Un lycée professionnel comme un autre

Parfaitement, ça s’écrit avec deux points d’exclamation après le « Sakigake » et pas autrement. Car s’en tenir à un seul, c’eut été faire preuve d’une forme de retenue qui, assurément, n’a pas sa place dans l’œuvre présente.


Que se passe-t-il quand une parodie en vient à embrasser le sujet même de ses quolibets ? Est-ce qu’il y a un terme pour nommer le phénomène ? Il y a en tout cas une œuvre : Sakigake!! Otokojuku. N’en attendez pas une émulation de ce manga hilarant qu’est « Le bahut des Tordus », manga dont le titre original est Sakigake!! Cromartie Koukou. Oui, avec deux points d’exclamation après le Sakigake, là encore.


Sakigake!! Otokojuku s’était conçu à l’origine comme un semblant parodique assez bâtard qui ne savait pas exactement vers où s’orienter. Je gage que le responsable éditorial a dû aiguiller l’œuvre pour lui tracer son parcours, établissant ainsi un itinéraire qui mène droit vers le néant. Mais avant d’y venir de déplorer le paysage qui s’annonce, il importe au moins de profiter du début du voyage.


Ça se veut burné Sakigake!! Otokojuku. Même que ça s’assume comme tel jusqu’aux pires outrances. Le verni de l’humour est d’abord acceptable pour nous amener à considérer la chose, mais quand ce dernier s’étiole, on peine, au premier degré, à seulement apprécier ce qui nous est servi dans ce registre. Il y a de ces mangas dont les personnages sont… considérablement pourvus en testostérone. Parfois bien trop. Ce sont des mangas où il y a des couilles. Ici, le manga lui-même tend à devenir cette paire de couilles. Aussi hésite-t-on à s’en saisir à pleines mains pour le consulter de plus près.


Le dessin, vous le connaissez. Peut-être bien que vous n’avez jamais lu Sakigake!! Otokojuku, et sans doute n’avez-vous jamais lu une seule œuvre signée de la main d’Akira Miyashita. On vit très bien sans, remarquez. D’autant qu’il n’est finalement connu que pour l’œuvre présentement critiquée et ses dérivés puisqu’il ne se sera jamais renouvelé une fois dans sa carrière.

Aussi, malgré le fait que ne soyez pas familier avec l’œuvre ou son auteur, je peux l’assurer à ceux qui ont lu les classiques en matière de mangas ; ce dessin, vous l’avez déjà vu ailleurs. Hokuto no Ken, ça parle à certains ? J’aime autant vous dire que l’œuvre se rappellera ici à votre bon souvenir à chaque case que vous contemplerez les esquisses grossières. Car il faut s’entendre sur le constat ; il n’est pas question de dire qu’Akira Miyashita s’est lourdement inspiré du trait de Tetsuo Hara, certainement pas. Non, à la place, on dira plus volontiers qu’il a plagié son trait au millimètre près. Je vous encourage à comparer par vous-même, ça n’est pas seulement probant, mais choquant.


Il n’est pas le seul, durant la décennie 1980, à s’être penché sur le dessin de Tetsuo Hara afin d’y piocher un style. Il s’en est trouvé un autre du doux nom de Hirohiko Araki. Les débuts de JJBA portaient en effet la trace assez distinctive de ce style graphique si singulier et difficile à ne pas voir. Mais à la différence d’Akira Miyashita, Hirohiko Araki a fait infléchir son crayonné jusqu’à accomplir un style unique, sublime, et sans commune mesure avec les débuts de son œuvre.

Des corps musclés jusqu’à outrepasser les limites du ridicule, des gueules carrées et de la saturation dans le dessin à ne plus quoi savoir en faire : c’est une copie conforme d’Hokuto no Ken. Dans le trait tout du moins.


À ses débuts, Sakigake!! Otokojuku nous présentait Momotaro, un personnage virtuellement invincible dont la classe elle-même le pourvoyait d’une armure conceptuelle indestructible. C’était un héros de Shônen très héroïque, preux et toujours au-dessus de la mêlée. Autant dire un personnage si chiant qu’on ne s’intéressait que difficilement à son cas. À quoi bon puisque, toujours, la victoire lui est acquise.

Mais autour de lui, dans cet aréopage douteux et musclé que constitue le lycée Otokojuku, il se trouvait des personnages secondaires pour adoucir le récit. Les profs cruels, en proie constante à la prévarication, ou encore le trio des rigolos mené par l’inénarrable Tazawa ; il y avait matière à rire et les chapitres se succédaient sans que l’on ait à forcé.


Non, ça n’est que par la suite que les pages sont devenues décidément trop lourdes pour qu’on se sente le besoin de les tourner davantage.

Exit l’humour, exit le trio, exit même Genji et Ryuji qui, tels de vulgaires Terriens dans Dragon Ball, seront poussés sur le bancs des seconds couteaux au profit de personnage introduits plus récemment. Parce que très vite, il ne sera plus question de bastons. Et je ne vous parle pas de la petite baston estudiantine tranquillou ; on fraye davantage avec des enjeux de vie et de mort lors de combat à l’arme blanche au milieu d’antagonistes sortis d’on se sait où. Ou plutôt si, on le sait trop bien alors qu’on jurerait qu’il nous parviennent tout droit du désert de Kanto. Il sera question de Taijutsu appliqué ; l’application ayant vocation à s’étendre jusqu’aux confins de l’absurde.

Rappelons qu’il s’agit à la base d’un manga sur un lycée de délinquants.


Très vite, trop vite même alors que l’humour, s’il n’était pas à se taper le cul par terre, avait cependant ses lettres de noblesse, le manga vire au festival de de la bastonnade ininterrompue. Tous muscles dehors, la horde sauvage se castagne comme si le Hokuto Shinken était de ce monde. On aura même droit aux héros de l’Olympe entre autres excentricités exagérément outrancières de l’ordre des films de Kung Fu fantastiques. Sans but, sans enjeu et finalement sans intérêt même pour ce qui est de la chorégraphie de ses affrontements, l’intrigue – ou ce qui se présente comme telle – s’emploie constamment à faire offense à la virilité ; la vraie.


Parti comme une parodie pour finalement incarner sans vergogne le sujet de son pastiche, Sakigake!! Otokojuku a prouvé qu’il n’était risible que malgré lui. Les larmes d’homme qui ponctueront son récit achèveront de nous en convaincre à supposer que l’on n’ait pas été persuadé jusque là. Sans matière et sans consistance, il y a peu à en dire et ce, bien que l’œuvre m’ait assommé au terme de trente-quatre tomes rébarbatifs et sans audace.


Toutefois, je sais qu’il se trouvera des amateurs de testostérone pour bouder leur plaisir en ayant cru trouver matière à se satisfaire à une époque du bishônen tous azimut et tout azimuté. À ceux-là, je leur dirai dans un premier temps de se tourner vers Golden Kamuy où le muscle se marie si bien à la connaissance ; et pour tant d’autres mérites. Quant aux téméraires et aux inconsciences qui braveraient mes recommandations, je leur recommanderais plus volontiers l’adaptation animée de Sakigake!! Otokojuku, une adaptation qui sait où s’arrêter en présentant tout ce que le manga a à offrir sans fioriture ni longueur. Longueurs dont le manga n’a été que trop coutumier.

Josselin-B
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le 10 mars 2023

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Josselin Bigaut

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