• Ah, quel plaisir de vous voir, M. Bass ! Vous avez accompli un boulot exceptionnel hier, si je nous vous n'avais pas déjà dit ! Je me demandais si vous seriez intéressé par une nouvelle émission ?
  • Faut encore buter des nègres ? C'est tout ce que je suis pour vous, Helena ? Un loup apprivoisé, dressé pour chasser les sauvages ?
  • Je n'oserais jamais penser ça de vous, M. Bass !

Dieu fit les hommes inégaux.

Darko Macan présente avec Marshal Bass tome 1 : Black & White, un far west passionnant, amère, impitoyable et intelligent. Un western dans une mouvance spaghetti sur une histoire complète pleine de promesses à travers une violence démonstrative mais jamais trop excessive ni trop gratuite (malgré des dialogues qui ne sont pas tendres), qui lance à merveille un nouveau cowboy qui va faire trembler du bandit : « River Bass ! » Pauvre bougre incriminé à tort pour désertion ce qui lui vaut de se retrouver avec une corde au cou attaché à un arbre attendant l'instant fatidique de sa mort lorsque son cheval le fera tomber de sa selle/potence. Finalement, le colonel Terrence B. Helena, US Marshal, délivre Bass et lui propose de devenir son adjoint, « l'adjoint Marshall Bass. » Le truc c'est que Bass est noir et que des Marshal noirs il y en a aucun en ces temps d'animosités et d'agressivités où la traite négrière fait du sale. Qu'il soit noir fait bien les affaires du colonel puisqu'il l'engage pour infiltrer en tant que Bill Derby, un gang d’anciens esclaves et de renégats noirs qui pillent violemment la région, afin d'y mettre un terme.


Macan en excellent conteur délivre une histoire qui échappe au manichéisme en explorant le racisme et l'esclavage sans le moindre tabou à travers une perversion morale et une décadence visuelle qui n'en fait jamais trop en esquivant une dénonciation progressiste caricaturale, ainsi que le politiquement correct, et même une vision fantasmée et romantique du western américain. Un subtil dosage où l'homme noir tout comme l'homme blanc peut être une charogne de la pire espèce. Bass gravite dans un univers implacable où une étoile ne suffit pas à faire oublier sa condition de nègre ce qui lui demande un stoïcisme implacable pour affronter les diverses situations. Avec son chapeau melon pris sur la dépouille du bandit Bill Derby, Bass tente de mener à bien sa mission en se demandant s'il est devenu un véritable adjoint, ou bien un tueur de nègres, uniquement dressé pour chasser les sauvages et non les blancs. Une approche scénaristique pertinente au service d'un personnage intéressant que l'on prend plaisir à suivre, notamment durant ses déboires avec sa femme Sheba et leurs six enfants.


Question péripéties, nous sommes servis. Le récit profite d'une véritable rigueur au niveau de la narration pour avancer au rythme d'un galop effréné. Dès les premières pages, on est emporté dans un monde impitoyable où la violence est la seule réponse possible. Les fusillades s'enchaînent et pour sa grande première Bass affronte une vraie crevure en la personne du Milord, un homme blanc aux discours gerbatifs à la tête d'un gang noir sans pitié. Milord est une inspiration évidente à Candie Calvin par Leonardo DiCaprio, tout comme Jonah et Hammer qui ensemble rappelle Stephen par Samuel Jackson, tous deux pour le film Django Unchained. Milord est un adversaire à la hauteur pour le démarrage des féroces aventures de Bass qui pour l'occasion se trouvera un compagnon d'armes avec Beef. Niveau technique, Black & White possède un look visuel moderne autour d'un style graphique proche des comics qui n'est pas ce que je préfère mais qui reste de qualité. Un travail au trait épuré sur les personnages et vaseux sur l'environnement que l'on doit au dessinateur Igor Kordey qui sans être époustouflant parvient à rendre à l'image une dimension dramatique et criminelle du western au travers d'un far west miteux construit sur des décors et des costumes plus ou moins satisfaisants.


CONCLUSION :

Marshal Bass tome 1 : Black & White, des Éditions Delcourt est une bande dessinée habile dans laquelle Darko Macan confirme son talent d'écriture. Une revisite du western spaghetti efficace qui pour une première livre un récit énergique qui performe les pages que compose cet album par des scènes cruelles et des dialogues percutants, sur des images plus ou moins soignées, auxquelles s'ajoute un personnage déroutant de par sa caractéristique, bien qu'encore un brin discret mais qui promet pour la suite.


Un régal pour les afficionados du western italien !

Mon analyse que vous pouvez retrouver sur ma chaîne YouTube spécialement dédiée aux westerns : https://www.youtube.com/watch?v=kpDG0z5kqoM

  • Ça t'étonne de voir un blanc à la tête d'un gang noir ?
  • Non, Milord, je ne suis pas étonné. Je suis soulagé.
  • Vraiment ? Comment ça ?
  • Je n'imagine pas un gang de noirs trouver comment sortir de cet endroit. Encore moins planifier un casse.
  • Bien dit, Bill. Peut-être un peu trop. Laisse-moi te dire ce qu'il en est... Je pense qu'il y a deux sortes de nègres. Ceux qui suivent les ordres et ceux qui préfèrent penser par eux-mêmes. Quel genre de nègre es-tu, Bill ?
B_Jérémy
8
Écrit par

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le 7 janv. 2024

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10

La vérité a fait tomber davantage d’hommes que les balles de revolver.

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