C'est vraiment pas mal!
Bon, deux gros malus. D'abord, le fait que ce soit raconté sous forme de flashback (c'est une interview fille mère principalement, et donc il y a un jeu de passé-présent tout au long de l'intrigue), en soi ce n'est pas une mauvaise idée dans le cadre de ce projet, mais le souci, c'est qu'il n'y a aucune transition et que le style de l'auteur est tel que les personnage ont à peu près tous les mêmes tronches... du coup, parfois, on se sent perdu parce qu'on se rend compte qu'on n'est plus dans le passé, on revient alors en arrière pour voir depuis combien de vignettes on a changé. En soi, ça ne change rien à la narration, ce qui rend le procédé narratif assez stérile la plupart du temps, mais ça perturbe, parce qu'on se dit que ça pourrait changer quelque chose, on veut bien comprendre.
L'autre souci, c'est le texte au verso de l'album:
"À 20 ans, on a la vie devant soi." Pourtant, dans 5 ans au maximum, Blanche sera morte.
Quand on lit ça, et je ne pense pas être le seul à interpréter cela de la sorte, on a l'impression que cette interview aura donc lieu 5 ans avant la mort de la mère. Mais non, en fait, 5 ans, c'est ce qu'on lui donne comme temps quand elle apprend qu'elle est séropositive. Et comme l'auteure n'insiste pas tellement sur ce délais... ben on lit l'histoire en croyant que le personnage mourra à la fin, que le virus a fini par se répandre dans son corps. Cela prête donc à confusion.
Mais ça reste deux points mineurs. Car l'album est sacrément intéressant. Sans tabou, la mère accepte d'aborder sa maladie, sa culpabilité, le rejet des autres, la difficulté à en parler aux enfants qui eux ne comprennent pas bien ce que cela implique, la parano au quotidien, le secret au travail, ... c'est passionnant. Et triste en même temps. Parce que là, les médias parlent si peu du SIDA que beaucoup de gens s'imaginent que ça y est, c'est fini, mais il reste toujours une grande incompréhension sur le virus, et donc voir toutes ces réactions, y compris de la part du corps médical encore récemment, c'est dur. J'imagine que tout cela découle des premières années où on traitait les premiers cas comme des pestiférés, des homo ou des toxico à une époque où la tolérance était de la science fiction.
Le graphisme fait penser à du Bretechet, mais pas que, l'auteure développe bien son style. Forcément je reproche le fait que tout se ressemble dans l'album, je veux dire niveau temporalité, on ne sait pas si on est dans le présent ou le passé, parfois l'auteur se sert d'un objet de transition, comme une voiture, mais le dessin étant hyper minimaliste, on ne fait pas la distinction entre une voiture de 2025 et une voiture de 2005. Sinon, les personnages sont expressifs et il y a de très belles pages, notamment celle où la mère s'énerve au point de gifler sa fille, la compo, les attitudes, le silence, tout est magnifique dans cette page. Le choix des couleurs, basique aussi, fonctionne bien avec ce qui semble être de l'aquarelle.
Bref, très chouette bouquin assez instructif.