« Il est venu vous attaquez juste au bord du lac ? » ARTHUR

Alexandre Astier, créateur, scénariste et interprète de Kaamelott, a toujours eu l’ambition de dépasser le simple cadre de la comédie de format court qui a fait connaître la série sur M6. Lors des premiers livres, et en particulier du Livre I, il rêvait déjà d’explorer des récits relevant davantage de la grande épopée d’heroic fantasy, avec des créatures fantastiques, des combats spectaculaires et une atmosphère épique. Malheureusement, les contraintes budgétaires inhérentes à un programme court ne lui permettaient pas d’inclure des dragons, des batailles massives ou d’autres éléments spectaculaires caractéristiques du genre. Sur le petit écran, il devait donc composer avec des moyens limités, mais sur papier, les contraintes disparaissent : le dessin ouvre la porte à toutes les extravagances, sans limite autre que l’imagination de l’auteur.

En novembre 2010, Kaamelott (Tome 5) : Le serpent géant du lac de l’Ombre sort chez Casterman. Fidèle à son habitude, Alexandre Astier ne délègue pas l’écriture et signe lui-même le scénario, garantissant ainsi une continuité avec l’univers original de la série.

L’action s’inscrit directement dans la continuité de l’épisode Le serpent géant du Livre I. Cette précision est importante, car elle permet de situer clairement l’histoire dans la chronologie de la série télévisée. Le lecteur retrouve donc un univers déjà familier, avec les mêmes enjeux et le même humour absurde qui caractérisent les débuts de Kaamelott. On assiste ici à une sorte de prolongement de l’épisode, une suite qui approfondit une intrigue à peine effleurée à l’écran. Ce choix d’Alexander Astier donne au tome une valeur particulière pour les fans : il s’agit d’une occasion de revisiter les débuts de la légende, avant que la série ne devienne plus sombre et introspective.

Dans ce tome, le Roi Arthur renvoie Perceval et Karadoc sur les terres du roi d’Écosse, Calogrenant, avec une mission très claire : ils ne doivent pas revenir sans avoir capturé le fameux serpent géant. Ce point de départ simple et absurde à la fois résume parfaitement le ton de Kaamelott. Astier exploite ici l’un de ses ressorts favoris : la répétition comique et l’incompétence assumée des chevaliers. On sent également une ironie bien dosée vis-à-vis du mythe arthurien traditionnel : là où d’autres récits auraient choisi l’épopée, Kaamelott préfère la maladresse et la bêtise héroïque.

L’histoire met une nouvelle fois Perceval et Karadoc au cœur de l’action. Leur duo fonctionne toujours à merveille : Perceval, fidèle jusqu’à la naïveté, et Karadoc, guidé par un amour incommensurable pour la nourriture. Les dialogues sont savoureux, pleins de quiproquos et de raisonnements absurdes qui deviennent vite hilarants. On retrouve ce qui fait le charme de la série : des personnages profondément humains, limités dans leurs moyens mais attachants dans leur sincérité. Le lecteur prend plaisir à revoir ces figures familières évoluer dans un cadre graphique différent, mais avec une authenticité préservée.

Le registre de l’heroic fantasy n’est pas oublié. On retrouve ici des éléments fantastiques (le fameux serpent géant, évidemment, mais aussi des nains ingénieurs, figures aussi cocasses qu’improbables). Ces ajouts renforcent l’aspect décalé du récit : l’univers de Kaamelott reste médiéval et légendaire, mais jamais trop sérieux. Astier parvient à marier le burlesque et l’épique, offrant un mélange unique qui fait toute la saveur de la saga.

Steven Dupré signe un dessin beaucoup plus maîtrisé que dans les tomes précédents. Son trait s’est affiné, les décors gagnent en richesse, et les personnages deviennent plus facilement reconnaissables. On sent une vraie progression dans sa manière d’interpréter l’univers visuel de la série : les expressions, les costumes, et les ambiances sont mieux restitués, rendant la lecture plus fluide et immersive. Cependant, un bémol persiste : le personnage de Karadoc. Malgré les améliorations globales, Dupré semble toujours avoir du mal à rendre ce dernier convaincant visuellement. Les proportions, les expressions faciales ou même la posture ne collent pas toujours avec l’image que les fans ont du personnage à l’écran. Ce défaut, mineur mais récurrent, empêche parfois l’immersion complète.

Kaamelott (Tome 5) : Le serpent géant du lac de l’Ombre s’impose comme un excellent prolongement de la série originale, à la fois respectueux du matériau d’origine et assez audacieux pour explorer de nouveaux territoires narratifs. L’humour, les dialogues et le rythme rappellent le meilleur d’Astier, tandis que le dessin, plus abouti, permet une immersion plus forte dans cet univers absurde et attachant. Malgré quelques imperfections graphiques, notamment sur Karadoc, le résultat reste très satisfaisant.

StevenBen
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le 19 janv. 2023

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il y a 5 jours

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Steven Benard

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