La genèse du manga One Punch Man est loin d'être banale. Pour le comprendre, il faut d'abord rappeler qu'au Japon, le monde du manga obéit à un système éditorial très encadré basé sur la prépublication. Un mangaka doit d'abord décrocher un contrat avec un magazine, il se voit alors attribuer un responsable éditorial qui l'orientera dans son histoire en fonction des retours d'enquêtes auprès des lecteurs. Puis, si le manga pré-publié rencontre le succès, il sera ensuite édité sous la forme que nous connaissons en France. A l'inverse, s'il ne trouve pas son public, il prend le risque d'être tout simplement arrêté en plein parcours. Un milieu qui ne prend donc pas de gants avec ses artistes et qui, malheureusement, peut aussi avoir l'effet pervers de tuer dans l’œuf des œuvres créatives mais moins plébiscitées.
Lorsqu'il lance son blog, ONE, le créateur de One Punch Man fait partie de cette frange de mangakas exclus du monde de la prépublication. Autodidacte au dessin approximatif, le jeune auteur va pourtant rencontrer un succès énorme avec ses planches via internet. Bien conscient du talent qui a réussi à germer en dehors de son sein, le monde de l'édition japonaise va alors pour une fois sortir des sentiers battus. Avec la complicité de Yusuke Murata, excellent dessinateur ayant sa propre série Eyeshield 21 et ayant lorgné du côté des comics, ONE va se voir offrir la possibilité de rééditer son manga par la Shueisha. L'alliance entre Murata et ONE va alors accoucher d'une bombe qui va souffler le paysage manga environnant
One Punch Man, c'est donc l'histoire de Saitama, jeune homme à la recherche d'un emploi. Sa vie va radicalement changer le jour où il va sauver un enfant à tête de cul d'un homme crabe. L'adrénaline du combat et la fierté d'avoir accompli une bonne action réveillent chez le jeune homme une vocation, celle de devenir super-héros. Des années plus tard, l'entraînement de Saitama a porté ses fruits, il est devenu tellement puissant qu'un seul de ses coups suffit à vaincre n'importe quel adversaire. Petit problème, notre héros s'ennuie ferme! Parce que chaque bataille ne dure plus que quelques secondes, Saitama n'arrive plus à ressentir la jouissance de ses premiers combats.
C'est alors qu'il va rencontrer Génos, un cyborg épris de justice qui, témoin de la puissance de Saitama, va décider de devenir son disciple sans trop lui demander son avis. Au contact du jeune homme, Saitama va découvrir que toute une société de super-héros s'est développée sans qu'il s'en inquiète et va décider de l'intégrer pour tromper l'ennui. Ironie du sort, même si Saitama démontre une puissance hors-norme lors des épreuves d'admission à la société de super-héros, sa nonchalance et son manque de tact vont lui valoir d'être pris pour un héros de bas étage, voir même pour un imposteur. Inconscient de la haine et de la jalousie qu'il génère sur son passage, Saitama va faire son petit bout de chemin au travers d'une société sclérosée et corrompue jusqu'à finalement en faire trembler les murs malgré lui.
Si One Punch Man est surtout connu pour sa manière de jouer avec les codes du Nekketsu en présentant un héros ayant déjà atteint tous ses objectifs, cela n'empêche pas l'auteur d'avoir voulu raconter une histoire plus profonde. ONE propose ainsi un portrait critique du monde des super-héros, mais aussi de l'entreprise et de la société en général, la société super-héroïque n'en étant finalement que le reflet. Dans ce tableau, Saitama apparaît comme un homme ordinaire, inconscient d'être écrasé par une machinerie qui le dépasse.
Le récit n'en oublie pas pour autant d'être fun à suivre, le découpage de Murata donne une véritable énergie aux dessins, en particulier lors des combats. Libéré des contraintes du manga traditionnel, Murata peut allonger l'action au travers de ses cases et ainsi la rendre plus fluide. Si bien que parfois le manga flirte avec un aspect cinématographique loin d'être déplaisant.
Finalement, tout est bon dans One Punch Man, mais le meilleur moyen de le découvrir, c'est encore de le lire! Have Fun.