement. Ils reviennent, ainsi, à des intentions qui ont fait leur réputation et qui a fini par émerveiller bon nombre d’entre nous.De fait, la magie fonctionne toujours sur The Hawk Is Howling. Mogwai est bien au rendez-vous et il n’est certainement pas le groupe has been dont on prétend qu’il soit. Ce nouvel album connait le côté majestueux de ses prédécesseurs, est plein d’emphase et diffuse une émotion forte. On pourra toujours arguer que The Hawk Is Howling n’est peut-être pas le meilleur album de la formation mais elle n’a pour autant perdu son inspiration. Pour tout dire, Mogwai ne mérite pas vraiment ce dénigrement auquel il a droit. Et ce n’est pas de la complaisance que de dire cela tout simplement parce que, jusqu’ici, leur discographie, bien qu’imparfaite, est tout à fait défendable et composé de réels grands moments. Manifestement, The Hawk Is Howling fait parti de ces grands moments. Cependant le fait de l’écrire ne suffira pas pour convaincre. Chacun est libre de se faire sa propre opinion sur ce disque qui ne démérite pas. Il suffit de l’écouter. Tous les arguments y sont présents montrant un Mogwai plutôt en bonne forme.(liability)
bisca
7
Écrit par

Créée

le 5 avr. 2022

Critique lue 7 fois

bisca

Écrit par

Critique lue 7 fois

D'autres avis sur The Hawk Is Howling

The Hawk Is Howling
Francois-Corda
7

Eclairs et coups de mou

The Hawk Is Howling est le premier pas de côté de Mogwai. La sobriété payante de Happy Songs For Happy People et les nouvelles directions prises par Mr. Beast, petite gifle infligée aux codes...

le 28 août 2018

1 j'aime

The Hawk Is Howling
bisca
7

Critique de The Hawk Is Howling par bisca

Avec son bec acéré, comme prompt à nous crever les yeux tout crus, le faucon torve qui orne la pochette de The Hawk Is Howling ne trompe pas. Quelque chose de menaçant plane sur le septième album de...

le 5 avr. 2022

Du même critique

Le Moujik et sa femme
bisca
7

Critique de Le Moujik et sa femme par bisca

Avec le temps, on a fini par préférer ses interviews à ses albums, ses albums à ses concerts et ses concerts à ses albums live. Et on ne croit plus, non plus, tout ce qu'il débite. On a pris sa...

le 5 avr. 2022

3 j'aime

Santa Monica ’72 (Live)
bisca
7

Critique de Santa Monica ’72 (Live) par bisca

Ça commence avec la voix du type de KMET, la radio de Santa Monica qui enregistre et diffuse ce concert de Bowie, le 20 octobre 1972. « Allez hop on va rejoindre David Bowie qui commence son concert...

le 27 févr. 2022

3 j'aime

Taormina
bisca
7

Critique de Taormina par bisca

Taormina, perle de la Méditerranée, disent les guides touristiques à propos de cette belle endormie sicilienne, bordée par le volcan Etna. Taormina, perle noire dans la discographie de Murat, dira la...

le 5 avr. 2022

2 j'aime