Trois pages. Il s’en sera fallu de trois pages de découverte de Biao Ren avant que je ne me confonde dans un premier soupir dépité. Un qui précéda tout une série qui ne trouva son terme que lorsque ma lecture fut accomplie. Si on peut parler d’accomplissement. Quoi que c’en est un, très franchement, de lire une de ces œuvres sans expirer plus que de raison.


« Regardez-y les muscles et la trogne de mâle Alpha mon gars, même pas que je suis rasé. Tu vois, je suis ténébreux, mais avec un petit sourire sûr de moi en fait, parce que je suis au-dessus de tout. Là, j’arrive, je te montre un avis de recherche, parce que je suis un chasseur de primes en fait ; la classe, hein ? Allez, je suis un roublard moi, pas un justicier, j’accepte de te laisser partir si tu payes trois fois ta prime. Oh la vache, je suis trop un anti-héros. Et tu vois le petit bonhomme dans mon dos qui est trop mignon, c’est ma mascotte en fait, pour adoucir mon caractère. Alors, j’ai la classe, non ? »


Ce manga (Manhua, en réalité, arrêtez de me suggérer des déjections pareilles) a moins la classe qu’il n’est classé. Classé « D », pour « Déplorable » sinon « Débile ». Tous les poncifs les plus gras et infects nous sont déversés dessus pour nous rendre poisseux d’une lecture qui démarre à peine.


Comment il est trop fort Dao ! Il… il tue tout le monde facilement, et avec le sourire, en massacrant des PNJ-Taverne à la pelle sans même une goutte de sueur. On ne peut qu’adorer un protagoniste pareil.

Non ?


Ce manga aurait été publié dans les années 1990 dans un magazine Shônen que j’aurais encore pu faire l’impasse en me contentant de quelques postillons. Mais on parle – il paraît – d’un Seinen qui aurait commencé à paraître en 2023. Aussi les mollards que je lui réserve seront garnis et verdis en conséquence.


Le dessin est potable et s’est clairement inspiré du dessin de Yasuhisa Hara. Des esquisses, je n’en dirai que cela. Car même occasionnellement détaillé et parfois esthétisé dans des poses spécieuses, ce dessin nous apparaîtra aussi impersonnel que le fond qu’il vient recouvrir, aussi passe-t-on aisément à côté sans finalement lui accorder deux regards.


Dépourvu de propos et n’ayant franchement rien à dire, l’alalie qu’on lit là est une bête resucée du Nouvel Angyô-Onshi, le contexte basculant de la Corée vers la Chine pour retrouver les mêmes péripéties insipides avec des personnages qui ne le sont pas moins. Dans ce monde qui nous vient, et qui nous glisse des doigts d’être de toute manière si mal développé, les méchants y sont très méchants, on multiplie les massacres froids avec une telle aisance qu’ils en sont de ce fait anecdotiques et les caractères sont élimés jusqu’à ce qu’il ne reste d’eux que le dessin venu leur servir de contenance.

Qui nierait que la violence dans un dessin puisse être magnifié, qu’il existerait un art sinon une science de la sauvagerie, devrait effectuer une lecture comparative de Biao Ren et Shigurui pour partir du gouffre et atteindre des sommets. Le déballage qui est ici fait de la violence est fainéant et immature, les personnages agitant des épées pour faire crever du figurant comme s’ils n’étaient que des mottes de beurre fondu au soleil. J’insiste car je confirme, l’auteur a clairement puisé d’une main lourde dans ce qui constitua la substance même de Kingdom, sans ici savoir lui donner quelque forme que ce soit.


Tout ce qui nous apparaît par l’encre y est vain, immature, stupidement bourrin et dérisoire. Biao Ren est un Hokuto no Ken petit bras, sans idée de mise en scène, de construction d’univers ou de rédaction des personnages. Hokuto no Ken, s’il ne détaillait pas ses personnages, savait cependant les consolider afin qu’il en émana du charisme, qu’ils furent en mesure de nous suggérer un quelque chose qui puisse nous faire les aimer ou les haïr. Prenez n’importe quel personnage de Biao Ren, considérez-le sous toutes les coutures et alors, vous constaterez à quel point il vous indiffère. Qu’il soit là ou non dans l’intrigue n’y change rien, car d’intrigue il n’y a pas de toute manière, et de protagonistes encore moins. Le récit est automoteur pour tourner en rond dans un cul-de-sac.


Dao Ma est l’élu de tous sauf de ses lecteurs. Il survole si bien l’adversité qu’il plane même au-dessus de la trame, éthéré au point d’être finalement inexistant malgré son omniprésence. Le côté baroudeur d’un air de pas y toucher qui, néanmoins, se fait l’allié des forces du bien parce que, hein, quand même, c’est un voyou, mais pas un méchant… c’est si mal écrit qu’on souhaiterait faire semblant de ne pas l’avoir lu. Ne serait-ce que pour ménager notre exaspération et retenir au moins quelques soupirs consternés.


Rien de ce qui se fait n’a ici de contenance. Le script, les batailles rangées, les personnages  ; on ne trouve prise sur rien de ce qui s’affiche si bien qu’on renonce à pouvoir s’en saisir et encore plus à en être saisi. J’ai l’impression que tous les mangas que je lis, écrits par des Chinois, s’avèrent être les mêmes catastrophes, conçues à partir des même malfaçons. Comme s’il y avait là-bas un art consumé du « Comment louper son écriture ». La recette a été apparemment respectée à la lettre, car j’ai ici trouvé une autre raison de me défier des mangas écrits par des étrangers.

Josselin-B
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il y a 3 jours

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Josselin Bigaut

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