Avec Top 10, Alan Moore signe l’une de ses œuvres les plus malicieuses, les plus généreuses aussi : une série chorale où chaque case déborde d’idées, d’histoires secondaires et de micro-blagues visuelles. Le concept est aussi simple que brillant : une ville où tout le monde a des super-pouvoirs, y compris les flics, les civils, les criminels et même les voisins râleurs. Résultat : le quotidien de la police devient un chaos permanent, oscillant entre enquête métaphysique, querelles de copropriété, dimension parallèle et paperasse administrative.
Ce qui frappe, c’est la manière dont Moore transforme la surenchère super-héroïque en matière sociale. Les agents de Precinct 10 ne sont pas des surhommes majestueux : ce sont des travailleurs épuisés, confrontés à des drames très humains — racisme interdimensionnel, sexisme cybernétique, traumas hérités de guerres cosmiques. L’émotion surgit souvent dans un coin de case, presque discrète, mais toujours juste.
Le dessin de Gene Ha (aidé par Zander Cannon) est essentiel à l’expérience : hyper-détaillé, brillant de couleurs et de textures, capable de faire exister une foule de personnages sans confusion. Chaque rue de Neopolis devient un décor foisonnant qu’on pourrait scruter pendant des minutes entières tant les gags, références et micro-histoires s’y accumulent.
Si l’humour et la densité peuvent parfois donner le vertige, l’ensemble reste un grand plaisir de lecture, mêlant satire, tendresse et world-building ambitieux. C’est l’une des créations les plus attachantes de Moore, celle où il se montre le plus joueur, le plus chaleureux, presque le plus humain.
Résumé
Un polar super-héroïque foisonnant, drôle et profondément touchant, à la richesse visuelle éclatante.
🔍 Une cité impossible, des flics extraordinaires, et l’une des meilleures idées de Moore.