Alexandre Astier, créateur, scénariste et interprète de Kaamelott, a toujours eu l’ambition de dépasser le simple cadre de la comédie de format court qui a fait connaître la série sur M6. Lors des premiers livres, et en particulier du Livre I, il rêvait déjà d’explorer des récits relevant davantage de la grande épopée d’heroic fantasy, avec des créatures fantastiques, des combats spectaculaires et une atmosphère épique. Malheureusement, les contraintes budgétaires inhérentes à un programme court ne lui permettaient pas d’inclure des dragons, des batailles massives ou d’autres éléments spectaculaires caractéristiques du genre. Sur le petit écran, il devait donc composer avec des moyens limités, mais sur papier, les contraintes disparaissent : le dessin ouvre la porte à toutes les extravagances, sans limite autre que l’imagination de l’auteur.
Depuis 2006, l’éditeur Casterman avait l’habitude de publié un tome tous les mois de novembre. Pour la première fois, le nouveau tome sort près de deux ans plus tard.
En mai 2013, Kaamelott (Tome 7) : Contre-attaque en Carmélide sort chez Casterman. Fidèle à son habitude, Alexandre Astier ne délègue pas l’écriture et signe lui-même le scénario, garantissant ainsi une continuité avec l’univers original de la série.
La situation semble prometteuse sur le papier : une invasion venue des mers du Nord, une Carmélide assiégée, Léodagan contraint de faire appel à Kaamelott pour défendre son royaume. Tout est réuni pour un récit épique mêlant politique, guerre et ironie. Pourtant, le résultat laisse perplexe. L’intrigue, qui aurait pu offrir un contraste intéressant entre le tempérament belliqueux de Léodagan et la diplomatie d’Arthur, se révèle plate et sans véritable tension dramatique. L’enlèvement de la reine Guenièvre aurait pu constituer un moteur narratif puissant, mais il est traité de façon superficielle, sans émotion ni enjeux crédibles.
Les dialogues, d’habitude ciselés et empreints de cette verve propre à Alexandre Astier, semblent ici manquer d’inspiration. Les échanges ne font ni sourire, ni réfléchir. Résultat : une intrigue qui tourne à vide et une contre-attaque en Carmélide qui paraît manquer de souffle, sans l’énergie ni la malice auxquelles la série nous avait habitués.
Après sept tomes, on peut se demander si Kaamelott en bande dessinée n’a pas atteint ses limites. Ce format, censé prolonger l’univers avec une liberté graphique et narrative, peine à retrouver la magie de la série télévisée. Les volumes cinq et six avaient su capter l’esprit, le rythme et la musicalité du dialogue d’Astier, tout en explorant de nouveaux territoires narratifs. Aujourd’hui, la formule semble s’être figée : des histoires secondaires sans grande ambition, une mise en scène rigide et une tonalité moins inspirée.
La longue pause de deux ans entre les tomes n’a pas aidé. Dans un univers aussi riche et rythmé que celui de Kaamelott, la continuité est essentielle. Cette interruption a brisé la dynamique et dissipé l’attente, la sortie de ce tome ne me suscite plus le même enthousiasme.
Steven Dupré conserve un style graphique qui ne me convient pas, et force est de constater qu’il ne s’améliore pas avec le temps. Son trait, parfois caricatural à l’excès, perd en précision dès que la mise en scène se densifie. Plus il y a de personnages dans une case, plus l’ensemble devient brouillon et difficile à lire. Guenièvre en est l’exemple frappant : méconnaissable, mal proportionnée, elle perd toute la tendresse et la complexité que lui conférait la série. Karadoc subit le même sort (mais on le savait depuis longtemps). On se retrouve donc avec une bande dessinée frustrante : on veut apprécier l’univers, mais l’œil décroche à chaque planche.
Kaamelott (Tome 7) : Contre-attaque en Carmélide laisse un goût amer. Il ne parvient ni à retrouver l’éclat du texte originel d’Astier, ni à tirer parti du médium bande dessinée pour offrir une expérience différente. L’intrigue est creuse, les dialogues sans relief, et le dessin continue d’être un frein à l’immersion. Pour un univers aussi riche, c’est une déception : on sent la passion derrière le projet, mais pas la flamme.