Mourir de la mort qui tue. À mort.

Des Light Novels adaptées en manga, c'est presque à l'odeur que je peux les reconnaître. Pas une odeur que j'apprécie. Ça se repère à des relents plus qu'à des fragrances, et ça vous saisit à la gorge plutôt de vous prendre aux tripes. Tout contribue à signer le crime. Le dessin déjà. J'ai l'impression qu'il en existe une variété toute spécialement attribuée à ce genre d'adaptations. Toujours très féminin dans les traits. Tou-jours. Ce qui en dit long sur la démographie qui bouffe de la Light Novel ainsi que sur mon incapacité flagrante - mais éminemment pardonnable - à pouvoir seulement y être réceptif. Ne fusse même que vaguement.
Serais-je un brin misogyne que je vous dirais qu'il s'agit là de niaiseries pour bonnes femmes. Mais puisque j'ai été très tôt biberonné aux mamelles flasques du féminisme, je me contenterai de dire que.... que finalement je suis bel et bien misogyne. Parce le genre Light Novel, même quand on le dessine, même quand on cherche à lui donner du poids, ça revient à farcir une carpe avec des cailloux. C'est pas plus présentable et, quand on s'y essaie, on peut guère que s'y casser les dents.


Déjà, qu'on m'appelle le responsable des décors. Dites-lui qu'il est viré. Et qu'il sera condamné à mort. Parce que avec Another, toute occasion est bonne pour ne pas dessiner le fond des cases pour Hiro Kiyohara. On sent tout de suite que le contenu est bien vide. Et pas seulement pour ce qui est du fond graphique. Ça préfigure du reste comme une bande-annonce mal montée chargée de présenter un navet. Au moins, le lecteur sait à quoi s'attendre assez tôt. Mais le lecteur qui, de son propre chef, s'en va lire Another, soit on l'aura bien mal aiguillé à la seule fin de lui nuire, soit.... j'ai peur d'élaborer. Another dit ce qu'il a à dire sans rien dire. Alors pourquoi pas moi ? On appellera ça de l'habileté dans l'écriture pour ne pas qualifier ça comme il se doit avec des mots susceptibles de déplaire.


Malgré les blancs dans les décors - et même dans les répliques pourrait-on ajouter - les tons sont donnés. Des personnages unidimensionnels dont l'obsession narrative les astreindra à faire étalage de leur vacuité à longueur de page. D'ailleurs, je suis persuadé que vous non plus n'aurez pas eu l'impression de retrouver Ciel de Kuroshitsuji en contemplant la couverture du premier tome. L'effet d'optique est involontaire, j'en suis certain.
Et puis ces archétypes graphiques qui se rapportent au Bi-shônen, on en parle ? Non. On n'en parle pas. J'en ai assez soupé et l'assaisonnement cyanuré me sera plus d'une fois resté sur l'estomac. Le dessin parle pour lui-même, c'est vous dire s'il crie haut et fort le terme «médiocrité».
Je crois finalement que le dessin type Bi-shônen est une offense faite aux mangas quels qu'ils soient. Cette variété de dessin ne s'illustre pas tant par un style qu'un plan marketing. On me parle manga, instinctivement, je pense Toriyama, je pense Miura - plus encore aujourd'hui - je pense à Akio Tanaka et si on doit s'en tenir aux Shônens, je pense à Togashi. Oh... To-ga-shiiiiii. Je pense à des styles graphiques qui ont une empreinte, qui existent pour ce qu'ils sont et qu'on ne pourrait - en aucun cas - considérer comme anecdotique. Des dessins irremplaçables car la donne graphique et stylistique les pourvoit d'une contenance. Et Another - qui va casquer aujourd'hui pour les autres - c'est juste de l'impersonnel personnifié. Et encore, je ne vous parle là qu'en terme de dessins. Parce que cette petite odeur qui m'irrite les sinus, c'est celle du produit formaté. Une qui se confond avec le parfum des billets de banque. Oui, ça se sent que Another a été adapté pour l'oseille.
Another, ça ressemble à ce que c'est. En dire plus, ce serait contrevenir aux normes élémentaires de la politesse.


Du reste, l'histoire - ou plutôt ses soubassements - restent difficilement accessibles au regard de l'agencement du premier chapitre. Le sens du bizarre cafouille du fait d'une désorganisation au niveau des planches qui, en plus de briser l'effet de terreur induite, nuit relativement à la compréhension. C'est quelque chose que je retrouve assez souvent dans certains Seinens. Ce déphasage à l'écriture, il est voulu ; on veut laisser planer un mystère insaisissable mais dont on voudrait en savoir plus. Comme le fumet d'un plat dont on ignore tout et avec lequel on aimerait faire plus ample connaissance.
Seulement... le fumet..... ici... je dirai pas à quelle odeur il se rapporte, votre imagination comblera les trous. Ça me dispensera de quelques vulgarités.


S'agrègent à cette maladresse de mise-en-scène - voulue comme telle je le rappelle - des instants confus où l'on ne comprend ni où l'auteur ni où les personnages veulent en venir. Une succession de moments en suspens pour souligner un drame qui n'aura jamais su correctement se présenter comme tel. «Que cela est curieux» ressassera le protagoniste à l'endroit d'un lecteur qui n'avait pas besoin du même commentaire émis cent fois pour parvenir à ces conclusions. Curieusement bizarre, bizarrement étrange, étrangement curieux, ça sera tout ça dans un fatras globiboulguesque dont on ne sait finalement trop de quoi il s'agit ; que l'on regarde sans pouvoir vraiment décrire. Qu'on ne s'y trompe pas, ce n'est **ni original ni spécia**l en aucune façon ; c'est simplement narré de façon exécrable.


Le spectacle serait pareil à un film d'horreur déjà bien assommant dont la caméra ne serait jamais orientée là où il le faudrait et dont le découpage des scènes aurait été si anarchique que l'on en serait venu à ne même plus chercher à considérer le fond tant la forme ne donnait pas envie de l'aborder. La lecture est agréable à ce point. Another déroute, peut-être ; mais il n'est dérangeant que malgré lui, qu'en dépit de ce qu'il nous offre bien maladroitement.


Cessons les faux-semblants et tranchons dans le vif ; on lit ici le Tomie du pauvre remanié par quelqu'un qui n'est clairement pas monsieur Junji Ito. L'inspiration en est patente quand la qualité de l'imitation elle se veut absente, comme si on avait jugé bon de mêler un classique de l'horreur manga à un contenu digne de Destination Finale en à peine plus feutré.


La ritournelle se retient aussi vite que l'itinéraire d'un carrousel aux engrenages rouillés. Une discussion banale puis, un mot que l'on croirait innocent choque les protagonistes. Alors, les trames graphiques sombres sont de sortie, car il faut souligner à quel point la situation présente est en lien avec un prétendu contenu perturbant qui ne m'aura finalement perturbé que pour la pauvreté de ce qu'il avait à faire valoir. On aggrave le ton comme on peut ; avec plus d'encre dans ce cas-ci ; car si on n'accentue pas les teintes de noir, l'horrifique sera difficilement perceptible.
Merde. Peut-être bien que si la mise en scène n'insistait pas tant et tant, je n'aurais jamais deviné que je lisais un thriller qui n'était ici que sommairement horrifique.


Toute révélation qui croit surgir par surprise s'aperçoit à des kilomètres, les personnages louches étalent ce qu'ils ont de suspect avec la subtilité d'un babouin en chaleur. Tout est si téléphoné que ça ne donne pas envie de répondre au combiné, parce qu'à l'autre bout du fil, ce sera l'ennui et le manque d'inspiration qui feront des bruits de pets avec leur bouche avant de raccrocher en riant.
La manière dont l'auteur monte la mayonnaise à chaque chapitre est tellement bancale qu'elle finit par avoir le goût de l'industrielle. La mayonnaise, pas l'auteur. Auteur dont on devine les aspirations commerciales plus facilement que celles ayant trait à son «art».
Another, ça se veut spécial, ça se cherche comme spécial... mais ça échoue lamentablement à l'être.


Chaque chapitre qui se perpètre est une raison de plus de se détourner de ce qu'on en lit. La mayonnaise ne prend pas plus que l'attention d'un lecteur qui aime un récit construit et organisé. La forme ne rattrape pas le fond, elle le condamne. Déjà que cette dernière n'en menait pas large en solitaire.


C'est une Light Novel adaptée en manga, soit une disgrâce au format graphique. Ça a des allures de conte pareil à ceux que se racontent les collégiennes pour se faire peur avant d'éclater d'un fou rire nerveux. Qu'on se le dise et qu'on le lise, je n'ai ni eu peur et encore moins envie de rire ; c'est une histoire d'horreur pour jeune fille. Au mieux. Le Bi-shônen, je le maintiens, était une décision marketing pour plaire à ces demoiselles. Et bien mal.


Another ? C'est peut-être bien l'histoire d'horreur dramatique la plus mal écrite qu'il m'ait été donné de parcourir du regard. L'une d'entre elles en tout cas. Que tout cela est d'un mou et d'un prévisible insolent. Si insolent que je me sentais insulté rien qu'à le lire.
Ça vire à un jeu de Cluedo pourvu d'un interrogatoire par chapitre. Avec le ton grave des révélations supposées substantielles. Toujours. Celui où les bulles de dialogues sont plus grosses et leur contenu écrit en gros caractère pour bien insister sur un élément capital d'une intrigue qui n'en est pas une.


Ces morts qui surviennent ici et là, sont-elles censées être perturbantes ? C'est ce que tend à indiquer la narration et pourtant, mauvais élève, je persiste à les trouver insipides. On feint de me pointer la lune et moi, bêtement, je regarde le doigt. Peut-être parce que nous sommes en plein jour et que de lune, il n'y en a point. Je démonte par avance les procès qui me seront intentés : je ne suis pas passé à côté d'Another, je suis rentré en plein dedans. J'ai vu. J'ai vu qu'il n'y avait absolument rien à voir.


Et le coup de la révélation des jumelles sur le tard, on en parle ? Non ? Vous avez raison, mieux vaut ne pas en parler. Parce que c'est cette fois si téléphoné que ça finit par saturer la ligne. Tellement qu'on a droit au répréhensible «Mais en fait, l'extra c'est....» avant d'être interrompu par une IDNI (Irruption Dramatique Non Identifiée) pour couper la parole au moment crucial. C'est à ce point, je vous assure, il faut le voir pour le croire et ce serait la seule raison valable pour laquelle je pourrais vous encourager à lire Another, pour vérifier par vous-même ce que les auteurs ont osé.


J'achève ma lecture sans savoir ce que j'ai lu, sans même l'impression d'avoir lu quoi que ce soit. Eh puis tiens, j'évente l'intrigue. Sans crupule. Et sans même mettre de balise, car très franchement, i**l n'y avait rien à dissimuler tant tout se payait le culot d'être aussi prévisible**.
Qui ? Qui, très honnêtement, n'avait pas compris dès l'annonce de l'intrigue que la «tante» était la morte depuis le départ ? Que celui qui lève la main la mette immédiatement à contribution pour mieux se baffer. Parce que, même aveugle, je crois bien que ça se serait vu de loin.
Another, ce n'était pas une honte ; simplement l'énième adaptation de Light Novel pour jeunes filles. Pas celle qui aura fait déborder le vase de ma patience d'une goutte de chiasse supplémentaire, mais une qui m'aura dangereusement rapproché de mon seuil de saturation.

Josselin-B
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le 22 mai 2021

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Josselin Bigaut

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