Ushijima, L'usurier de l'ombre, est une critique sociale assez noire mettant en scènes Kaoru Ushijima, un 'Yamikin', un usurier clandestin proche des yakuzas qui prête de fortes sommes d'argent à ceux qui le lui demandent, à des taux d’intérêt exorbitants : 50% en 10 jours !
Et autant vous dire que le Ushijima, il est pas du genre très tolérant avec ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas le rembourser, et soyez sûrs que quoi qu'il arrive, même s'il doit recourir à des moyens peu orthodoxes, il obtiendra toujours satisfaction.


Chaque arc narratif du manga nous fait suivre le quotidien des clients d'Ushijima, celui-ci est souvent réduit à un personnage secondaire, et nous découvrirons à chaque fois leur milieu de vie, leur condition, ainsi que les raisons qui les ont poussés à emprunter de l'argent à notre héros.
Ce peuvent être un père de famille tiraillé par son obsession des femmes, une femme qui se fiance avec un homme trop parfait pour être honnête, un trentenaire qui n'a pas le courage de grandir, etc...
Des personnages très humains, très réalistes, au motivations pas toujours très louables, mais compréhensibles, et qui se retrouvent souvent dans la mouise à cause de leur propre bêtise.
Nous découvrons ainsi de nombreuses facettes de la société japonaise : Le monde des salarymen, la prostitution, le milieu des affaires, les SDF, etc... Avec un sens du détail percutant qui rend l’expérience de lecture encore plus forte.
Car les différentes histoires racontées sont bien loin d'êtres roses, les personnages que nous suivons vivent le plus souvent un véritable enfer, entraînés qu'ils sont dans la sombre spirale de l'argent : Ils empruntent à Ushijima, tentent de régler leurs problèmes, puis doivent se débrouiller pour rembourser le yamikin. La psychologie des protagonistes passe ainsi au premier plan de l'histoire, nous faisant comprendre leur philosophie, leurs motivations, leurs rêves, leurs désillusions, leurs peurs, leurs préoccupations, etc... Bref, tout ce qui fait d'un être humain ce qu'il est.
Puis l'argent vient s'en mêler.
Et c'est le drame.
Et la chute.
Et l'enfer.
Et ?...


Les histoires sont toutes globalement très noires, mais pas dénuées de morale.
Car si les personnages ont plein de problèmes, c'est toujours en grande partie leur faute il y a parfois une porte de sortie qui peut leur apparaître et les aider à se relever, et de recommencer de vivre, même si ce sera plus dur à partir de maintenant, on pourra y arriver.
Les histoires d'Ushijima, c'est un peu comme dans la vie de tous les jours : Il y a des hauts et des bas, mais c'est en refusant d'abandonner qu'on peut continuer à avancer.


Quelques fois, l'auteur choisit de se concentrer sur Ushijima, et nous permet ainsi de mieux percevoir le bonhomme. Un type qui au premier coup d’œil peut paraître calculateur, amoral et sans scrupules, mais qui est avant tout un homme avec des principes, des valeurs, et une philosophie de vie plutôt intelligente, quand on y réfléchit bien : Il considère que l'argent est un bien précieux dans notre société, et qu'il vaut mieux le garder avec soi que le dilapider dans des choses futiles telles les objets de luxe, la drogue, etc... mais qu'il pousse à un extrême qui le rend monstrueux. Et il vaut mieux éviter de s'en faire un ennemi, parce qu'alors il passe en mode badass et devient vraiment votre pire cauchemar sur Terre .
Le genre de gars qui vous obligerait à rembourser votre dette en vous forçant à travailler toute votre vie dans des conditions épouvantables et en se payant sur votre salaire, ou à vous faire souscrire à une assurance vie, et vous obliger à avoir un accident pour récupérer l'argent de l'assurance !
Démoniaque.
Il a aussi de petits instants d'humanité, n'hésitant pas par exemple à risquer sa vie pour protéger ses débiteurs en danger de mort et à s'attaquer à des gens très dangereux pour régler un conflit, mais jamais on ne le verra faire un encart à ses principes. De l'argent toujours il prêtera, et de l'argent toujours il récupérera. Quel qu'en soit le prix à payer.
C'est le genre de personnages qui personnellement me fascinent, des types comme Golgo 13, l'Agent 47, Samara de Mass Effect, John Wick,... Avec des valeurs, une volonté sans faille qui les poussera à ne jamais déroger à leurs principes, quand bien même les respecter ne pourra que les conduire à commettre des actes terribles qu'eux-mêmes regretteront, mais qu'ils ne pouvaient se permettre d'éviter. J'a-dore !


Le dessin est à l'image de l'histoire : Réaliste. Entendons par là que l'auteur n'a pas peur de dessiner des moches, des gros, des petits, des vieux, etc... Tout en rendant leurs traits physiques très grotesques pour accentuer l'impression que le lecteur est en train de lire une véritable farce sociale.


Ushijima est peu connu, mais il mérite vraiment le coup d’œil. C'est un manga rude, qui bien souvent ne vous laissera pas intacts, mais possédant ce petit coté addictif qui vous donnera toujours envie de lire la suite.

Arkeniax
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le 7 mars 2017

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