Alexandre Astier, créateur, scénariste et interprète de Kaamelott, a toujours eu l’ambition de dépasser le simple cadre de la comédie de format court qui a fait connaître la série sur M6. Lors des premiers livres, et en particulier du Livre I, il rêvait déjà d’explorer des récits relevant davantage de la grande épopée d’heroic fantasy, avec des créatures fantastiques, des combats spectaculaires et une atmosphère épique. Malheureusement, les contraintes budgétaires inhérentes à un programme court ne lui permettaient pas d’inclure des dragons, des batailles massives ou d’autres éléments spectaculaires caractéristiques du genre. Sur le petit écran, il devait donc composer avec des moyens limités, mais sur papier, les contraintes disparaissent : le dessin ouvre la porte à toutes les extravagances, sans limite autre que l’imagination de l’auteur.
Depuis 2006, l’éditeur Casterman avait l’habitude de publié un tome tous les mois de novembre. Le septième tome avait mis deux ans pour sortir, celui-ci a mis cinq pour sortir… De la à dire qu’ils n’ont plus d’idées.
En janvier 2018, Kaamelott (Tome 8) : L’antre du Basilic sort chez Casterman. Fidèle à son habitude, Alexandre Astier ne délègue pas l’écriture et signe lui-même le scénario, garantissant ainsi une continuité avec l’univers original de la série.
Le tome s’ouvre sur une aventure aux allures de quête mythologique : les chevaliers de la Table Ronde s’enfoncent dans un dédale souterrain pour affronter le Basilic, créature légendaire capable de pétrifier quiconque croise son regard. Le décor est planté : un labyrinthe mystérieux, une menace mortelle et un groupe de chevaliers plus maladroits que jamais. Sur le papier, tout cela évoque un retour aux sources de l’heroic fantasy, à la fois épique et absurde.
Ce cadre confiné permet d’explorer la dynamique de groupe, véritable cœur de l’album. Chacun réagit à sa manière au danger : courage, lâcheté, confusion ou absurdité pure. Ce huis clos met en lumière la complémentarité des personnalités qui composent la Table Ronde. On retrouve ici une belle intention scénaristique : recentrer l’action sur la camaraderie, les tensions et les dialogues, plus que sur l’affrontement lui-même.
Là où l’action échoue à captiver, les dialogues, eux, sauvent le navire. Alexandre Astier retrouve ici un ton familier, mélange de logique bancale et de mauvaise foi délicieuse. Les scènes d’action, en elles-mêmes, ne sont pas drôles ; c’est dans les échanges entre les personnages que réside tout le comique. Les répliques fusent : Perceval et Caradoc développent une nouvelle stratégie absurde, tandis que le Père Blaise oublie de cartographier le labyrinthe, et que Bohort se fige de peur au moindre bruit. Ces interactions restituent avec justesse le sel de la série : des héros pathétiques mais attachants, englués dans leur propre incompétence.
Ce tome marquait le grand retour de l’heroic fantasy dans Kaamelott. Le Basilic, monstre mythique de la tradition arthurienne, semblait un excellent choix pour relancer l’imaginaire. Mais hélas, l’attente n’est pas récompensée. Le Basilic est trop peu présent, presque relégué au rôle de prétexte narratif. L’idée est là, mais elle reste en surface, comme si la créature n’était qu’un décor pour les dialogues, et non un véritable enjeu dramatique. On aurait aimé davantage de mystère, d’intensité, voire un peu de peur. En fin de compte, la promesse d’un retour à l’aventure fantastique se résume à une simple excursion dans un tunnel.
Steven Dupré continue de diviser, de décevoir. Son style, déjà inégal dans les précédents tomes, ne trouve pas ici de renouveau. Le trait demeure brouillon, les personnages manquent de lisibilité, et les scènes de groupe deviennent vite confuses. Dans ce tome, la complexité du labyrinthe et la présence simultanée de plusieurs chevaliers auraient nécessité un dessin clair, structuré, presque architectural. Au lieu de cela, l’œil se perd dans des compositions trop chargées. Le comique visuel, pourtant essentiel dans Kaamelott, se dilue dans le fouillis des planches.
Repoussé à de multiples reprises, ce huitième tome s’est fait désirer pendant près de cinq ans. Une attente aussi longue crée forcément une pression, une forme d’espérance quasi démesurée. Malheureusement, le résultat ne justifie pas cette patience. L’album s’achève sur un cliffhanger, promesse d’une suite directe. La frustration l’emporte sur la satisfaction. Après tant d’années d’attente, on aurait espéré une conclusion, ou du moins un souffle épique. À la place, on a un récit qui s’interrompt brusquement, laissant un goût d’inachevé. C’est un coup dur : entre le rythme de parution très lent et l’essoufflement de la formule, la fidélité devient difficile à entretenir. Quant à ceux qui avaient déjà décroché après le septième tome, ce huitième opus ne les fera sans doute pas revenir.
Kaamelott (Tome 8) : L’antre du Basilic oscille entre de belles intentions et une exécution décevante. Le scénario retrouve par moments la verve d’Astier, ses dialogues font mouche, et la dynamique entre les chevaliers fonctionne encore. Mais l’ensemble souffre d’un manque d’envergure et d’un dessin qui ne rend pas justice à l’univers. Ce tome, attendu comme un renouveau, ressemble finalement à un prolongement un peu fatigué. Le rire est encore là, mais moins éclatant ; la fantasy revient, mais timidement. Reste une œuvre sympathique, portée par l’affection que le lecteur conserve pour ces personnages, mais qui peine à retrouver la magie des débuts.