Je me souviens parfaitement de la première fois où cette bande dessinée est entrée dans ma vie, achetée d'occasion au festival d'Angoulême. Pendant longtemps, je l'ai lue et relue sans vraiment comprendre l'ampleur du monde qu'elle cachait. Pour moi, c'était un OVNI, une BD à part, un objet étrange et singulier, qui mêlait des concepts hors normes sans jamais sombrer dans le banal. Ce mélange de poésie, de conte mythologique et de science-fiction m'a laissé un sentiment d'émerveillement teinté d'une mélancolie diffuse, presque palpable, comme si chaque case portait le poids d'un secret d'étoiles lointaines, d'origines oubliées que je devinais plus que je ne comprenais.
Ce premier album n'a pas la densité narrative d'autres albums, mais il possède une force discrète et singulière. C'est une sorte d'épure, une méditation lyrique sur le temps et l'origine. L'écriture graphique, loin de chercher la facilité ou l'effet spectaculaire, avançait au rythme d'une main réfléchie, mesurée, parfois contemplative, mais toujours juste dans son tempo. Ce premier contact n'était pas qu'un simple récit ; c'était une invitation à interroger la nature même du héros, cet enfant venu d'ailleurs, fragile mais chargé d'un destin qui le dépasse. Ce que j'aimais, c'est cette frontière si délicate entre le merveilleux et le rationnel, qui s'efface peu à peu. Ce voyage s'étirait dans un espace-temps hybride, mêlant un passé ancien à un futur incertain, où l'enfance se mêle à la quête.
Ce n'est que des années plus tard, toujours au même festival, qu'on m'a offert un second album, Les Yeux de Tanatloc, et là ce fut une révélation, une claque narrative qui m'a fait basculer dans une autre dimension. Ce cycle, celui qui court de "Les Archers" à "Entre terre et lumière", est à mes yeux un sommet, une fresque riche, intense, où les intrigues se déploient avec une profondeur nouvelle. C'est là que j'ai vraiment commencé à m'attacher aux personnages, à m'immerger réellement dans ce monde fascinant.
Revenir à ce premier album après cette découverte, c'est comme retrouver un vieil ami qu'on avait perçu comme étrange sans en deviner toute la richesse. Ce premier contact reste un témoignage précieux, une porte d'entrée étrange et poétique dans un univers qui allait bientôt s'ouvrir sur un vaste et fascinant horizon.