Resté en retrait depuis le tome 3, l'ultra-talentueux Brian Ching est de retour en force pour cette huitième aventure de Star Wars : Clone Wars, intitulée Obsession. Comme dans Dernier Combat sur Jabiim, Ching assure le dessin des deux-tiers de l'album, à savoir sa trame principale, l'épilogue revenant à une nouvelle venue, Nicola Scott. Mais j'anticipe.


Si "obsession" il y a, elle est réciproque : nous savons déjà qu'Asajj Ventress ne souhaite rien de mieux que de se venger d'Obi-Wan Kenobi, le jedi qui l'a humiliée à plusieurs reprises. Mais ce qui devient apparent dès les premières planches de ce tome 8, c'est qu'Obi-Wan aussi est prêt à tout pour retrouver sa némésis rattataki, y compris empiéter sur une rare permission pour s'assurer du sort de celle que tout le monde croit morte depuis son affrontement avec Anakin Skywalker à la fin de l'album précédent. Pour l'heure, Obi-Wan ne se base que sur des rumeurs entendues çà et là, mais lorsqu'un seigneur du crime de la planète Trigalis lui apprend qu'il a rencardé Dooku sur une rivale et que le comte lui a promis de mettre "son meilleur assassin" sur le coup, son sang ne fait qu'un tour.


Alors qu'il n'a jusqu'à présent eu guère de problèmes à la battre en plusieurs occasions, Kenobi estime cependant qu'il ne serait pas raisonnable d'affronter Ventress tout seul. Il se rend donc sur Naboo, où son ex-apprenti Anakin profite quant à lui pleinement de ses vacances. Cette séquence éminemment bucolique hérissera sans doute le poil des adversaires de L'Attaque des Clones puisqu'elle se situe dans la même villa que celle où fut prononcé le tristement célèbre "I hate sand" du deuxième film de la prélogie de George Lucas. Pour ma part, je dois reconnaître que c'est un plaisir de retrouver Padmé Amidala, restée totalement en retrait dans cette série de comics (même dans le tome 5, alors qu'une bonne partie de l'action se déroulait au sénat), et de voir leur couple profiter d'une vie matrimoniale relativement normale. De plus, ce passage montre que la frustration d'Anakin vis-à-vis de son maître n'a pas totalement disparu, ce qui en fait une excellente transition entre les Épisode II et III.


Ce bonheur conjugal est cependant de courte durée puisque, bon gré mal gré, Anakin consent à aider Obi-Wan. Ils abordent donc le yacht spatial de la cible du "meilleur assassin" pour découvrir… que ce n'est pas Ventress, mais le chasseur de primes Durge. Aaaah oui, Durge, c'est vrai qu'on l'avait un peu oublié ! On ne l'a pas vu depuis sa première apparition dans Victoires et Sacrifices et à titre personnel, ce n'est pas comme s'il m'avait manqué… il est d'ailleurs fidèle à lui-même, indestructible et prompt aux jeux de mots foireux, du moins jusqu'à ce qu'une explosion fasse fondre ses cordes vocales. Jamais déflagration ne fut plus bienvenue depuis celle qui vint mettre fin à la pire prestation de l'illustre carrière de Matt Damon dans Interstellar (oups, spoiler…) ! Mieux, Anakin ne tarde pas à régler son cas une bonne fois pour toutes en l'envoyant s'écraser dans un soleil, le tout avec un sadisme prémonitoire… s'il y a quelque chose dans lequel cette série excelle, c'est bien de laisser entrevoir Dark Vador derrière Anakin Skywalker.


Deus Ex Machina, les deux jedi apprennent à cette occasion l'emplacement du QG de la Confédération des Systèmes Indépendants : la planète Boz Pity, dans la bordure extérieure (là ou maître "Vausse", comme dirait Bruno Choel, déplace ses troupes dans l’Épisode III). Dans l'espoir illusoire de l'Entscheidungsschlacht, la République sort donc le grand jeu pour en finir avec la menace séparatiste : rien de moins que les maîtres jedi Mace Windu, Ki-Adi-Mundi, Plo Koon, Saesee Tiin, Agen Kolar, Kit Fisto, A'Sharad Hett, Adi Gallia et Soon Baytes se joignent à Obi-Wan et Anakin, ainsi que notre vieil ami le commando clone Alpha et le sénateur Bail Organa, pour nulle autre raison que de justifier la réplique de Léia dans Un Nouvel Espoir. C'est une véritable Wrestlemania de la Guerre des Clones !


Le spectacle sera-t-il à la hauteur ? Plus ou moins… il aurait fallu plus de pages, voir un album entier, un peu comme Dernier Combat sur Jabiim, pour donner la pleine mesure de cet affrontement titanesque. L'idée d'un duel entre Dooku et Windu était particulièrement alléchante, mais le fourbe comte préfère botter en touche. Dommage… le dernier combat entre Obi-Wan et une Ventress borgne et réduite à la folie meurtrière ne produit pas davantage d'étincelles mais au moins sa fin est-elle satisfaisante, la malheureuse finissant par entrevoir la lumière avant de succomber. Aperçu dans quatre malheureuses cases du tome précédent, le général Grievous a cette fois l'occasion de sortir ses crocs, ce qu'il fait de manière plutôt efficace ! Cette version de Grievous, tueur silencieux et méthodique, est dans la lignée de sa toute première apparition dans le dessin animé Clone Wars de Genndy Tartakovsky. On peut même considérer qu'il s'agit de la dernière du genre puisque La Revanche des Sith et The Clone Wars en feront le poissard à la toux perpétuelle que nous connaissons ; raison de plus pour apprécier son action dans Obsession, d'autant qu'il se paie le scalp de la pauvre Adi Gallia, membre du conseil des jedi. Profites-en, Grievy, tu n'auras bientôt plus que des padawans à te mettre sous la dent...


Au final, la bataille de Boz Pity s'avère une énième victoire à la Pyrrhus pour la République. Ventress est morte, mais Dooku et Grievous se sont échappés… oh pardon, ai-je dit que Ventress est morte ? Eh bien en fait non, comme nous le révèle la dernière planche du récit : elle est bien vivante et détourne la navette médicale vers… on ne le saura jamais. Quatre ans plus tard, The Clone Wars allait complètement altérer la continuité de la guerre et l'histoire de Ventress, de sorte que cet épilogue à la mord-moi-le-nœud est la dernière apparition de cette version du personnage. Tellement inutile et rageant, alors que sa fin dans les bras d'Obi-Wan était pourtant satisfaisante !


Heureusement, l'album ne se termine pas sur cette fausse note. Pour une fois, la politique de remplissage de Delcourt s'avère la bienvenue puisque l'éditeur français y a jouté un récit exclusif publié à l'occasion du "Free Comic Book Day" aux USA. Il s'agit d'une petite aventure d'à peine une vingtaine de pages, censée se situer immédiatement après la bataille de Boz Pity. Anakin et Obi-Wan, encore eux, sont sur les traces de Dooku et Grievous, ce qui les amène sur la planète forestière Ruhe, ce qui signifie "calme" en allemand. Nom peu approprié car leur canonnière est rapidement touchée par un tir, les obligeant à continuer en speeder-bike jusqu'à la forteresse de Dooku.


Évidemment, ni le comte ni son général cyborg ne sont plus là, mais c'est moins la destination qui compte que le voyage. Or, contrairement au récit principal, cette histoire donne l'occasion de voir les deux frères d'arme à l'apogée de leur amitié. Nulle trace ici de l'amertume de tantôt, le scénariste Miles Lane nous gratifiant au contraire d'un excellent dialogue nocturne au cours duquel Anakin, dormant à la belle étoile avec son maître, questionne ce dernier sur la fin imminente de la guerre et ce qu'ils feront ensuite. Le jeune homme semble tout prêt de révéler sa relation avec Padmé, mais il n'en a pas besoin : Obi-Wan l'assure que quoiqu'il arrive, il sera toujours là pour le soutenir.


J'évoquais à plusieurs reprises la série animée The Clone Wars, mais à bien des égards cette petite histoire la préfigure bien davantage que n'importe quel autre chapitre de Jedi ou Clone Wars ! L'amitié bon-enfant entre Anakin et Obi-Wan y est beaucoup plus proche de celle dépeinte dans la série de Dave Filoni – et du troisième film de la prélogie – que dans les comics de John Ostrander et Haden Blackman. Miles Lane saurait-il lire l'avenir ? Même le trait chaleureux et plus enfantin de la dessinatrice Nicola Scott évoque déjà le futur cheval de bataille de SW.


Verdict : Obsession est un peu meilleur que Les Cuirassés de Rendili, mais souffre tout de même de problèmes similaires : le dessin de Brian Ching et surtout la mise en couleurs du studio SnoCone pâtissent grandement des délais de production accélérés, même si le résultat reste plus plaisant à regarder que sur l'album précédent. Cette course vers l'Épisode III se fait également ressentir sur le scénario, car il y avait bien de quoi faire deux albums avec cette trame, mais baste – c'est surtout cet épilogue imbécile qui gâche le tout. Heureusement, le très plaisant petit récit signé Miles Lane et Nicola Scott permet d'achever les aventures bédéphiles d'Anakin Skywalker et Obi-Wan Kenobi sur une touche heureuse, tout en préfigurant fortement la suite de l'exploration de la Guerre des Clones dans les médias SW !

Szalinowski
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le 6 juin 2019

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