Où l'on se promène autour du monde dans 


l'exploration de cannibalismes traditionnels,



le gore et l'angoisse sont au rendez-vous. Run lâche complètement les talents et convie quelques nouvelles recrues pour un numéro avide de la chair humaine des ombres que nous semons dessus le globe en mêlant légende amérindienne, biographie américaine et fiction dans les décombres d'un quartier historique de Hong Kong. Voyage terrible, affamé, et splendide.


Une fois n'est pas coutume, autour des violences féminines légalisées au Nicaragua, deux femmes sont à la baguette pour nous raconter le drame de *Soledad*, condamnée à dévorer de sa vengeance vorace ces bourreaux d'hommes qui pullulent dans les campagnes en toute impunité.
Avant même l'ouverture du récit, une magnifique vierge nous accueille de quelques mots enrubannés en pleine page, où l'on apprécie d'emblée le dessin rond et doux de Le Hégarat, lumineux et mesuré, qui change des habituels – toujours plaisants – styles crasses qui illustrent nos DoggyBags. L'héroïne autant que les hommes qui gravitent autour d'elle peuplent un regard tendre sur le réel et viennent bientôt radicalement contraster avec


l'ambiance fantastique qui s'infiltre aux apparitions intrigantes d'un noir coyote.



Jusqu'à ce que les déhanchements de la fille et du carnassier s'étirent et se courbent en mouvements violemment angoissants, le montage magnifié de cinématographie mesurée emporte le lecteur au fil d'un rythme étudié, du point de vue claustrophobique initial à l'horreur ultime, inserts épars et séquences marquées. C'est envoûtant de latence et d'emportements.



     Je déteste cette période, la chaleur moite qui émane de l'air rend les gens étranges et les transforme. 


Noellie Pravia dégaine un *rape'n'revenge* autour d'un sujet terrible d'actualité de ce grand pays pauvre d'Amérique centrale où, à peine plus d'un an après sa promulgation, les parlementaires sont revenus sur l'application de la loi qui autorisait les femmes à porter plainte pour viol, violences et harcèlement sexuel. Où l'on découvre 


un pays dévoré par un paternalisme féodal dégueulasse,



elle introduit avec talent les références de légendes locales autour de la cigua, bestiale sorcière macabre qui dévore les hommes, et du cadejo, chien du juste aux yeux incandescents, le noir dévorant sans pitié le criminel quand le blanc protège l'innocent.
Féminisme endiablé porté par une revanche animale magnifique.


Eldiablo propose ensuite une histoire vraie qui interroge le *To Serve & Protect* de deux agents de la police de Milwaukee au début des nineties face à un dangereux tueur en série qu'ils n'ont pas appréhendé par racisme – témoins afro-américaines – et par homophobie – la victime et son agresseur se sont présentés comme gays. Par négligence surtout finit-on par se dire, pas pressés le moins du monde d'avoir à remplir un rapport pour ce qu'ils ont considéré, sans vérification aucune, comme 


une malheureuse violence conjugale.




Tu ne me quitteras plus jamais. On va rester ensemble... pour
toujours.



Ludovic Chesnot livre d'abord un sublime et sombre récit emporté à la suite des témoins, superbe féminité aux visages de ces trois femmes qui secourent la victime adolescente ; puis posé, lent et savamment dosé d'angoisse aux détours des cases, des mouvements et des politesses de l'agresseur, faciès croqué intelligemment derrière les lunettes assombries, en son appartement où les deux flics, traits secs, cassants sur les visages longilignes, ne cherchent jamais à approfondir ce qui semble désespérément louche dans le comportement de Jeffrey Dahmer, le cannibale de Milwaukee qui, sous leurs yeux et grâce à leur complicité passive, garde au chaud sa prochaine victime. 


Laissé seul pour une horrible conclusion,



le célèbre tueur en série américain part en vrille gore d'une trépanation artisanale qui illustre avec raccord le portrait dérangé qu'en a dressé Derf Backderf dans My Friend Dahmer.


Le merveilleux plaisir de retrouver à la clôture Mathieu Bablet – génial de perspectives autant que d'atmosphères – illumine l'opus pour l'errance d'un jeune facteur épanoui de terminer sa tournée malgré les rumeurs d'un assassin, et dont les regards braquent son meilleur ami de boucher. Le longs des tuyaux qui dégorgent de chaque paroi, au rythme des grilles de ventilation qui débouchent tout autour dans 


le dédale crasse et tortueux de Kowloon,



ancien quartier hyper dense autant que pauvre, enclave anarchique aujourd'hui rasée, de Hong Kong, l'artiste nous perd dans la fourmilière de The City of Darkness.



Les petites fourmis vont se calmer maintenant.



Scénario aux relents cannibales de Jonathan Garnier, le récit s'attache avec poésie à l'un pour évidemment avilir l'autre, la tension est correctement menée et le twist final séduit de surprise au détour d'une issue pour nous accompagner jusqu'au cœur de Kowloon, jusqu'au cœur insatiable de ce dédale grouillant qui dévorent toutes celles et ceux qui rêvent d'ailleurs plutôt que de les laisser le fuir.
Huitième volume plus que satisfaisant dans son contenu où le mélange des inspirations historiques et traditionnelles – old school – sert la diversité autour d'un thème dévorant, ce nouveau


DoggyBags se pare d'une qualité graphique géniale



qui vient donner un lumineux élan dans l'empreinte crasse qui le signe en grande partie jusqu'à présent. Ici tout est clair et magnifiquement relié à son récit autant qu'à son propos avec une précision rare malgré ce que certains qualifieront de manque de renouvellement scénaristique.
Le renouvellement se fait dans la continuité avec



un éditorial cannibale de nouveaux talents.


Créée

le 6 mars 2018

Critique lue 215 fois

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