Prison School
6.6
Prison School

Manga de Akira Hiramoto (2011)

Oui, « L'Argument ». Car s'il ne fallait qu'un argument énoncé contre le système éditorial japonais - et Dieu sait que les exemples abondent en la matière – le plus parlant d'entre eux serait celui-ci. Laissez-moi cependant verboyer sur cent paragraphes au moins afin qu'il vous apparaisse plus audible.


Prison School s’aborde contextuellement. Et c’est presque la gorge nouée, en tout cas les doigts raidis et crispés sur le clavier, que je vous en informe.


Me serais-je emparé de ce manga à l’envolée, comme je le fais toujours sinon souvent, afin de vous en faire parvenir la seule critique, que je n’aurais alors vomi sur de pleines pages qu’un légitime ressentiment. Prison School est pareil à tout Shônen contemporain, dépourvu d’allant, de perspective et d’intérêt. À l’odeur, et sans avoir à renifler trop fort, chacun devine quand le fric a été moteur de l’écriture. Il faut bien en vivre, de ses talents… mais à quel prix ? À celui que le cochon de lecteur est prêt à verser pour mieux s'avilir et se dégrader.


Que j’aurais aimé qu’Akira Hiramoto ne fut qu’un miasme, rien qu’un miasme, perdu dans cet aréopage excrémentiels de parvenus qui se présentent comme des « auteurs ». Comme à l’accoutumée, la sanction serait tombée comme un mollard glaireux, la note aurait scellé le procès-verbal, et je m’en serais allé me courroucer de quelque autre déjection trouvée sur mon chemin.

Seulement, cette disgrâce-ci, pour semblable qu’elle est pourtant à toute autre, on l’acceptera comme un crève-cœur pour peu qu’on se sera familiarisé avec le contexte qui vient.


Akira Hiramoto, s’il est celui à avoir posé Prison School en étron, avait jadis été auteur. Croyez-le ou non, on l’a connu comme un mangaka sincèrement estimé de la profession et révéré de ses lecteurs. Sa réputation, il ne l’avait alors pas usurpée, car il fut l’auteur du génial Me and the Devil Blues.

Liront ma critique ceux qui trouveront le temps. Sachez cependant que de passer de son succès critique à son présent succès de vente équivalait à passer du cinéma d’auteur au blockbuster sans ambition. Il sera tombé de haut, Hiramoto, nous aussi d’ailleurs. Lui se aura cependant amorti sa chute sur un amas de billets de banque.


Me and the Devil Blues, pour formidable qu’il fut, ne nourrissait pas son homme. Il aurait aussi bien pu peindre des tournesols qu’il en serait resté tout aussi famélique. Alors, interrompant son opus dei le temps d’une halte qu’on espéra momentanée, il alla rançonner le lecteur ; pas les siens néanmoins. Troquant la félicité pour la facilité, il brada jusqu’à son style graphique – c’est un crève-cœur de le constater – pour pondre un Shônen dont il espéra tirer quelques émoluments.


Vingt-huit tomes bien vendus et une adaptation animée plus tard, sa fortune était faite  ; son âme, ternie. Quel ironie, qu’un homme ayant pourtant écrit sur le pacte faustien le plus réputé de l’Histoire moderne n’ait pas, pour sa part, fait attention aux petits caractères avant de contracter. Vendu au diable, son talent jeté en pâture pour un succès, Hiramoto avait renoncé à la qualité pour la quantité, se faisant ainsi le juste citoyen d’un triste monde. Le nôtre en l’occurrence, celle où la masse dicte et l’élite se prosterne.

Peut-être, à présent que son compte en banque fut garni, allait-il en revenir à ses premiers amours, et conclure enfin l’œuvre dans laquelle il exhiba sa virtuosité ? Il n’en fut rien. Comme vidé de sa substance, après que Prison School eut fini d’avilir son génie, Hiramoto ne retourna pas à ses belles heures ; il les savait derrière lui.


S’était-il tant compromis, à écrire un Shônen formaté et sans intérêt, qu’il en avait annihilé son art ? L’hypothèse, si elle n’est pas certaine, est à redouter. Il aurait pu s’arrêter là, s’assoupir sur ses rentes et écrire à l’abri de la pauvreté ; mais il rempila en 2018 pour une abjection puisée du même tonneau que Prison School. C’en était fini de lui, l’édition l’avait brisé, et on le garda loin de son œuvre phare pour qu’il ne la termina jamais. Il avait rempilé pour un cinquième volume en 2015 puis… plus rien depuis dix ans à compter de la rédaction de cette critique.


Ainsi les gens de goûts furent privés d’une énième gâterie pour qu’un amas de pourceaux bien gras, dont le mou de la cervelle se sait lié au gras de leur séant, furent divertis de quelques instants pop corn. Et ceux-là, ingrats, n’ont, pour la plupart sinon la quasi-intégralité d’entre eux, jamais pris la peine de fureter parmi les œuvres passées de l’auteur. C’est dire s’ils l’estiment.

Mais à défaut de sa renommée… ils feront sa fortune.


Venez souffrir avec moi, vous laisser emporter dans un tourbillon de sinistrose acrimonieux et rancunier, pour tenir compte de tout ce que l’auteur a abandonné de talent pour quelques yens bien sentis. La déchéance passe avant tout par le dessin. Tapez « Me and the Devil Blues manga » par chez Google, scrutez la rubrique image et imprégnez-vous bien la rétine de tout ce que vous y verrez. Jetez ensuite ce même regard sur les planches de Prison School. Pas trop vite cependant, vous pourriez alors être frappé d’une soudaine cécité.

Voilà ce qu’a abandonné Hiramoto pour peu que le système éditorial l’y conduisit. Et dites-vous qu’il faudra en attendre autant de la forme que du fond. Ah ça le fond… on l’a touché bien fort et bien vite en passant d’une œuvre à l’autre. Et sans la perspective d’un rebond salutaire, on s’y réceptionnera le museau en avant.


Quand on tient compte du contexte dont je vous ai seriné sur dix paragraphes, chaque avarie qui vient vous fait l’effet d’un violent coup de pied dans les valseuses.


Cinq garçons se retrouvent dans un lycée supposément mixte où le reste du cheptel y sera cependant fort ovarien. Gros plans sur poitrines et petites culottes de lycéennes ; le ton est donné, l’auteur, dès le premier chapitre, a renoncé à toute forme de dignité. Il se vautre, se prosterne, car il vient faire honneur à ses nouveaux dieux  ; ce lectorat qui n’accepte ses offrandes qu’à condition qu’on lui chier dans les yeux. Akira Hiramoto, avec le zèle du nouveau converti, leur ferai ainsi honneur plus que de rigueur en s’avilissant jusqu’à connaître la plus ultime strate du déshonneur. Ça se sera passé vite, sans nous laisser le temps de douter. Au moins n’a-t-il pas souffert.


Je voyais ceci, bien que j’eus cent fois voulu détourner le regard, et je repensais à Inio Asano. De lui, j’en aurai dit bien du mal. Mais il est un autre de ces emblèmes du système éditorial actuel, qui lui aussi, consentit à abâtardir son art et ses pulsions créatives pour les condenser en un amas de merde tourné vers le grand public. Le comble de la disgrâce voulut alors qu’il rencontra le succès en agissant de la sorte.

Lui cependant, contrairement à Akira Hiramoto, témoigna de sa souffrance d’auteur d’avoir eu à se dégrader ainsi. Je me souviendrai toujours de ma lecture d’Errance où, consterné bien qu’impassible, son avatar, les yeux rivés sur un manga d’une de ses anciennes collaboratrices, souffla aigrement : « C’est donc ça qui plaît aujourd’hui ? »

La finalité d’un auteur, parce qu’il est démiurge de ses œuvres, n’est pas de plaire ; mais de créer. Par un élan artistique, il doit être à même d’élever son lectorat, le surprendre ; peut-être l’indigner par son propos, en tout cas, l’élever ou le secouer a minima. Le système éditorial du manga – mais cela vaut pour le monde musical, cinématographique ou même artistique en général – emploie pour sa part tous les efforts mis à sa disposition afin que le son public soit relégué au rang de bête humaine, tout juste bon à ramper et se nourrir de déjections. Ce qu’il se plaît à faire une page après l’autre.


Nous en étions donc à aborder une ébauche de scénario racoleur et son lot d’ecchi estudiantin. Le tout, avec une série de dessins dont je n’aurais jamais cru pouvoir dire, considérant qui en était l’auteur, qu’ils étaient quelconque et pareils à tout autre ; interchangeable avec le premier Shônen venu de son époque, lisse et sans substance. Ils m’ont notoirement évoqué un mix compris entre Grand Blue et Kakegurui. Je soupire rien que de l’écrire, Hiramoto a soldé son art pour que la plus basse plèbe qui fut à même de se concevoir lui ouvre son porte-monnaie.


J’admets cependant avoir ri quelque fois au milieu de la perpétuelle salve de gags qui nous parvenait. Et, vous aurez beau chasser le naturel, le dessin laissait parfois poindre des plans très travaillés. Quelque chose qui se raréfiera peu à peu, le temps que l’auteur ait fini d’anéantir son style graphique.


Ça vire très vite à du Sado Maso larvé – mais sous couvert d’humour, donc potache – avec, comme seul horizon, la perspective d’un cul. « La Perspective d’un Cul », ça aurait été un excellent titre pour l’œuvre qui nous concerne, et dont on devine bien assez vite qu’elle s’improvise quasiment un chapitre après l’autre. Suite au SM, au léchage de botte, on a droit à une séquence... urine. Et même une déferlante qui poussera le vice – c’est le mot juste – plus loin encore, jusqu’à la plus ultime outrance. Y’a une feuille de papier à cigarette entre Prison School et un hentai. Rien qu’une seule. On ne saurait d’ailleurs dire qui de Prison School ou d’un hentai est le plus licencieux dans ce qu’il a à mettre en exergue ; car le vice confine au maléfice dès lors où Hiramoto est un dessinateur et orchestrateur génial.


Je ne pense pas trop franchement m’égarer en supputant que l’auteur a cherché à condenser dans ce manga tous les fétichismes sexuels les plus malsains afin de rafler large dans son lectorat potentiel. Derrière le gag, y’a le graveleux ostensible… sous couvert d’humour ; naturellement.

Aucun esprit bien fait ne pourra s’empêcher de trouver tout cela putride, ne serait-ce qu’instinctivement. Le manga s’accepte comme un voyeurisme vicieux de tous les instants, drapé du prétexte de l’humour pour justifier qu’il s’accomplît sous nos yeux.


Curieusement, ça se lit vite. Il aura beau s’être mis à genoux et même ramper pour atteindre ce niveau, Hiramoto persiste à dépasser la mêlée, même après s’être rabaissé le plus possible. En dépit de ses prévarications multiples et insensées, il conserve une gestion du rythme de son récit qui sait y faire pour que le lecteur ne bute pas sur chaque case. C’est pitié qu’un homme si talentueux sache si bien exposer sa déchéance.


On a droit à des poses suggestives à répétition ; tant et si bien que je me croyais redécouvrir Gantz et ses pin-up de début de chapitre. Le verni de la comédie, même étalé à raison de plusieurs kilotonnes, ne dissimulera jamais assez que ce manga a été conçu pour flatter quelques bas instincts et conserver ainsi captif un lectorat plus émoustillé qu’amusé par ce qu’il lit.


La traduction française se sera en tout cas bien débrouillée avec le gag du proviseur dont le dernier mot, coupé en deux bulles à la dernière syllabe, permet d’être tendancieux. Ce ne devait pas être évident à transposer depuis le japonais. De même que les « fichtres » et « diantres » de Gakutô que je devine inspirés du vocabulaire médiéval japonais. Et puis… mention spéciale à « Jean-Luc Mélénichon » ainsi qu’à son parti des « Seins soumis » ; des libertés ont été prises de ce côté-là, et ce fut admirablement bien inspiré de la part de la traduction.


Tourné vers de bas desseins, l’intrigue, centrée autour d’évasions parsemées de gags et de quiproquos, trouve le moyen de se dynamiser de nouveau à chaque chapitre. Les rebondissements se poursuivent en séries et, bien que le procédé a un côté ostensiblement calculé, il contribue pour beaucoup à conserver captif un lectorat venu ici pour les nibards, resté englué pour l’intensité de la trame. Quel drame d’utiliser ses dernières bribes de talents pour de si basses œuvres.


Les personnages masculins, si ce n’est servir de variables aux gags, n’ont pas grand attrait. Quand à ces demoiselles, aussi monodimensionnelles, elles sont soit frigides et cruelles, soit cruches par-delà les limites du raisonnable. Chiyo qui en vient à trouver des circonstances atténuante à un garçon dont elle sait – sans toutefois connaître le contexte – qu’il lui a pris son uniforme… c’est un vœu pieu, pas une éventualité scénaristique crédible.


Il aura fallu que je vérifie, le manga est effectivement classifié Seinen en dépit de sa trame adolescente, ce qui offre ainsi le flanc l’exposition OSTENSIBLE, de poitrines entièrement dénudées, entre autres attributs et poses franchement racoleuses où suinte une sudation lubrique, si ce n’est d’autres fluides encore. C’est à vous faire relativiser Kekko Kamen ; et de beaucoup.

Une feuille de papier à cigarette écrivais-je. Une feuille de papier à cigarette… et ça se rappelle à vous à chaque chapitre qui vient. L’inconvénient majeur étant que l’auteur, si on s’en tient au registre libidinal, est particulièrement habile dans le tracé et le choix des poses ainsi que ce qui tient aux cambrures. C’est terrible de voir un génie user de sa grâce pour accomplir un si grand mal, et le faire aussi bien. L'objectif, bien qu'inavouable et honteux, n'entache en rien son exécution irréprochable.


Sans laisser au lecteur le temps de réfléchir, le scénario est une course de tous les instants qui, en enchaînant si vite les événements, sans donner le temps de s’ennuyer, conserve notre attention durant longtemps. Un regard rétrospectif nous conduit à reconnaître que nous n’avons lu qu’une trace de pneu sur papier blanc, mais on se sera laissé emporter dans l’élan qu’un auteur n’en finissait pas de souffler du bout de la plume.


L’humour – si on peut encore le qualifier ainsi à la longue – est un « pipi-caca-bito-fesso-nichon-sado-maso-vaginax » – vous pouvez me citer – enrobé de quelques artifices de mise en scène pour le rendre supposément plus drôle. Rares sont les gags à vous faire rire, ceux-ci s’étirant parfois dans des arcs entiers d’une lourdeur accablante.

Rappelons, à toutes fins utiles, que le seul humour impliquant les émanations corporelles à savoir être drôle est contenu entre les pages de Golden Kamuy. C’est bon à savoir, moi je le sais et, à présent, vous aussi.


Les stratégies pour contrer le conseil clandestin, outre les frasques débilitantes, sont assez bien senties pour qu’on ne les trouve pas trop faciles. Elles ont été réfléchies et de ça, on ne peut pas s’en plaindre. Et je le déplore…

L’intégralité du manga ou presque s’accepte ainsi comme une ode au mauvais goût. Les plans suggestifs et égrillards s’y multiplient à raison de millions, c’est immature à des degrés divers et pourtant… ça se lit. Ça se lit parce que ça a été écrit par un auteur formidable ; ça s’apprécie comme un vulgaire porno malencontreusement chroniqué par un écrivain prodigieux. De cette œuvre, on ne voudrait en dire que du mal, car il n’y a, par principe, que du mal à dire de pareilles compositions… mais c’est si bien narré qu’on ne peut lui nier ses vertus, quand bien même celles-ci seraient empêtrées sous dix kilotonnes de vice. Il nous a certes rapporté une immondice sur le papier, mais c’est indubitablement la plus étincelante d’entre toutes.

Quel gâchis de savoir qu’un artiste a usé de tout son savoir-faire pour magnifier l’abjection, au point même de la rendre tolérable aux yeux. Ce diable d’auteur, il peut faire reluire un étron jusqu’à le rendre scintillant, voire affriolant. Ça ne masque pas la responsabilité l’auteur cependant, car même à atteindre le génie dans pareil registre, on se déshonore en dépit d’un remarquable travail accompli. Il avait tant à donner à ses lecteurs… mais ses éditeurs l’ont bridé pour qu’il ne nous gratifie que du pire qu’il ait à nous offrir. D’autant qu’on persiste à trouver certaines situations marrantes. Quelle frustration de ne pas pouvoir dire assez de mal d’une œuvre qui en est pourtant imbibée jusqu’à la plus infime parcelle d’encre.


Le récit trouve de la variété une fois que les garçons libres, le cadre carcéral et la disparité du ratio filles-garçons dans le lycée prêtant ainsi le flanc à d’excellentes situations. Il faudra cependant m’expliquer pourquoi André n’a pas été incarcéré suite à l’incident du sauvetage de Jô.


Enfin un long Flash Back soporifique et prévisible, je désespérais ne pas suffisamment verser mon trop-plein de bile. C’était en plus interminable, presque à la mesure d’une One Piece ; une parfaite disgrâce présentée sans intérêt aucun que celui de nous faire savoir ce que nous avions déjà deviné.


Il faut attendre après le tome dix pour que les dessins, jusque là capables de fulgurances graphiques somptueuses, comme les soubresauts d’un talent qui n’en peut plus d’être tenu sous le boisseau, finissent enfin par mourir dans l'âtre. Les esquisses ne sont alors plus à même de mettre en exergue la patte spécifique de son auteur, n’étant alors plus que des concentrés de fadeur glacée dont on ne retire aucune satisfaction à les contempler. Hiramoto se sera débattu la tête sous l’eau pendant plus d’une année de parution avant qu’enfin, il daigna céder à la noyade pour que son corps et son âme se laissèrent enfin entraîner par les flots. Il suit le courant à présent, docilement et sans une éclaboussure.


Mais y’a toujours, à l’enrobée, un chapitre venu laver le déshonneur d’un postillon. La reconstitution du baiser de Kiyoshi par Shingo, la phase gênante de Gakutô et Jô ou plus tard la communication par le mime et la fusée étaient ce qu’il fallait pour ne pas qu’on eut le sentiment que tout s’effondrait. Même dans sa chute, l’auteur trouve toujours le moyen de se rattraper afin de ne jamais se rétamer.


Les séquences tendancieuses sous couvert d’humour, omniprésentes depuis le début, sont de plus en plus grasses et malvenues. Et pourtant, la barre – si je puis dire – avait été jusque là placée très bas. La séquence potache SM dans la bibliothèque – oui – en est un exemple parlant, forçant un quiproquo trop improbable pour qu’on le considéra un poil crédible. Tout cela est sans compter l’arc masochiste d’André, l’amnésie de Meiko ou la morsure de « crotale » à 2 cm du vagin, puis sur la fesse, planifié par le conseil officiel, qui savait apparemment qu’un crotale mordrait exactement à ces endroits pour avoir ensuite des images compromettantes. Et le chapitres des patates et du lait… faut le dire si on veut faire un hentai ; là, l’affaire était presque consommée.


Ça n’essaye même plus de faire au moins semblant d’être crédible. Une fois le lectorat affranchi, ne reste qu’à le mener comme du bétail jusqu’à la fin qui est encore loin. Et le proviseur nous manque. Son arc de retour au bahut aura été un soulagement de légèreté au milieu de la lourdeur libidinale et envahissante des chapitres qui s’enchaînent.

Au programme, une antagoniste majeure dont la résolution de son intrigue se clôturera, évidemment, avec du sexe lesbien. Toutes les facettes libidinales auront ainsi voix au chapitre dans ce grand recueil d’obscénités crasses qu’est Prison School. Naturellement, tout ça sera étiré sur plusieurs chapitres de temps ; car c’en est fini de la narration haletante, elle s’est comme qui dirait essoufflée à l’usure.

Soit dit en passant, le plan ne fonctionnait qu’à condition que Meito, pourtant experte en Aïkido, donc en principe agile, rapide et vigilante, se laisse mettre un bracelet de menottes au poignet. Des facilités dans les plans d’évasion, il n’y en a jamais de trop ; mais il en suffit d’une pour compromettre toute la foi qu’on puisse avoir dans le déroulé.


L’arc des épreuves est interminable à traîner en longueur, avec cette histoire de culotte qui n’en finit pas, elle non plus. On n’enregistre guère qu’un rire pour trois volumes, les gags sont trop poussifs et étirés inutilement pour qu’il puisse s’en dégager une quelconque saveur. Ça traîne plus que de rigueur, l’arc des épreuves aurait pu durer au bas mot cinq tomes de moins.


Puisqu’il faut ensuite nouer qui ne demandait qu’à être lié, les derniers volumes se tournent vers la conclusion des amourettes des personnages. Naturellement, la bagatelle nous prend là encore un temps fou à s’accomplir, avec une multiplicité de sous-intrigues dispensables. La toute fin est tranchante, incisive, sans offrir de réelle conclusion à l’ensemble des personnages. André n’est plus dans la bande des garçons, cette dernière n’ayant plus aucun but dans la vie, l’intrigue amoureuse de Gakutô étant jetée aux orties ; l’auteur ne sachant apparemment plus quoi faire de lui et des autres…

Ç’aurait pu être pire, la brutalité de la fin contrastant avec ce qu’on peut espérer d’un manga que beaucoup espéraient plus convenu.


Voilà pour l’Argument. Voilà pour le dégoût qu’on ne peut qu’éprouver pour un système qui assimile des auteurs de talent pour les formater en usine à chiasse. Une belle chiasse, je le reconnais, clairsemée et limpide… mais chiasseuse avant toute chose. Et dire qu’Hiramoto, confus et terni par ceux qui ont fait de lui ce qu’il est à présent, poursuit sa forfaiture avec une œuvre au moins aussi dispensable, et sans doute aussi lubrique à en voir les couvertures. Il ne rencontra pas le succès cette fois-ci, l’apothéose de Prison School ayant porté sur lui l’ire d’un lectorat tout entier. Cela justifia bien que je m’y attarde.

Chiyo, la jeune fille pure et innocente que convoite le héros, après avoir découvert que celui-ci était épris d’une autre, devînt la présidente du Conseil Clandestin chargé de réprimer les bonnes mœurs, marchant ainsi dans les pas de sa sœur. Nombre de spéculateurs, enragés d’une fin aussi sombre, ont estimé que l’auteur s’était saboté, supputant chez lui une frustration de ne jamais s’être fait un nom pour Me and the Devil Blues, mais un vulgaire manga Ecchi. C’est extrapoler sans preuve que d’avancer ceci. La sœur de Chiyo, et depuis son introduction, a été présentée comme un personnage très hostile aux hommes, laissant à deviner une blessure. Tout prête à penser que l’auteur, de longue date, souhaitait aboutir à cette conclusion, afin d’une part de ne pas céder à la facilité du héros qui conquiert sa promise, mais aussi pour expliquer ce qui aura conduit Mari, avant Chiyo, à occuper le poste qui fut le sien. En réalité, la fin de Prison School ébauche sa Genèse et est de ce fait bien plus travaillée qu’il n’y paraît. Je me réjouis en tout cas que des morfales abaissés à l’Ecchi-manga par plaisir – non mais, imaginez seulement – aient dû hurler leur souffrance de voir un manga qu’ils aimaient se terminer sans aboutir à une résolution prévisible. Hiramoto a eu raison de bousculer son lectorat. Et puis, à supposer qu’il les ait vraiment chamboulés par revanche pour Me and the Devil Blue, je ne pourrais dès lors qu'avaliser telle mesure pour ce qu'elle aurait de justifié dans les termes. C'est pas aussi tranchant qu'un Gal Cleaning dans la vengeance, mais ça se défend bien par lacérations profondes.

Avec Prison School, Hiramoto avait trouvé le filon, alors il piocha à s’en rompre les muscles. Mais il eut beau remplir ses sacoches d’or, jamais, dans ces eaux sales, il ne prospecta la satisfaction d’être un auteur accompli.

Un lecteur naïf, bien qu’écœuré de l’avoir vu devenir ce qu’il est, gardera cependant rivé au cœur un espoir, celui de le voir terminer un jour Me and the Devil Blues.

Josselin-B
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le 11 oct. 2025

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Josselin Bigaut

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