La direction artistique de Silent Jenny évoque celle de Mortal Engines et ses villes mobiles. Ses explorateurs – les microides – capables de réduire leur taille à celle d’un insecte rappellent quant à eux la série de comics et de films Ant-Man. Il souffle même sur ce récit de science-fiction le vent des romans d’aventure de Jules Verne. Mais toutes ces influences, conscientes ou non, n’empêchent pas la dernière création de Mathieu Bablet (Shangri-la, Carbone & Silicium et le récent Shin Zero) de tracer sa propre voie.
Cette BD se démarque par sa nature chorale : bien qu’elle se focalise sur Jenny et sa quête de l’abeille qui permettra de polliniser à nouveau la planète, l’histoire accorde du temps aux personnages satellites. Ainsi, les apartés centrés sur les habitants de la monade, les mange-cailloux et les agents de Pyrrhocorp apportent vie et profondeur à cet univers. Les dimensions affichées par cet album édité par Label 619 permettent d’ailleurs à l’auteur d’y étendre ses paysages sur de vastes doubles-pages et de jouer à l’envie avec les échelles. Silent Jenny fait ainsi dialoguer l’intime et le grandiose dans ses dessins comme dans sa narration.
Car l’autre force de cette bande dessinée est d’utiliser le genre post-apo et le parcours de son personnage principal – et les blessures qu’il porte – comme commentaire sur la dépression et la résilience. Et Bablet de ne pas se laisser entraîner sur le terrain de la fatalité. « Pour moi, la SF doit proposer des pistes d’avenir, des dynamiques de transformation, de réinvention. Ce n’est pas tant une question d’optimisme, mais plutôt de réenchantement. Je veux m’inscrire dans un monde qui a besoin d’être réenchanté. » Une science-fiction humaniste et existentielle qui invite à aller de l’avant.