Alexandre Astier, créateur, scénariste et interprète de Kaamelott, a toujours eu l’ambition de dépasser le simple cadre de la comédie de format court qui a fait connaître la série sur M6. Lors des premiers livres, et en particulier du Livre I, il rêvait déjà d’explorer des récits relevant davantage de la grande épopée d’heroic fantasy, avec des créatures fantastiques, des combats spectaculaires et une atmosphère épique. Malheureusement, les contraintes budgétaires inhérentes à un programme court ne lui permettaient pas d’inclure des dragons, des batailles massives ou d’autres éléments spectaculaires caractéristiques du genre. Sur le petit écran, il devait donc composer avec des moyens limités, mais sur papier, les contraintes disparaissent : le dessin ouvre la porte à toutes les extravagances, sans limite autre que l’imagination de l’auteur.
En novembre 2008, Kaamelott (Tome 3) : L’énigme du coffre sort chez Casterman. Fidèle à son habitude, Alexandre Astier ne délègue pas l’écriture et signe lui-même le scénario, garantissant ainsi une continuité avec l’univers original de la série.
C’est un vrai plaisir de constater le retour assumé de l’heroic fantasy dans ce tome. Cet univers retrouve ici une place centrale avec des éléments marquants comme la présence d’une créature marine impressionnante ou encore un orque en fauteuil roulant, idée originale qui détourne avec humour les codes du genre. On sent que Alexandre Astier s’amuse avec les archétypes classiques du fantastique pour les revisiter à la sauce Kaamelott. Ce mélange de mythologie, de créatures fantastiques et de burlesque fonctionne très bien et redonne une véritable identité épique à l’ensemble. Pour moi, c’est vraiment dans cet équilibre entre l’heroic fantasy et l’humour absurde que la série trouve toute sa force.
Les personnages mis en avant dans ce tome sont Perceval et Caradoc, comme cela avait déjà été amorcé dans le volume précédent. Les voir au premier plan est réjouissant, car ces deux figures emblématiques de la série se démarquent par leur humour décalé et leur logique absurde. Ce sont des « héros malgré eux » : maladroits, limités intellectuellement, mais profondément attachants. Leur duo fonctionne toujours à merveille, donnant au récit un rythme comique plaisant. En confiant le rôle principal à ces deux bras cassés, la bande dessinée s’éloigne un peu des figures plus nobles et sérieuses de Kaamelott pour mettre en avant le potentiel comique de l’univers. Cela permet aussi aux lecteurs de redécouvrir la légende arthurienne sous un angle inattendu.
L’un des grands points forts de ce tome reste sans conteste les dialogues. Leur fidélité au ton et à l’esprit des personnages de la série télévisée est cohérente. On retrouve le phrasé caractéristique, l’humour absurde et les répliques à contre-pied qui font tout le sel de Kaamelott. Cette authenticité dans l’écriture sauve la lecture, même dans les moments où l’intrigue peine à captiver. En entendant intérieurement les voix des acteurs à travers les bulles, le lecteur replonge immédiatement dans l’univers qu’il connaît et aime.
Steven Dupré continue de progresser sur le plan graphique, ou peut-être est-ce simplement que mon œil de lecteur s’habitue à son style. Dans ce tome, certaines planches se démarquent particulièrement, notamment celles où la pluie s’abat sur les personnages et les décors : l’ambiance y est immersive et maîtrisée. Toutefois, une réserve persiste dans sa représentation des chevaliers de Kaamelott. Caradoc, par exemple, est dessiné de façon peu flatteuse, presque repoussante, ce qui contraste parfois avec le capital sympathie qu’on associe au personnage. En dehors de ce défaut récurrent, l’ensemble est de très bonne facture : les décors, les créatures et l’action sont rendus avec dynamisme et précision. On sent une vraie patte artistique qui s’affirme de tome en tome.
Kaamelott (Tome 3) : L’énigme du coffre s’inscrit comme une belle réussite dans la continuité de la série Kaamelott en bande dessinée. Il parvient à équilibrer l’heroic fantasy et l’humour absurde, en mettant en avant des personnages secondaires devenus cultes. Si certains choix graphiques peuvent diviser, la fidélité des dialogues et la cohérence de l’univers compensent largement. C’est une lecture plaisante, à la fois drôle et dépaysante, qui confirme que l’adaptation en bande dessinée a trouvé sa voie.